Chocolat : la filière cacao doit s’adapter

Science en action 16 décembre 2025
Produit historique, star des rayons à l’approche de Noël… le chocolat a la cote depuis des milliers d’années, mais la filière cacao fait aujourd’hui face à de nombreux défis tels que le changement climatique, des maladies, la précarité pour les producteurs… L’enjeu ne se limite pas à savoir si le chocolat sera présent au pied du sapin, il s’agit surtout de soutenir une filière qui fait vivre des millions de personnes à travers le monde.
Cabosse, fèves de cacao épluchées et tablette de chocolat artisanale. © Philippe Lachenaud, Cirad
Cabosse, fèves de cacao épluchées et tablette de chocolat artisanale. © Philippe Lachenaud, Cirad

Cabosse, fèves de cacao épluchées et tablette de chocolat artisanale. © Philippe Lachenaud, Cirad

L’histoire du cacaoyer remonte à l’an 5000 av. J.-C. Née en Amérique, la culture du cacao s’est développée auprès des Olmèques, Mayas et Aztèques, qui l’utilisaient notamment pour des boissons rituelles ou encore comme monnaie. C’est suite à la découverte de l’Amérique par les Espagnols que le cacao a été introduit en Europe : au début peu apprécié à cause de son goût amer, il gagne rapidement en popularité avec l’ajout de sucre, de vanille et d’autres épices. Aujourd’hui, plus de 7 millions de tonnes de chocolat sont consommées chaque année au niveau mondial, l’Europe en est le plus gros consommateur.

La culture du cacaoyer, au début exclusivement présente aux Amériques, a été exportée dans le 19e siècle dans un contexte de colonisation vers d’autres continents au climat tropical, notamment en Asie et en Afrique. 

Le cacao : une filière face à de nombreux défis

Pour répondre à la forte demande du marché tout en étant confrontés à une faible productivité de cacaoyers anciens ou mal entretenus, les producteurs ont cherché de nouvelles parcelles. La surface dédiée à la culture du cacao a ainsi quasiment triplé et représente actuellement environ 12 M de ha au niveau mondial, versus seulement 4,4 M de ha dans les années 60. Cette explosion des surfaces a contribué à une déforestation à grande échelle, notamment en Afrique. En Côte d’Ivoire et au Ghana, la cacaoculture est responsable de 30 % de la déforestation.

En vue de l’entrée en vigueur du Règlement européen contre la déforestation (RDUE), les pratiques doivent évoluer afin de permettre aux producteurs de produire les mêmes quantités, sans agrandir les surfaces.

Un moyen de subsistance pour des millions de petits producteurs

Le secteur fait vivre 40 à 50 millions de personnes dans le monde, dont 5,5 millions de productrices et producteurs familiaux et 14 millions de travailleuses et travailleurs ruraux. Seulement 10 % de ces femmes et de ces hommes ont un revenu décent, et certains producteurs ont recours au travail des enfants. 

De plus en plus de producteurs s’engagent dans des productions plus respectueuses de l’environnement, sans recourir au travail des enfants, gage de revenus décents. 

Maladies et ravageurs menacent les récoltes

Les cacaoyers sont très sensibles aux attaques par des maladies ou des ravageurs. En Indonésie, 30 à 40 % des cacaoyers sont attaqués par des insectes ravageurs, ce qui diminue la qualité des fèves et leur productivité. En Afrique de l’Ouest, les plantations sont menacées par le Swollen Shoot, un virus propagé par des cochenilles farineuses. Cette maladie entraîne une perte de productivité de 25 % en première année, de 50 % la deuxième année, et la mort des cacaoyers atteints sous quelques années.

Deux maladies graves sont également présentes sur le continent américain : la moniliose (due à Moniliophthora roreri) et le balai de sorcière (dû à Moniliophthora perniciosa).

Des perturbations climatiques ont des répercussions sur le cours du cacao et le prix d’achat

Aujourd’hui, l’Afrique assure environ 70 % de la production mondiale, la Côte d’Ivoire et le Ghana sont devenus respectivement les premier et deuxième pays producteurs en volume. Ces pays ont vu leur rendement baisser de 15 % en 2023, suite à des pluies abondantes ayant perturbé la floraison et provoqué une maladie. Les difficultés continuent en 2024 et font doubler le cours du cacao qui atteint 12 000 $ la tonne en fin d’année. En 2025, le niveau de production s’améliore, les récoltes sont meilleures et l’offre ainsi que le cours du cacao se stabilisent. 

Le cadmium, source d’inquiétudes pour les consommateurs 

Soulevée depuis plusieurs années en Amérique latine, la présence de cadmium dans le cacao interroge aujourd’hui les consommateurs. Ce métal lourd nocif pour la santé est naturellement présent dans certains sols. Xavier Argout, généticien du cacaoyer au Cirad, explique les recherches en cours pour accompagner les producteurs vers une production de cacao à la fois durable, compétitive et respectueuse de la santé des consommateurs. 

Quelles recherches pour y faire face ? 

Le Cirad travaille avec ses partenaires à la structuration de la filière afin de faire face à ces multiples défis. Une feuille de route pour ses recherches a été élaborée pour 10 ans avec 4 priorités : réhabiliter les cacaoyères par la mobilisation de l’agrobiodiversité ; contribuer au développement de marchés combinant durabilité et qualité de la production ; connaître, maintenir et promouvoir la diversité génétique du cacaoyer ; renforcer l’autonomie et les capacités des producteurs et productrices de cacao.

À titre d’exemple, il co-construit avec les producteurs des systèmes agro-forestiers répondant à plusieurs problématiques : les plantes barrières limitent la propagation de maladies dans les plantations et peuvent, en parallèle, représenter des revenus complémentaires pour les producteurs ou encore séquestrer du carbone. 

Plusieurs années d’expérimentation en agroforesterie démontrent les bénéfices de l’agroforesterie.

Et plus récemment, les résultats du projet Cocoa4Future en Côte d’Ivoire identifient des leviers concrets pour renforcer la résilience des systèmes cacaoyers, la durabilité territoriale et le soutien des producteurs.

En parallèle, des travaux sur l’amélioration génétique du cacaoyer sont menés afin de proposer aux agriculteurs des variétés plus productives, plus résistantes aux maladies.