Réunir les connaissances sur les plantes à effet pesticide

Science en action 24 juillet 2024
La surutilisation des produits chimiques de synthèse ou des antibiotiques pour lutter contre les insectes ou les bactéries entraîne des phénomènes de résistance chez les organismes nuisibles. Pour enrayer ce cercle vicieux, des traitements à base de plantes se développent un peu partout dans le monde. En Afrique, les savoirs ancestraux autour des effets pesticide ou antibiotique des plantes locales sont nombreux mais les recherches scientifiques très fragmentées. Des scientifiques du Cirad et de l’IRD ont donc créé un site qui organise les connaissances issues de plus de 700 documents. Ils mettent cependant en garde sur l’usage de ces solutions végétales : les plantes aussi peuvent être toxiques.
Fleurs de Lantana camara L., un petit arbuste efficace contre les tiques du genre Amblyomma, vectrices de maladies graves pour les bovins et les ovins. Lantana camara L. est en revanche toxique pour les chiens © long nguyen de Pixabay
Fleurs de Lantana camara L., un petit arbuste efficace contre les tiques du genre Amblyomma, vectrices de maladies graves pour les bovins et les ovins. Lantana camara L. est en revanche toxique pour les chiens © long nguyen de Pixabay

Fleurs de Lantana camara L., un petit arbuste efficace contre les tiques du genre Amblyomma, vectrices de maladies graves pour les bovins et les ovins. Lantana camara L. est en revanche toxique pour les chiens © long nguyen de Pixabay

 

La base de connaissances a été intitulée « Knomana », contraction de knowledge management ou « gestion des connaissances ». Son objectif est de réunir et d’organiser un maximum de savoirs scientifiques sur les usages de plantes à effet pesticide, antimicrobien, antiparasitaire et antibiotique en Afrique. À l’heure actuelle, près de 700 articles publiés ont été décortiqués, ainsi que d’autres documents comme des ouvrages ou des rapports scientifiques. Toutes ces données sont consultables gratuitement sur un site web : knomana.org.

« De nombreux scientifiques africains nous font régulièrement part, lors de congrès ou d’ateliers, de l’usage d’extraits de plantes pour lutter contre des insectes nuisibles, détaille Pierre Silvie, ancien chercheur à l’IRD accueilli au Cirad et co-créateur de Knomana. En 2015, un atelier à Dakar nous a fait l’effet d’un déclic : pourquoi est-ce qu’on ne formerait pas un réseau avec toutes les personnes qui travaillent sur ce sujet ? »  

Ce réseau appelé PPAf, pour Plantes Pesticides d’Afrique, s’est depuis étendu à d’autres pays non francophones, africains mais aussi asiatiques et d’Amérique latine. Il a pu s’appuyer sur le dispositif de recherche et d’enseignement en partenariat Divecosys du Cirad, qui mène des travaux sur l’intensification écologique des systèmes agricoles, la sécurité alimentaire et la promotion de la biodiversité. Knomana est aussi le nom d’un projet financé par le métaprogramme Glofoods, piloté par INRAE et le Cirad. 

Une plante, plusieurs usages

En compilant les données scientifiques issues de plusieurs pays, il apparaît que les plantes sont utilisées différemment en fonction des besoins ou des contraintes locales : lutte contre les moustiques en santé humaine, conservation des stocks de grains, insecticides biologiques… Et parfois, une même plante est déclinée en plusieurs usages.

C’est le cas de Lantana camara L., un petit arbuste à fleurs : efficace contre les tiques du genre Amblyomma, vectrices de maladies graves pour les bovins et les ovins, le lantana peut également servir à des solutions antibactériennes et fongicides en santé humaine. Lantana camara L. est en revanche toxique pour les chiens, comme le rappelle Pierre Martin, chercheur en modélisation informatique au Cirad et co-créateur de Knomana. « Contrairement aux idées reçues, les solutions à base de plantes ne sont pas forcément inoffensives, pour les êtres humains, pour les animaux ou pour l’environnement. Pour l’instant, Knomana est plutôt dédiée à des spécialistes, des scientifiques, des consultants d’ONG ou des entreprises phytosanitaires, afin d’éviter les accidents chez des particuliers. »

Knomana croise une masse critique de données afin d’améliorer le partage d’informations scientifiques sur toutes ces solutions végétales. Un travail qui a demandé un traitement informatique important, et qui a pu voir le jour grâce à l’appui de chercheurs et d’étudiants du Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM). À plus long terme, l’objectif est d’améliorer l’accès à cette base, notamment pour les acteurs de terrain comme les organisations de producteurs, les scientifiques, les ONG ou encore les agriculteurs bio. La base Knomana a été construite en toute conformité avec les lois nationales et internationales sur les ressources génétiques, comme le protocole de Nagoya qui règlemente notamment l’accès et le partage des connaissances liées à l'utilisation de ressources génétiques.