One Health : intégrer la santé des écosystèmes et gagner en opérationnalité

Plaidoyer 10 septembre 2020
Dans un « opinion paper » paru le 9 septembre dans la revue Lancet Planetary Health , des chercheurs du Cirad, du Royal Veterinary College et de l’Université Mahidol, appellent à ce que le Programme pour l’environnement de l’ONU (PNUE) rejoigne, dans les efforts pour rendre plus opérationnelle l’approche One Health, l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), l’Organisation Mondiale de la Santé, et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Objectif : mettre au cœur de cette approche - qui vise à aborder la santé de manière globale - la santé des écosystèmes.
Pour prévenir de manière durable l'émergence de maladies, il est impératif d'englober les questions de santé des écosystèmes dans l'approche One Health © H. Valls-Fox, Cirad

L’approche One Health se caractérise par un travail interdisciplinaire et intersectoriel et une coordination à différents niveaux d’opération. La crise du Covid-19 nous en effet a démontré qu’en plus des médecins, la santé concernait également les vétérinaires, écologues, épidémiologistes, économistes, sociologues, ... mais aussi les agriculteurs, éleveurs, les décideurs et les citoyens.

Intégrer l’environnement dans les instances de gouvernance

Au sein des Nations Unies, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) abordent une vision commune de l’approche One Health aux interfaces « Homme-Animal-Ecosystème ». Pour Michel De Garine-Wichatitsky, chercheur au Cirad et premier auteur de l’article paru dans Lancet Planetary Health , ce regroupement n’est cependant pas équilibré.

« Le fait que les Nations Unies n’associent à l’OMS, l’OIE et la FAO aucune agence de l’ONU spécialisée sur la biodiversité ou l’environnement engendre un déséquilibre , explique l’écologue et vétérinaire. La santé publique, l’agriculture et la santé animale sont en effet des aspects importants de One Health, mais ne sont pas suffisants pour comprendre les liens avec les écosystèmes, et ne permettent pas de mobiliser toutes les compétences pour prévenir de manière durable l’émergence et la diffusion de maladies. »

Les chercheurs proposent ainsi d’inclure dans ce groupe le PNUE, Programme des Nations Unies pour l'Environnement. « Il faut inclure la notion d’environnement dans ces instances de gouvernance mondiale , insiste Michel De Garine-Wichatitsky. Inscrire de manière formelle l’importance de la santé des écosystèmes dans les hautes sphères de décision permettra de faire avancer l’opérationnalité des méthodes One Health ».

Améliorer l’articulation entre local et global

Pour améliorer la gouvernance des systèmes de santé, il est important de l’adapter aux nombreux décalages d’échelles, entre celle de l’écosystème, du territoire, de la nation, … et du globe.

« Il faut améliorer les transferts d’information et de décisions entre le local et le global , indique le chercheur. L’émergence des maladies se déclare au niveau local, mais les phénomènes de diffusion peuvent impacter le monde entier, comme nous le voyons avec la crise du Covid-19. Actuellement, les systèmes sont trop souvent centralisés et ne sont pas toujours efficaces pour détecter et contrôler précocement une épidémie et éviter sa propagation. Il faut désormais développer les transferts du bas vers le haut, en adoptant des modes de gouvernances plus participatifs. » Il s’agit d’impliquer les communautés, des ONG, des entités publiques ou privées dans la démarche.

Définir ensemble « la santé »

Avec le mouvement One Health, il devient évident que la notion de « santé » ne signifie pas forcément la même chose pour tous les acteurs d’un même territoire.

Dans cette optique, de nouveaux travaux de recherche voient le jour. L’objectif est de mieux définir les enjeux que représentent la « santé » selon ces différents acteurs - pour un gestionnaire de l’environnement, pour un agriculteur, pour un vétérinaire, pour un médecin - et d’en tirer collectivement des indicateurs partagés pour diagnostiquer et améliorer la santé d’un territoire.

« La santé est aussi une construction sociale qui doit être négociée , déclare Michel de Garine-Wichatitsky. C’est, pour moi, la clé pour résoudre les problèmes sanitaires et environnementaux à l’heure actuelle. »

One Health, un concept officiellement lancé en 2008

Le concept One Health a initialement été adopté par les principales agences de santé pour promouvoir les collaborations interdisciplinaires entre les chercheurs et les praticiens dans le domaine de la santé humaine et animale. L’approche One Health est officiellement lancée par les Nations Unies en 2008, au Vietnam.

Progressivement, les sciences sociales et environnementales ont rejoint l’approche, notamment à travers les approches écosystémiques de la santé (Ecohealth, Planetary health), qui adoptent une posture transdisciplinaire de recherche-action. Ces différents courants convergent aujourd’hui avec les sciences de la durabilité, qui s’intéressent notamment à la question de la résilience.

Références

De One Health à Ecohealth, cartographie du chantier inachevé de l’intégration des santés humaine, animale et environnemental

One Health and EcoHealth: the same wine in different bottles?

Référence

Michel de Garine-Wichatitsky, Aurélie Binot, Serge Morand, Richard Kock, François Roger, Bruce A. Wilcox, Alexandre Caron, Will Covid-19 crisis trigger One Health coming-of-age? Lancet Planetary Health