Soutenir l’innovation chez les exploitations agricoles familiales du sud du Maghreb

Science en action 27 novembre 2024
Le sud du Maghreb connaît une croissance rapide de l’activité agricole. Une agriculture familiale de petite taille côtoie désormais des exploitations de plusieurs centaines d’hectares. Mais le développement économique risque d’être de courte durée tant la pression augmente sur les ressources en eau. Sur ces territoires situés en zones arides ou oasiennes, le projet Massire a donné une voix aux agriculteurs familiaux, en les plaçant au cœur de systèmes d’innovations durables.
Oasis et ville de Tinghir dans le sud du Maroc © E. El Meknassi Youssoufi
Oasis et ville de Tinghir dans le sud du Maroc © E. El Meknassi Youssoufi

Oasis et ville de Tinghir dans le sud du Maroc © E. El Meknassi Youssoufi

Contrairement aux idées reçues, les agricultures des oasis du sud du Maghreb sont non seulement variées mais très dynamiques. Par exemple, dans le sud tunisien, de nouvelles palmeraies se sont développées ces dernières années sur plusieurs milliers d’hectares. Cependant, l’intensification agricole est venue fragiliser des territoires déjà sous pression, notamment pour l’accès aux ressources hydriques. Face à la surexploitation des aquifères, il y a urgence à engager une transition vers des pratiques plus durables.

De 2019 à 2024, le projet Massire a accompagné plus de 500 exploitations familiales au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Des coopératives, des ONG, des administrations locales et des étudiants ont participé au projet, qui a rassemblé au total plus de 1300 acteurs locaux. Le projet Massire a été mis en œuvre par un consortium composé de l’INAT et l’INRGREF en Tunisie, le CREAD et le CU de Tipaza en Algérie, l’ENA de Meknès et l’IAV Hassan II au Maroc, et le CLERSE/Lille, l’Inrae et le Cirad en France*. Le projet a été coordonné par le Cirad et a été financé par le FIDA et les institutions partenaires.

Les exploitations familiales au cœur des innovations : le pari des « processus multi-acteurs »

Réutilisation d’eaux usées, pratiques agroécologiques, certifications de produits bio, gestion collective d’un forage, etc. : les innovations prometteuses ne manquent pas, avec souvent des dimensions aussi bien techniques qu’organisationnelles. Pour analyser ces innovations, le projet Massire a fait le pari d’une approche centrée sur la participation des agriculteurs et des agricultrices. Du début à la fin, le projet a organisé des dialogues avec les acteurs de terrain pour définir les enjeux, les difficultés, et détailler les solutions techniques et organisationnelles qui leur paraissaient pertinentes. Ces dialogues ont été mis en œuvre dans le cadre de ce qui a été appelé des « processus multi-acteurs ».

Au total, 17 processus multi-acteurs ont été mis en place et ont permis de nombreux résultats. En particulier, deux démonstrateurs de réutilisation des eaux usées ont été construits, une concertation a été lancée pour la gestion collective d’un aquifère, un collectif d’agriculteurs a été accompagné pour une transition vers la production de dattes bio, et des associations d’irrigants dans les trois pays ont été accompagnées pour améliorer la gestion de forages communs.

Fin 2024, des échanges et des collaborations impliquant les participants de la plupart de ces processus multi-acteurs continuent d’avoir lieu en dehors du projet. Outre des guides pratiques, un ensemble de policy briefs détaille des recommandations politiques autour de thématiques spécifiques, comme le développement de filières agricoles de produits locaux, ou la recharge artificielle de nappes. Une approche ouverte qui a prouvé son efficacité en termes de co-construction avec les acteurs locaux et qui offre aussi un fort potentiel en termes de réplicabilité sur d’autres territoires et pour d’autres thématiques.

Crue dans la région d’Errachidia, sud du Maroc © Y. Khardi

Crue dans la région d’Errachidia, sud du Maroc © Y. Khardi

* INAT : Institut National Agronomique de Tunisie ; INRGREF : Institut National de la Recherche en Génie Rural, Eaux et Forêts ;  CREAD : Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement ; CU Tipaza : Centre universitaire Morsli Abdallah de Tipaza ; ENA de Meknès : Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès ; IAV Hassan II : Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II ; CLERSE : Centre Lillois d’Etudes et de Recherches Sociologiques et Economiques, de l’Université de Lille ; INRAE : Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement