Diagnostics et mises en débat pour des systèmes alimentaires plus durables

Science en action 20 juillet 2021
Quels leviers actionner pour rendre les systèmes alimentaires plus performants ? L’Union européenne, la FAO et le Cirad sont associés pour réaliser des diagnostics rapides de ces systèmes dans une quarantaine de pays. Combinant des données quantitatives, des appréciations qualitatives et une démarche participative, ces diagnostics vont nourrir les réflexions des décideurs nationaux pour améliorer la durabilité et la résilience des systèmes alimentaires.
Une vendeuse de riz au marché de Moramanga, à Madagascar © Cirad, M. Barale
Une vendeuse de riz au marché de Moramanga, à Madagascar © Cirad, M. Barale

Une vendeuse de riz au marché de Moramanga, à Madagascar © Cirad, M. Barale

Il n’y aura pas de développement durable sans une profonde transformation des systèmes alimentaires. Cette conviction est partagée par le Cirad et ses partenaires, mais aussi par les Nations Unies qui organisent en septembre prochain un Sommet sur les systèmes alimentaires.

Sur une initiative de l’Union européenne, de la FAO et du Cirad, le projet FSA (Food System Assessment - évaluation des systèmes alimentaires) propose la réalisation de diagnostics nationaux des systèmes alimentaires. Les conclusions de ces évaluations ont vocation à alimenter les dialogues entre décideurs politiques et acteurs directs des systèmes alimentaires. Elles pourront également contribuer ou compléter la préparation du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires.

Au total, 47 pays se prêtent au jeu de l’évaluation de leurs systèmes alimentaires.

Le projet FSA (Food System Assessment - évaluation des systèmes alimentaires) propose la réalisation de diagnostics nationaux des systèmes alimentaires. Au total, 47 pays se prêtent au jeu de l’évaluation de leurs systèmes alimentaires.

Les systèmes alimentaires sont liés à la plupart des objectifs de développement durable

Démographie galopante, changements de régime alimentaire, dégradation de l’environnement, instabilité des marchés, et maintenant, pandémies. L’accumulation des risques qui pèsent sur les systèmes alimentaires est inédite.
Pourtant, ils représentent un secteur économique majeur dans tous les pays du monde. Or, les richesses produites sont souvent inéquitablement réparties, généralement au détriment des petits producteurs et petits commerçants. De plus, on observe souvent une dénutrition persistante, des populations qui souffrent de carences en micronutriments et simultanément d'obésité, le tout entrainant des maladies chroniques d'origine alimentaire.
Enfin, les systèmes alimentaires émettent près d’un tiers des gaz à effet de serre mondiaux, consomment de grandes quantités de ressources naturelles et contribuent à une perte critique de biodiversité.
Pour imaginer leur transformation future, il est essentiel de parvenir à une compréhension systémique du fonctionnement de ces systèmes aux niveaux national et infranational.
« Le diagnostic des performances des systèmes alimentaires - et des principaux risques et défis auxquels ils sont confrontés - est crucial si nous voulons penser collectivement le futur, concevoir des alternatives et identifier les compromis possibles, afin d’orienter les systèmes sur une voie durable », souligne Ninon Sirdey, économiste au Cirad et co-coordinatrice du projet.

L’expertise du Cirad à l’origine de la méthodologie de diagnostic

Le Cirad a conçu la méthodologie à la base des diagnostics qui sont eux, menées en collaboration avec la FAO. Cette méthodologie alterne des étapes d’analyses d’informations qualitatives et quantitatives (état actuel et tendances historiques d’indicateurs issus de bases de données internationales, statistiques nationales, rapports, littérature scientifique, cartes thématiques), des entretiens de personnes ressources et des ateliers multi acteurs.
L’état des lieux établi tient compte des différences territoriales. Il permet de déterminer les opportunités et les principaux défis auxquels les systèmes alimentaires font face, et de repérer les points de leviers susceptibles d’enclencher des transformations vertueuses des systèmes alimentaires.

