Un an après l’atelier IPBES sur la prévention des pandémies, quelles avancées au niveau international ?

Plaidoyer 27 juillet 2021
En juillet 2020, l’IPBES rassemblait un panel d’experts pour examiner les preuves scientifiques de l’origine de la covid-19 et apporter des réponses à la prévention de futures pandémies. Parmi les causes identifiées par les experts : une surexploitation de la nature ; et parmi les solutions : le déploiement des approches « One Health » intégrant la santé environnementale. Un an après et seulement à quelques semaines du congrès mondial de la nature de l’UICN, Serge Morand (CNRS-Cirad) et Claire Lajaunie (Inserm) reviennent, dans un article de réflexion publié dans One Earth, sur les enseignements du rapport produit par ces experts et le chemin parcouru depuis.
Elevage bovin à Mucheni, au Zimbabwe (SWM Programme) © Brent Stirton-Getty Images for FAO, CIFOR, CIRAD, WCS
Elevage bovin à Mucheni, au Zimbabwe (SWM Programme) © Brent Stirton-Getty Images for FAO, CIFOR, CIRAD, WCS

Dans la région de Mucheni, au Zimbabwe, le projet SWM vise à les améliorer les moyens d’existence des communautés et la coexistence entre l'homme, la faune sauvage et la faune domestique © Brent Stirton-Getty Images for FAO, CIFOR, CIRAD, WCS

Le 11 mars 2020, l’OMS officialise la pandémie de la covid-19, une maladie causée par un coronavirus vraisemblablement d’origine animale. Un type de virus pourtant surveillé par la communauté internationale, comme le rappelle Serge Morand, écologue de la santé au CNRS, actuellement en détachement au Cirad en Thaïlande : « L’OMS avait déjà listé plusieurs agents infectieux, dont les coronavirus, comme candidats possibles à la « maladie X », une maladie au potentiel épidémique pour laquelle il n’y aurait pas ou peu de contremesures médicales. En 2008, l’OMS, l’OIE et la FAO avait également formé une collaboration « One Health », une seule santé, pour améliorer la surveillance des maladies zoonotiques ».

Mais cette coalition ne comportait pas le PNUE, depuis peu associé à cette collaboration. En effet, la surexploitation des ressources naturelles, la dégradation de l’environnement, de la biodiversité et le changement climatique ont été reconnus parmi les facteurs clés d’émergence de maladies zoonotiques. Selon les experts rassemblés par l’IPBES, plus de 30 % de celles-ci sont très certainement liées à des modifications de l’usage des terres, comme l’urbanisation ou l’expansion de l’agriculture.

Leur rapport, sorti fin octobre 2020,  pointe aussi le décalage entre les mesures imaginées au niveau international et leur mise en œuvre, au niveau national ou local. Pour les auteurs de l’article publié dans One Earth le 23 juillet 2021, la solution réside dans la redéfinition des frontières entre différentes échelles, secteurs, disciplines et communautés.

Redéfinir les frontières pour améliorer le dialogue entre sciences et politiques publiques

Alors que les zoonoses, ces maladies qui se transmettent de l’animal à l’humain, s’inscrivent à l’interface entre la santé humaine, animale et des écosystèmes, la plupart des réponses apportées à la pandémie de la covid-19 sont restées très sectorisés. Afin de remédier à ce problème, le rapport de l’IPBES proposait de redéfinir un cadre d’action plus souple, qui encourage le dialogue entre différentes thématiques de recherche et secteurs, dans une approche « One Health » (« Une seule santé »). Les experts soulignaient également l’importance des réseaux pour faire le lien entre plusieurs niveaux : international, national, local. 

Depuis, plusieurs initiatives internationales ont pris en compte ces recommandations : un haut conseil d’experts sur l’approche « Une seule santé » intégrant la composante environnementale, et un projet mondial de prévention des pandémies nommé PREZODE. 
En juin 2021, l’OMS, la FAO, l’OIE et le PNUE ont annoncé la création d’un panel d’experts de haut niveau sur l’approche « Une seule santé » (One Health). Ce haut conseil aura pour objectif de fournir des avis scientifiques pour éclairer les politiques publiques sur la lutte contre l’émergence de maladies à l’interface entre l’humain, l’animal et l’écosystème. Serge Morand a été nommé parmi les 26 experts internationaux.

 

L’initiative PREZODE - Prévenir les risques d’émergences zoonotiques et de pandémies – a quant à elle été lancée en janvier 2021, sous l’égide de la France. Cette initiative, qui se veut d’emblée globale, combinera projets de recherche et actions opérationnelles. Elle s’appuiera sur des réseaux nationaux et locaux pour améliorer la surveillance et la prévention de l’émergence des épidémies, en agissant à l’interface entre l’environnement, la faune sauvage et la faune domestiquée. PREZODE a été initiée par trois instituts de recherche français - INRAE, le Cirad et l’IRD - en concertation avec une dizaine d’autres organisations de recherche. L’initiative regroupe déjà plus d’un millier de chercheurs à travers le monde.


Référence

Serge Morand, Claire Lajaunie. 2021. Biodiversity and COVID-19: a report and a long road ahead to avoid another pandemic. One Earth.