Plaidoyer 26 août 2024
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- Concessions minières et forestières sur le territoire saamaka au Suriname
Déforestation au Suriname : les contradictions du pays « le plus vert du monde »
Le Suriname est reconnu comme un leader mondial en matière de préservation des forêts. Le pays a réussi à conserver 93 % de sa couverture forestière et renouvelle régulièrement ses engagements internationaux pour lutter contre la déforestation. Malgré ces affichages de « pays le plus vert du monde », le gouvernement du Suriname continue d’accorder des concessions forestières et minières à des entreprises internationales, entraînant une forte dégradation des terres. Surtout, ces concessions sont parfois situées sur des territoires de communautés autochtones et afrodescendantes, pourtant protégés par plusieurs lois internationales et interaméricaines.
Dans un nouveau rapport, l’International Land Coalition (ILC) et ses partenaires (dont le Cirad) détaille l’évolution des concessions sur le territoire des Saamaka et l’impact sur la forêt. Fin juin 2024, une partie du peuple saamaka a manifesté contre l’illégalité de ces concessions au regard des décisions prises par la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). À cette occasion, ils ont remis le rapport au président du Suriname, au vice-président et au président de l'Assemblée nationale, ainsi qu’aux parlementaires. Un cri d’alerte qui, ils l’espèrent, portera ses fruits.
« L’ILC travaille au niveau international, mais les données produites par les coalitions de partenaires peuvent être déclinées à plus petite échelle et notamment au niveau territorial, précise Jérémy Bourgoin, géographe au Cirad et co-auteur du rapport. Le cas des Saamaka illustre le rôle amplificateur que peuvent jouer les organisations internationales et les besoins de démocratiser l’accès et l’usage de données pouvant appuyer un plaidoyer en faveur des droits des communautés locales. »
Des concessions qui continuent en toute illégalité
En 2007, la Cour interaméricaine des droits de l’homme ordonne au gouvernement du Suriname de délimiter le territoire des Saamaka, l’un des six peuples tribaux du pays et qui représentent 20 % de sa population. Les Saamaka sont des afro-descendants, ancêtres de rebelles qui ont échappés à l’esclavage en se réfugiant dans la jungle. En tant que peuples autochtones, les Saamaka préservent la forêt et sa riche biodiversité, et sont en première ligne dans la lutte contre la déforestation.
La délimitation du territoire saamaka a bien été effectuée, mais le respect de ses frontières n’est pas assuré par le gouvernement, qui continue encore d’allouer une partie de ces terres protégées. La Cour interaméricaine des droits de l’homme avait par ailleurs demandé l’arrêt total des concessions. Depuis 2007, plus de 40 000 hectares de forêts ont été perturbés (dégradées ou déforestées). Selon le présent rapport de l’International Land Coalition, les concessions forestières sont responsables de 53 % de la dégradation et de la déforestation sur le territoire saamaka.
Les communautés locales ont demandé à plusieurs reprises que des démarches de consentement libre, informé et préalable soient mises en œuvre. Elles revendiquent également des explications sur la décision de l'État d'accorder ces zones à des entreprises privées, et sur l’éventuel partage des bénéfices. Aucune information ne leur a été donnée, que ce soit sur la décision en elle-même ou sur l’impact que ces concessions auraient sur leur vie quotidienne. Parmi les entreprises privées auxquelles sont octroyées des terres, on trouve Palmera Hout (29 000 hectares de concessions forestières), Western Paragon (29 000 hectares de concessions forestières), Fuerte Juntos (4 000 hectares de concessions forestières), Nuestra Tierra (3 000 hectares de concessions forestières), Dorado Resources (exploitation minière, nombre d’hectares inconnu), Loyalty Natural Resources (exploitation minière, nombre d’hectares inconnu), Sarakreek Minerals Development (exploitation minière, nombre d’hectares inconnu).
L’ILC regroupe différents projets et observatoires sur l’accès et la propriété des terres. Pour établir ce rapport, les auteurs ont notamment bénéficié des données des initiatives Land Matrix qui s’intéressent aux investissements fonciers à grande échelle, et au projet Land Mark qui cartographie les territoires autochtones dans le monde. Les analyses satellitaires de Global Forest Watch du World Resources Institute et les données de l’observatoire Tropical Moist Forest du Joint Research Center ont servi de base à l’analyse des tendances de perturbation des espaces forestiers.