Chaque étude réunit une équipe d’experts nationaux et internationaux qui ont été formés au préalable à la méthodologie par trois chercheuses du Cirad.
Les décideurs nationaux sont impliqués dans chacun des diagnostics. Ils participent aux ateliers, suivent les points d’étapes des études et les synthèses.

Des premiers résultats au Burkina Faso et à Madagascar

Assurer à toute la population une alimentation saine est une fonction majeure des systèmes alimentaires. Au Burkina Faso et à Madagascar, c’est un enjeu qui reste crucial avec une situation alimentaire et nutritionnelle critique pour une part significative de la population.
Mais les diagnostics menés dans les deux pays pilotes montrent aussi que les systèmes alimentaires ne se limitent pas à fournir de la nourriture :

  • La place importante des systèmes alimentaires dans l’économie (42% du PIB au Burkina Faso et 37% à Madagascar) et l’ emploi (respectivement 56% et 68% dans ces deux pays), et leur rôle déterminant pour assurer la sécurité alimentaire des populations.
  • Leur fragilité et les risques à venir si les trajectoires actuelles sont poursuivies. Par exemple,  la constante dégradation des terres au Burkina (fruit des pratiques agricoles mais aussi des conditions agro-climatiques sahéliennes) menace la capacité future de production. L’insécurité et le manque d’infrastructures brident la valorisation de vastes espaces du territoire malgache, alors que la pression foncière menace la viabilité de la majorité de très petites exploitations.

Des enjeux spécifiques à chaque territoire

Les situations sont très différentes d’une région à une autre. Par exemple, les défis de la zone du grand Sud malgache, soumise à des sécheresses récurrentes depuis plusieurs années et une très forte insécurité, diffèrent significativement de ceux des Hautes Terres centrales aux systèmes de production très diversifiés, dynamisés par les principaux centres de consommation, mais où l’agriculture familiale est fortement contrainte par de très petites surfaces.

4 leviers indispensables au bon fonctionnement des systèmes alimentaires

Enfin, des leviers spécifiques par pays et par territoire ont pu être identifiés et discutés avec divers acteurs publics, privés et de la société civile. Au-delà de la provision d’infrastructures et de services de base, identifiés comme des préalables au bon fonctionnement des systèmes alimentaires, les autres leviers identifiés concernent notamment :

  • la restauration des ressources naturelles (notamment les sols) comme un socle indispensable à la durabilité des systèmes alimentaires à moyen et long terme ;
  • le développement des services d’appui aux producteurs, pour accompagner une évolution des pratiques vers une intensification durable ;
  • l’accompagnement et la structuration des acteurs et activités post récolte (agrégation, transformation) pour rééquilibre les pouvoirs en faveur des petits producteurs et augmenter les valeurs ajoutées au niveau des territoires.

Contribution au processus préparatoire du Sommet sur les systèmes alimentaires

Les résultats des diagnostics réalisés vont contribuer ou compléter le processus préparatoire du Sommet, en fournissant aux pays une vision étayée de l’état actuel de leurs systèmes alimentaires, des principaux défis et de potentiels leviers transformatifs.

Que sont les systèmes alimentaires ?

Les systèmes alimentaires englobent l’ensemble des acteurs et de leurs activités, impliqués dans la production, la collecte, le transport, la transformation, la distribution et la consommation de produits alimentaires provenant de l’agriculture, de la sylviculture ou de la pêche. Ils incluent les intrants utilisés et la gestion des déchets générés par chacune de ces activités.
Les acteurs et les activités des systèmes alimentaires sont influencés par des moteurs sociaux, politiques, culturels, technologiques, économiques et environnementaux interdépendants. A l’échelle nationale, certains moteurs sont contrôlables (ex. politiques) tandis que d’autres sont subis par les systèmes alimentaires (changement climatique).
Les systèmes alimentaires génèrent des effets dans quatre dimensions : sécurité alimentaire, nutrition et santé ; socioéconomie ; équilibre territorial et équité ; environnement.
Les effets et les moteurs sont liés par des boucles de rétroaction et des synergies. L’ensemble du système implique donc une diversité d’acteurs privés, publics et de la société civile et nécessite une gouvernance à plusieurs niveaux.