Climat et pastoralisme | Changeons notre vision de l’élevage au Sahel

Vient de sortir 29 novembre 2023
L’élevage serait responsable de 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre*. Mais ces calculs se basent sur les systèmes d’élevages intensifs qui considèrent les animaux à travers une fonction unique : la production de viande ou de lait. Au Sahel, les animaux remplissent une multitude de services : sécurité alimentaire, moyen de transport, épargne, fertilisation des sols, dissémination de graines... À l’échelle de l’écosystème, le bilan carbone des activités pastorales peut être neutre, voire présenter un potentiel de stockage.
© S. Taugourdeau, Cirad
© S. Taugourdeau, Cirad

© S. Taugourdeau, Cirad

« Continuer à rendre compte des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’élevage sahélien selon des méthodes basées sur de l’élevage intensif de pays du Nord est une erreur, et peut orienter les politiques publiques locales vers des solutions inadaptées. Il faut changer de vision sur ces systèmes agropastoraux et se donner les moyens de quantifier leur impact environnemental réel. C’est la première étape pour établir des politiques de réduction des émissions au Sahel justes et vraiment efficaces ».

Habibou Assouma est agronome au Cirad. Il est co-auteur d’une note d’orientation qui fait le point sur les derniers résultats de recherche autour du bilan carbone de l’élevage pastoral sahélien. Ces travaux, publiés par l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra) et le Cirad, sont issus du projet CaSSECS, financé par le programme Desira de l’Union européenne et coordonné par l’Isra.

Au Sahel, l’élevage valorise un milieu extrême. Souvent réduit à la production de méthane, ses services écosystémiques sont au contraire nombreux et permettent, entre autres, de stocker une grande quantité de carbone.

« En utilisant des méthodes et dispositifs éprouvés sur le terrain, on a pu établir des références d’émissions de GES adaptées aux races bovines locales et évaluer des facteurs de stockage de carbone contextualisés aux paysages sahéliens », explique El Hadji Traoré, chercheur à l’Isra. En plus de valoriser un milieu extrême, l’élevage pastoral améliore la fertilité des sols via le recyclage de la matière organique, et ce sur de grands espaces. Les animaux transportent également des semences tout au long des parcours et le broutement stimule la croissance des végétaux.

L’équipe du projet CaSSECS participera à la COP28 de Dubaï. Présents sur les pavillons Sénégal et CILSS, les scientifiques partageront leurs résultats pour apporter une meilleure visibilité de l’élevage pastoral sahélien. Souvent considéré comme une activité polluante et peu productive, le pastoralisme bénéficie de peu de soutiens et d’investissements. Ce « parent pauvre » des politiques publiques fait pourtant vivre plus de vingt millions de personnes au Sahel. Il fournit 70 % du lait consommé localement, ainsi que la moitié de la viande de bovins et de petits ruminants.

* Selon la FAO.

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Podcast | L’élevage sahélien, source d’inspiration – Climat, cultiver les solutions (4/6)