Pastoralisme | une contribution sous-estimée aux économies nationales

Vient de sortir 17 décembre 2020
Alors que 200 millions d’éleveurs et leurs familles vivent du pastoralisme dans le monde, cette activité agricole reste peu connue. Pourtant la participation de l’élevage pastoral aux PIB nationaux est loin d’être négligeable, d’autant que le pastoralisme fournit bien des services. Une étude confiée au Cirad par la FAO et financée par le FIDA vient combler ces lacunes en Argentine, au Tchad et en Mongolie. Elle pointe la nécessité de mettre en place un observatoire socio-économique et environnemental du pastoralisme. En voici les messages clés.
Un éleveur au Sahel © S. Taugourdeau, Cirad

Où que ce soit, de par le monde, le pastoralisme est la principale source de revenus agricoles des zones arides, froide ou de montagne. Pourtant, cette activité est très souvent négligée par les acteurs publics et privés. Pour Abdrahmane Wane, économiste au Cirad et coordinateur de cette étude, « ce défaut de considération provient d’abord d’un manque de connaissances et de sensibilisation sur la multifonctionnalité de l’élevage pastoral en particulier en matière de fourniture de produits d’origine animale, de sécurité alimentaire et nutritionnelle, de création d’emploi, de production de biomasse, de maintien de la biodiversité ou de participation au cycle de l’eau.  »

Mieux connaitre les activités pastorales pour mieux les soutenir

Avec l’Argentine, le Tchad et la Mongolie comme cas pilotes, cette étude vient combler quelques-unes de ces lacunes, notamment à travers la quantification de certains aspects économiques. Améliorer les connaissances sur les systèmes pastoraux permettrait aux gouvernements d’investir pour les aider à mieux répondre aux demandes croissantes de produits d’origine animale, leur fournir des services, des infrastructures et une sécurité foncière appropriés. Ces travaux ont été commandés par la FAO, financés par le FIDA et réalisés par le Cirad, avec la précieuse contribution d’associations pastorales nationales et régionales étroitement associées à la collecte d’information et d’analyse de données primaires.

Le pastoralisme, producteur de richesses

Les ménages pastoraux des trois pays étudiés participent à la création de richesse nationale. Compte tenu de l’importance de l’autoconsommation, en particulier en Argentine et au Tchad, la contribution des éleveurs aux économies nationales est largement sous-estimée. En intégrant l’autoconsommation, les éleveurs contribuent pour 1,4 % du produit intérieur brut (PIB) en Argentine, 27 % au Tchad et 11,9 % en Mongolie.

Pasteur en Mongolie © A. Wane, Cirad

Un défi majeur : le niveau élevé d’inégalité

Un point commun aux trois pays considérés est le fort taux d’inégalité constaté dans les communautés pastorales. Elles résultent d’importantes disparités dans l’utilisation des terres et posent le problème de l’accès aux ressources productives (foncier, ressources naturelles, services sociaux de base, infrastructures…).
Les inégalités persistantes peuvent menacer la croissance sectorielle, provoquer une instabilité politique et économique réduisant les investissements, alimenter le ressentiment social et le protectionnisme.

Le pastoralisme, champion de l’adaptation

Les éleveurs évoluent dans un environnement incertain et sujet à des chocs de nature diverse. Les stratégies d’adaptation mises en œuvre avec succès sont décidées en fonction de leurs propres ressources : mobilité, main-d’œuvre familiale, vente de bêtes, etc. Et pour dissiper un mythe, tous les éleveurs interrogés comptent principalement sur leurs familles et leur capital social. Ils ne considèrent pas le soutien officiel comme une stratégie privilégiée.

Zébus au Sahel © S. Taugourdeau, Cirad

Pour un observatoire du pastoralisme

Pour mieux visualiser les contributions et les besoins des activités pastorales, les scientifiques préconisent la mise en œuvre d’observatoires du pastoralisme. Ils permettraient, en renforçant la confiance entre acteurs du secteur, de recevoir des informations en temps réel et de réaliser des simulations pour décrire les principales tendances socio-économiques et environnementales. Ces observatoires reposeraient et faciliteraient la mise en place d’un réseau de partenaires dédiés au développement du pastoralisme et reposant en grande partie sur les organisations pastorales. « Dans ce sens, cette étude donne des résultats très prometteurs, car les associations agropastorales ont montré une volonté de s’engager et un réel potentiel pour gérer de multiples tâches de collecte et de gestion des données, souligne Abdrahmane Wane. De plus, leur rôle lors des dialogues politiques est déterminant.  »


The economics of pastoralism in Argentina, Chad and Mongolia. Market participation and multiple livelihood strategies in a shock-prone environment
Wane A, Cesaro JD, Duteurtre G, Touré I, Ndiaye A, Alary V, Juanès X, Ickowicz A, Ferrari S, Velasco G.
2020. FAO Animal Production and Health Paper No. 182. Rome. FAO & CIRAD co-edition. https://doi.org/10.4060/cb1271en

Migration des jeunes pasteurs en ville
La FAO vient également de publier « Jeunes pasteurs en ville », une série d’enquêtes sur les trajectoires des jeunes issus de milieux pastoraux et leur contexte, au Burkina Faso et au Tchad. Ce travail a été coordonné par Véronique Ancey, détachée du CIRAD et basée à la FAO en tant qu’experte en élevage et politiques de réduction de la pauvreté en zones arides.
Les récits de vie de ces jeunes migrants d’origine pastorale témoignent de l’enjeu familial d’allier mobilité et ancrage territorial. Ils témoignent aussi de l’émergence — au Burkina Faso — des revendications de droits non seulement productifs, mais aussi citoyens, chez des populations historiquement et politiquement marginalisées.
Les apports et la réception de cette étude initient une collaboration entre la FAO, les autorités publiques et les organisations pastorales au Sahel pour refonder un contrat social autour du pastoralisme, notamment par l’extension de la protection sociale aux populations pastorales.