Comprendre et mesurer la dégradation forestière : un nouveau cadre pour des politiques plus efficaces

Plaidoyer 13 novembre 2025
La dégradation forestière est moins visible que la déforestation, mais ses effets sont tout aussi préoccupants. Or l’intégration de la dégradation dans les cadres politiques demeure complexe, car sa traduction opérationnelle se heurte à l’absence d’un cadre méthodologique de référence. C’est ce manque que propose de combler un consortium scientifique français, qui détaille dans un policy brief une méthodologie innovante pour mieux comprendre, mesurer et donc intégrer la dégradation forestière dans les politiques de protection des forêts.
Paragominas, situé dans l'État du Pará au Brésil. La région a connu une période de forte déforestation et dégradation forestière © L. Blanc, Cirad
Paragominas, situé dans l'État du Pará au Brésil. La région a connu une période de forte déforestation et dégradation forestière © L. Blanc, Cirad

Paragominas, situé dans l'État du Pará au Brésil. La région a connu une période de forte déforestation et dégradation forestière © L. Blanc, Cirad

Contrairement à la déforestation, la dégradation forestière ne se traduit pas par une disparition du couvert forestier, mais par une altération progressive de la capacité des forêts à fournir des services essentiels : biodiversité, stockage du carbone, régulation du climat ou ressources en bois.

Souvent provoquée par les feux de forêt ou la surexploitation, la dégradation précède et amplifie la déforestation. Problème : jusqu’à aujourd’hui, aucune méthode harmonisée ne permettait d’en rendre compte à grande échelle. Faute d’outil pour la définir et la mesurer, la dégradation forestière demeure l’angle mort des politiques publiques. Pour combler ce manque, un consortium Cirad/IRD/CNRS/Ecofor ont mis au point une nouvelle classification des forêts. Ce travail, financé par le comité scientifique et technique Forêt de l’AFD, est détaillé dans une nouvelle note de politique.

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La forêt tropicale humide dégradée peut avoir une structure forestière (hauteur de canopée et couvert forestier) semblable à celle d’une forêt tropicale sèche sans perturbation. Cet exemple entre deux biomes forestiers situés au Brésil illustre toute la difficulté autour de la mesure de la dégradation forestière.

Un cadre scientifique reproductible et adaptable à différents contextes

Le principe de cette nouvelle méthode est simple : comparer la hauteur de canopée et le taux de couvert forestier observés à des valeurs de référence établies pour des forêts intactes de chaque type d’écosystème (forêt tropicale humide sempervirente, semi-décidue, sèche, etc.). Testée au Cameroun, cette approche permet de cartographier les forêts dégradées et d’affiner les estimations nationales, tout en restant compatible avec les outils internationaux de suivi (FAO, RDUE).

carte Cameroun défo

En suivant la nouvelle méthode, le consortium a établi qu’il existe sept types forestiers au Cameroun. Sur cette cartographie de 2020, les scientifiques détaillent deux exemples distinguant les zones forestières dégradées (en jaune) et les zones forestières intactes (en vert).

Vers des politiques plus cohérentes et inclusives

Cette avancée méthodologique ouvre de nouvelles perspectives pour les politiques publiques, notamment européennes. Elle pourrait permettre une révision de la définition de la « dégradation forestière » dans le RDUE (Règlement européen contre la déforestation et la dégradation), aujourd’hui jugée trop restrictive car elle exclut certaines causes majeures comme les incendies ou la surexploitation.

Au-delà de la régulation, cette approche pourrait aussi alimenter les mécanismes de financement innovants, tels que le Tropical Forests Forever Facility, visant à récompenser les efforts des pays forestiers pour préserver leurs écosystèmes.

Un appel à la concertation entre science et décision

Les auteurs rappellent enfin que mesurer ne suffit pas : la compréhension des dynamiques humaines à l’origine de la dégradation reste un chantier essentiel pour inverser la tendance. Ce policy brief invite donc à un dialogue renforcé entre chercheurs, décideurs et acteurs locaux, afin de construire des politiques de protection des forêts tropicales plus efficaces, justes et durables.

Lien vers la note CST Forêt – Note de politique n°5, septembre 2025 : « Comprendre et mesurer la dégradation forestière tropicale : une condition clé pour des politiques plus efficaces »