L’agroforesterie peut jouer un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique

Plaidoyer 28 septembre 2023
Alors que les pays du monde entier s'efforcent de réduire leurs émissions de carbone, une nouvelle étude scientifique publiée dans Nature Climate Change souligne le potentiel inexploité de l'agroforesterie dans la lutte contre le changement climatique et propose des pistes pour y remédier. Cette étude a été conduite par un groupe d’experts internationaux, coordonné par The Nature Conservancy (TNC), avec la participation du Cirad.
Arachide cultivé en agroforesterie au Sahel. © C. Dangléant, Cirad
Arachide cultivé en agroforesterie au Sahel. © C. Dangléant, Cirad

Arachide cultivé en agroforesterie au Sahel. © C. Dangléant, Cirad

"Nous disposons du savoir-faire et de l'espace nécessaires pour ajouter davantage d'arbres aux terres agricoles du monde entier", déclare Drew Terasaki Hart, écologue et informaticien chez TNC, 1er auteur d’une étude publiée le 28 septembre dans Nature Climate Change. "La science peut aider à identifier les endroits où l'agroforesterie a le plus grand potentiel pour atténuer le changement climatique, tout en offrant ses avantages au plus grand nombre."

Outre son potentiel en matière d'atténuation du changement climatique, l'agroforesterie peut en effet améliorer les rendements des cultures, diversifier les revenus, renforcer la durabilité et la résilience climatique du système alimentaire, créer des habitats pour la biodiversité et protéger les personnes et le bétail contre les événements de chaleur extrême, etc. Dans les régions où l'agriculture est un moteur majeur de la déforestation, comme au Brésil, l'amélioration des moyens de subsistance des agriculteurs grâce aux pratiques agroforestières peut réduire, voire inverser la déforestation.

Pour contribuer à obtenir les meilleurs résultats climatiques, des scientifiques de plusieurs organisations environnementales et universités se sont réunis pour identifier les lacunes scientifiques entravant le déploiement de cette solution climatique. L’étude qui en résulte révèle trois conclusions clés. 

Tout d'abord, elle montre qu'en dépit des meilleures estimations disponibles du GIEC, il existe toujours un manque de connaissances sur :
•    la quantité de carbone qu'un système agroforestier individuel peut stocker et comment cette quantité varie d'une ferme à l'autre
•    les lieux où l'agroforesterie se pratique actuellement : certains systèmes agroforestiers les plus riches en carbone au monde échappent aux cartes existantes. 

L’étude révèle ainsi que l'adoption de l'agroforesterie et les ambitions pour la déployer ne sont pas réparties de manière égale dans le monde. Certains pays, en particulier en Afrique, sont à la pointe des efforts mondiaux en matière d'agroforesterie, alors que d’autres sont en retard. 
Malgré leur potentiel en tant que "solution climatique naturelle", les efforts de développement de l'agroforesterie sont donc insuffisants. Pour les auteurs, cela est dû à une ambiguïté entourant les actions agroforestières qui contribuent à l'atténuation, aux incertitudes quant à leur potentiel et à la difficulté de suivre les progrès dans la mise en œuvre sur le terrain des pratiques agroforestières.

L'agroforesterie revêt de nombreuses formes différentes, y compris une diversité de pratiques agricoles autochtones, traditionnelles et modernes - des agriculteurs romains qui entrelacent leurs champs d'oliviers aux communautés du bassin amazonien qui combinent la gestion des forêts avec la production à petite échelle de cultures tropicales telles que le cacao et le café. "Cette diversité apporte à la fois des avantages et des défis", souligne Susan Cook-Patton, chercheuse en restauration forestière chez TNC. "Si les agriculteurs peuvent ainsi plus facilement trouver un système agroforestier qui leur convient, cela représente un véritable défi scientifique pour déterminer le degré d’atténuation climatique que chaque système offrira."

"Dans de nombreuses régions, en particulier dans les pays du Nord, les arbres ont été éliminés des exploitations agricoles", déplore Rémi Cardinael, chercheur en agronomie au Cirad. "L'agroforesterie pourrait être une très bonne manière de reboiser ces régions par rapport à des projets de reboisement à grande échelle qui peuvent être plus vulnérables aux perturbations, tout en offrant des avantages directs aux agriculteurs."

Les chercheurs préconisent des mesures incitatives fléchées vers les agriculteurs pour accélérer les investissements dans l'agroforesterie. Ils soulignent la nécessité de poursuivre les recherches sur la meilleure manière de déployer l'agroforesterie dans les systèmes agricoles. Les chercheurs travaillent actuellement à consolider les informations qui existent déjà dans des milliers d'articles scientifiques.

"Alors que les terres du monde entier sont de plus en plus comprimées par les demandes concurrentes de nourriture, de fibres et de carburant, nous devons à la fois produire plus de nourriture et réduire les émissions de carbone", souligne Fred Stolle, directeur adjoint du programme Forêts du World Resources Institute et autre co-auteur de l'article. "L'agroforesterie est un moyen essentiel d'atteindre ces deux objectifs à la fois".

Référence

Terasaki Hart, D.E., Yeo, S., Almaraz, M. et al. Priority science can accelerate agroforestry as a natural climate solution. Nat. Clim. Chang. (2023). https://doi.org/10.1038/s41558-023-01810-5

L'article complet est disponible à l'adresse suivante : https://t.co/FE3snVcbnB