Valoriser la biodiversité cultivée pour les agricultures de demain : un enjeu d’équité

Vient de sortir 3 novembre 2025
La biodiversité cultivée ne se conserve qu’en étant cultivée. Biologique, sociale et culturelle, elle s’impose aujourd’hui comme clé de la transition agroécologique, exigeant un accès équitable et une gouvernance repensée pour se prémunir dans un contexte de crises multiples, climatique, environnementale et alimentaire. Une position développée dans le dernier numéro d’Horizon Science.
Pousse de plante
Pousse de plante

Pousse de plante, © Gettyimages

L'essentiel 

  • La biodiversité cultivée est mieux préservée lorsqu'elle est activement utilisée pour la production alimentaire, l’amélioration variétale et d’autres usages.
  • Assurer l’accès à la biodiversité cultivée pour une diversité d’acteurs est essentiel pour la transition agroécologique et la résilience dans un contexte de multicrises. 
  • Les schémas actuels de gouvernance des collections institutionnelles de semences doivent évoluer pour favoriser des collaborations multi-acteurs basées sur l’équité.

Pilier central des pratiques agricoles innovantes, la biodiversité cultivée regroupe l’ensemble des végétaux utilisés en agriculture. Il s’agit d’un des leviers de la sécurité alimentaire dans un contexte de multicrises climatiques, environnementales et alimentaires.

L’intérêt de cette biodiversité est autant de conserver les variétés végétales que de faire vivre la biodiversité au sein des méthodes et pratiques de culture. Ces enjeux sont déterminants pour :

  • garantir la diversité des espèces cultivées et assurer une sécurité alimentaire,
  • soutenir la transition écologique des agriculteurs afin de renforcer leur résilience,
  • permettre aux sélectionneurs de produire des variétés adaptées aux défis qui se posent aujourd’hui tels que le changement climatique, les maladies émergentes…
  • et répondre aux besoins des consommateurs et des filières.

Une biodiversité active multi-dimensionnelle

Alors que la surexploitation constitue une menace pour la biodiversité sauvage, la biodiversité cultivée, quant à elle, dépend de son utilisation active et continue pour assurer sa pérennité. L’usage régulier des variétés constitue ainsi une condition indispensable à leur préservation et à leur transmission.

Cette diversité est biologique (repose sur la diversité de variétés et d’espèces), sociale (dépend des savoir-faire et pratiques des agriculteurs et des communautés qui la maintiennent) et culturelle (reflète les patrimoines locaux). Elle permet une production à la fois diversifiée, autonome et résiliente, tout en valorisant les savoir-faire agricoles et en consolidant la sécurité alimentaire mondiale. La résilience de l’agriculture en dépend, a fortiori dans un contexte d’incertitudes croissantes. Dès lors, la question de la gestion de la biodiversité cultivée et de sa durabilité se pose avec une acuité renouvelée.

Un enjeu d’équité majeur 

L’accès à la biodiversité cultivée représente un défi d’équité et de justice sociale et environnementale en vue de la variété de ressources et d’acteurs pour une pluralité de contextes et d’objectifs. Il est donc crucial de garantir sa mise à disposition afin de favoriser la transition agroécologique et de renforcer la résilience face aux enjeux de sécurité alimentaire et d’environnement. Cela requiert une prise en compte inclusive, ainsi qu’une gestion collaborative à travers une coopération transdisciplinaire et multi-acteurs décentralisée, où la participation de chercheurs, d’agriculteurs, d’organisations paysannes et autres est essentielle pour la conception de variétés résistantes et appropriées aux conditions locales, favorisant ainsi des systèmes agricoles pérennes. D'où l'intérêt de relier la recherche aux pratiques agricoles en encourageant le partage de connaissances, et en renforçant les capacités des acteurs locaux pour qu’ils puissent participer aux projets de recherche. De ce fait, le Cirad souligne l’importance de considérer non seulement l’environnement technique de la biodiversité cultivée, mais aussi sa dimension sociale et institutionnelle.

Une gouvernance inclusive des semences

Plus qu'un simple enjeu, la question de la gouvernance des semences s’impose comme un élément déterminant dans la préservation, la régulation et la valorisation de la biodiversité cultivée. 

Pour une gestion plus inclusive et résiliente, la gouvernance des semences doit : 

  • Intégrer conversation in situ et ex situ pour une gestion dynamique, pour éviter les inégalités d’accès et d’utilisation des semences, ainsi que pour améliorer les relations entre les parties prenantes et revisiter la diffusion de la biodiversité cultivée ;
  • Repenser l’accès et l’échange pour plus d’inclusivité en impliquant les communautés locales et les agriculteurs dans la gouvernance et en valorisant leurs savoir-faire traditionnels aux côtés des connaissances scientifiques ;
  • Aligner dimensions techniques, sociales et institutionnelles pour une gouvernance holistique, équitable et non monétaire des collections institutionnelles au niveau international et national, comme celles hébergées par les centres de ressources biologiques (CRB), afin de pallier les inégalités au sein d’un groupe d’acteurs hétérogènes ;
  • Promouvoir des collaborations équitables et dynamiques basées sur le partage des bénéfices et développer des financements qui prennent en compte la pluralité des ressources et qui répondent aux besoins réels de conservation, de transition agroécologique et d’équité sociale dans l’utilisation de la biodiversité cultivée.