Le pastoralisme, oublié par l’action publique mais crucial pour les régions sèches

Vient de sortir 2 février 2023
Bien que l’élevage pastoral et agropastoral participe largement à la réduction de la pauvreté et au développement des régions sèches, le secteur peine à trouver la place centrale qu’il mérite dans les politiques publiques. Ce dernier numéro de Perspective fourni aux praticiens, bailleurs et décideurs, les clés pour comprendre, mesurer et évaluer la part de l’élevage mobile au développement de ces régions.
© S. Taugourdeau, Cirad
© S. Taugourdeau, Cirad

© S. Taugourdeau, Cirad

« Même seuls quelques têtes de bétail constituent un capital essentiel pour les moyens d’existence et la sécurité alimentaire des foyers » constate Véronique Alary, agro-économiste au Cirad et co-autrice du dernier numéro de Perspective. Véritable « épargne de précaution sur pieds », l’élevage est, pour les familles des régions sèches, un moyen de s’adapter aux incertitudes, de la variabilité du climat à celle des prix agricoles, en passant par la dégradation des sols et les dépenses imprévues.

L’élevage nomade, un secteur aux mille vertus…

L’élevage mobile – qui regroupe les formes de pastoralisme et d’agropastoralisme dans lesquelles soit les troupeaux soit les familles et les troupeaux sont ambulants - « permet de valoriser des environnements arides, où les autres activités agricoles sont complexes et coûteuses à mener », pointe Denis Gautier, géographe au Cirad et co-auteur de la note d’orientation.

… mais en marge des politiques publiques

Mais si les preuves scientifiques s’accumulent pour documenter la contribution, réelle et potentielle, de l’élevage au développement des territoires et au maintien des écosystèmes, le secteur reste en marge des politiques publiques de lutte contre la pauvreté. « Cela s’explique par l’absence de systèmes fiables de collecte de données dans les régions sèches, analyse Véronique Alary, mais aussi par des politiques de sécurité alimentaire qui privilégient souvent l’apport calorique, principalement fourni par les céréales, au détriment de l’apport protidique et lipidique de la viande et du lait ». Par ailleurs, pour Denis Gautier, « le monde agricole sédentaire est historiquement plus organisé sur le plan institutionnel et davantage connecté aux autorités gouvernementales que les sociétés pastorales ».

Pour un accompagnement holistique plutôt que du contrôle

Les chercheurs regrettent que les politiques de soutien à l’élevage ne soient pas à la hauteur de sa contribution à la richesse des pays. Et déplorent une approche politique de l’élevage mobile visant à contrôler les troupeaux et les sociétés pastorales, sous couvert de l’amélioration des performances animales et de l’intégration agriculture-élevage. Or, l’élevage mobile, qui est à la fois un mode de vie, une activité socio-économique de diversification en milieu rural et un facteur d’adaptation au changement, doit être appréhendé de façon holistique. Comment dès lors articuler et mesurer ces dimensions pour aider les responsables politiques du secteur de l’élevage ?

Un cadre multi-échelle innovant pour l’aide à la décision…

C’est là tout l’enjeu du cadre opérationnel d’indicateurs multi-échelles, fruit d’années de recherche menées par le Cirad et ses partenaires. Qualité et accessibilité des sols et de l’eau, trésorerie saisonnière, revenu issu du bétail vs dépenses annuelles de base… Sept types d’indicateurs de développement y croisent trois dimensions – temporelle, spatiale et organisationnelle. « Plus qu’un guide à suivre étape par étape, c’est un outil d’aide à la décision, doté d’une série indicative d’éléments à considérer », précise Véronique Alary. Avant d’illustrer : « Quand on veut résoudre un problème à un temps T – par exemple le manque de grains lors d’une sécheresse, en subventionnant les aliments du troupeau pendant une saison – il faut bien comprendre comment cela va impacter l’écosystème et le secteur de l’élevage à moyen et long termes ».

… dont l’action publique commence à se saisir

Cette approche holistique, basée sur le temps long de l’impact, se fraye un chemin au sein des ministères de l’élevage sahéliens. « En Mauritanie, au Sénégal et plus généralement dans les pays du CILSS, le Cirad, la FAO, la Banque Mondiale et les centres de recherche nationaux et internationaux sont sollicités pour accompagner la mise en place de plans intégrés de gestion de l’élevage », constate Véronique Alary.  De quoi faire bouger les lignes ? « Il y a une dynamique très claire au niveau des acteurs de l’élevage, abonde Denis Gautier. Quant à l’intégration concrète, au même titre que les autres activités agricoles, dans les programmes de lutte contre la pauvreté, cela reste encore du domaine de l’intention ».

Télécharger le Perspective 60
Élevage mobile : indicateurs de résilience et d’adaptation pour les décideurs

 

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Avec Perspective, le Cirad ouvre de nouvelles pistes de réflexion et d’action, fondées sur des travaux de recherche, sans pour autant présenter une position institutionnelle.
Cette série de 4-pages synthétiques présente des idées ou des politiques novatrices sur des questions de développement, stratégiques pour les pays du Sud : sécurité alimentaire, foncier, changement climatique, sécurité énergétique, gestion des forêts, normes, etc.