Combiner les politiques agricoles de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour concilier biodiversité et sécurité alimentaire

Résultats & impact 21 octobre 2020
Répartir les efforts entre la production de biocarburants, une transition vers des régimes alimentaires moins carnés et la reforestation de pâture serait une bien meilleure option pour l’agriculture de demain que de miser uniquement sur une seule de ces stratégies. Cette combinaison permettrait d’allier à la fois des objectifs de sécurité alimentaire, de préservation de la biodiversité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, selon une étude publiée par le Cirad et ses partenaires dans Environmental Research Letters.
Afin de tenir le cap des 2°C d'ici 2100, le secteur agricole peut s'appuyer sur trois grandes stratégies : la production de biocarburants de seconde génération, les changements vers des régimes moins consommateurs en viande, et le reboisement des pâturages. Une combinaison de ces trois stratégies apparaît comme la meilleure option pour concilier des enjeux climatiques, de biodiversité et de sécurité alimentaire. © P. Dugué, Cirad
Afin de tenir le cap des 2°C d'ici 2100, le secteur agricole peut s'appuyer sur trois grandes stratégies : la production de biocarburants de seconde génération, les changements vers des régimes moins consommateurs en viande, et le reboisement des pâturages. Une combinaison de ces trois stratégies apparaît comme la meilleure option pour concilier des enjeux climatiques, de biodiversité et de sécurité alimentaire. © P. Dugué, Cirad

Afin de tenir le cap des 2°C d'ici 2100, le secteur agricole peut s'appuyer sur trois grandes stratégies : la production de biocarburants de seconde génération, les changements vers des régimes moins consommateurs en viande, et le reboisement des pâturages. Une combinaison de ces trois stratégies apparaît comme la meilleure option pour concilier des enjeux climatiques, de biodiversité et de sécurité alimentaire. © P. Dugué, Cirad

« Dans l’optique de rester en dessous des 2°C d’ici 2100, l’agriculture mondiale devra, selon les scénarios élaborés par le GIEC, réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 4,3 Gigatonnes d’équivalent CO2 par an en 2100 , explique Rémi Prudhomme, modélisateur au Cirad et auteur principal de l’étude parue le 23 septembre dans Environnemental Research Letters. Pour cela, le secteur dispose notamment de trois grandes stratégies : la production de biocarburants de seconde génération, les changements vers des régimes moins consommateurs en viande, et le reboisement des pâturages. »

« Nos résultats indiquent que mener une seule de ses stratégies implique des conséquences négatives, soit pour la sécurité alimentaire, soit pour la biodiversité, soit les deux, poursuit Rémi Prudhomme. Les meilleures solutions résident dans une combinaison de ces trois politiques. »

Répartir les efforts pour éviter les impacts négatifs sur la sécurité alimentaire ou la biodiversité

Parmi 60 stratégies d’atténuation analysées, il est apparu qu’un effort partagé à 70 % sur la reforestation de pâtures et à 30 % sur un changement de régime alimentaire vers une moindre consommation de viande représente une des meilleures options pour minimiser les impacts négatifs sur la biodiversité et la sécurité alimentaire.

« Un reboisement des pâturages a de très bons résultats sur les indices de biodiversité . En revanche, cela entraîne des conséquences négatives sur les prix des aliments de base , précise le chercheur. Inversement, un changement vers des régimes moins carnés implique une baisse des prix, mais cause d’importants changements des communautés écologiques. Cela signifie qu’avec la hausse des aires de pâtures, la biodiversité se transforme et s’éloigne d’un écosystème naturel, et on voit des espèces disparaître au profit d’autres très différentes. »

Une stratégie basée uniquement sur les bioénergies est néfaste à la fois pour la biodiversité et la sécurité alimentaire

Un portefeuille équilibré des trois politiques d'atténuation, bien que n’étant pas optimal au regard d’un seul critère, évite ainsi les effets négatifs importants sur la sécurité alimentaire et la biodiversité. Une forte production de biocarburants, cependant, apparaît comme la plus mauvaise des options.

« Dans tous les cas, les stratégies se focalisant sur production de biocarburants de seconde génération se sont avérées les solutions les moins efficaces pour concilier sécurité alimentaire et biodiversité , souligne Rémi Prudhomme. Lorsque tous les efforts sont concentrés sur la production de biocarburants, on s’aperçoit même d’une dégradation, à la fois pour la biodiversité et pour la sécurité alimentaire, par rapport à l’absence de changements des politiques actuelles. »

Des différences régionales

Ces résultats globaux sont néanmoins nuancés par la déclinaison des stratégies à l’échelle de 12 grandes régions du monde. Les chercheurs mettent ainsi l’accent sur l’importance d’adapter au niveau régional les politiques agricoles de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

« Le contexte régional s’est montré décisif dans les résultats obtenus , note Rémi Prudhomme. Au Canada et au Moyen-Orient, par exemple, les indices de prix et de coûts moyens des aliments sont particulièrement sensibles aux politiques de réduction des émissions, tandis que les indices de biodiversité ne le sont peu. En Chine, au contraire, la biodiversité s’avère plus fortement impactée que les prix. »

L’agriculture de demain, si elle souhaite allier biodiversité, sécurité alimentaire et atténuation des changements climatiques, devra donc passer par une combinaison de stratégies de réduction des émissions adaptées au contexte régional.

Référence

Rémi Prudhomme et al. 2020. Combining mitigation strategies to increase co-benefits for biodiversity and food security . Environmental Research Letters