Science en action 5 décembre 2024
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Nyama-Nyama | Un jeu qui prend la chasse durable au sérieux
Les jeux sérieux sont de plus en plus utilisés dans les projets afin de faciliter la gestion collective des ressources naturelles. Ils se veulent ludiques, tout en favorisant le débat et l'apprentissage collectif. Le Cirad a développé plusieurs outils de ce type, notamment TerriStories®, un jeu de gestion participative, et dispose d'une expérience importante dans la construction de démarches participatives.
Un jeu de rôle pour simuler les pratiques de chasse
C'est ainsi que l'équipe du programme SWM au Gabon a sollicité des expertes et experts du Cirad pour développer un jeu afin d’aider les communautés villageoises à rédiger leurs propres plans de gestion de la chasse. L'objectif global du projet est d'impliquer ces populations dans la gestion collective de leurs ressources fauniques.
Dans Nyama-Nyama, les participants jouent le rôle de chasseurs et partent à tour de rôle pour des "parties de chasse". Le jeu se déroule en deux étapes.
Durant la première phase, chaque joueur chasse pour lui-même", sans communication entre les joueurs. Chaque participant choisit où il veut chasser pendant 4 tours. Des perles sont utilisées pour représenter les différents types d'animaux qui peuvent être chassés. Après chaque tour, les perles sont rechargées pour simuler la régénération naturelle des espèces.
Lors de la seconde étape, les joueurs sont autorisés à communiquer, à travailler ensemble pour gérer collectivement leurs activités et leurs ressources naturelles, et trouver des solutions communautaires plutôt qu'individuelles.
Une approche "tout est permis" n'est pas durable
Le jeu a été testé avec les communautés du département de Mulundu, au Gabon, lors de plusieurs ateliers. Les résultats sont prometteurs. Après la première manche, les populations de certaines espèces ont diminué de façon spectaculaire, révélant que l'approche "tout est permis" n'est pas durable.
Au cours de la deuxième manche, certains joueurs se sont prononcés en faveur de quotas individuels, d'autres ont suggéré de faire tourner les zones de chasse pour permettre la régénération, tandis que d'autres encore ne voyaient pas l'intérêt des pratiques de gestion puisqu'eux-mêmes, leurs parents et leurs grands-parents chassaient sans elles depuis des décennies.
On a entendu un participant plaisanter avec un autre : "Quoi ? Je suis censé rester là pendant qu'une gazelle se promène devant moi ?". Néanmoins, après plusieurs parties, un consensus a été atteint, permettant la reconstitution des stocks de certaines espèces.
Comprendre des concepts clé de l’action collective
Le jeu n'a pas débouché sur un plan de gestion, mais il a permis d’en poser les bases. Tout d'abord, il a déclenché de précieuses discussions entre les joueurs sur l'opportunité et la manière de réglementer la chasse.
Deuxièmement, il a permis de faire connaitre des concepts clés de la gestion durable concernant l'action collective, les indicateurs et le suivi, ainsi que les quotas.
Troisièmement, Nyama-Nyama a révélé la diversité des positions parmi les joueurs. Elle reflète la réalité des différents points de vue au sein d'une communauté et la nécessité de parvenir à un consensus viable. Comme l'a souligné un joueur, "le jeu nous apprend beaucoup de choses. Il nous donne des moyens de gérer la vie sauvage... pour que nous puissions travailler ensemble".
Prochaines étapes
L'élaboration participative de plans de gestion est un défi qui exige une coopération entre des parties prenantes aux intérêts très divers. Il est nécessaire d'affiner davantage le jeu Nyama-Nyama, mais les signes sont prometteurs et d'autres sessions sont prévues avec les communautés participant au programme SWM.
Ce travail de terrain au Gabon fait partie du programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM pour Sustainable Wildlife Management), qui vise à améliorer la conservation de la faune sauvage et la sécurité alimentaire de la faune sauvage dans les écosystèmes de forêts, de savanes et de zones humides. SWM est une initiative de l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) financée par l'Union européenne avec un cofinancement du Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) et de l'Agence française de développement (AFD). Il est mis en œuvre dans 15 pays, par un consortium de quatre partenaires (FAO, CIFOR, CIRAD et WCS). Le Cirad coordonne les actions dans trois pays : Gabon, Zambie et Zimbabwe.