Ebola : vers un dispositif de surveillance communautaire efficace

Résultats & impact 16 août 2022
Les systèmes de surveillance communautaire permettent très tôt de détecter l’émergence de maladies. Tenir compte des spécificités locales est indispensable à leur efficacité. En Guinée, une équipe du Cirad s’intéresse aux connaissances et perceptions d’une communauté dans une approche One Health. Les résultats révèlent une grande hétérogénéité des savoirs locaux. Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet européen EBO-Sursy.
© R. Belmin, Cirad
© R. Belmin, Cirad

© R. Belmin, Cirad

L’Afrique de l’Ouest est une région très exposée au risque de fièvres hémorragiques virales. Dans cette région pauvre, la faiblesse du système de santé peut rendre chaque émergence incontrôlable, comme lors de l’épidémie d’Ebola entre 2013 et 2016.

Les systèmes de surveillance communautaire sont des outils de santé publique particulièrement adaptés aux conditions locales : ils reposent sur la détection de l’émergence d’une pathologie au sein d’une communauté par ses propres membres. Comment mettre en place un dispositif de surveillance communautaire le plus efficace possible ?

Des chercheurs de l’unité de recherche Astre du Cirad, en collaboration avec la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Kasetsart à Bangkok et la direction nationale des services vétérinaires de la République de Guinée, répondent à cette question en Guinée dans un article publié dans la revue Plos Neglected tropical diseases.

Durant trois mois, l’équipe a réalisé des entretiens auprès des membres de la communauté pour évaluer leurs connaissances et perceptions des maladies. « Nous avons employé une approche d’épidémiologie participative, pointe Marie-Jeanne Guenin, doctorante au Cirad et co-autrice de l’étude. Elle permet d’identifier les obstacles et d’intégrer les savoirs des membres de la communauté pour déployer un dispositif de surveillance adapté aux conditions locales ».

One Health : la santé intégrée des Humains, des animaux et des écosystèmes

Ces données mettent en évidence une très grande hétérogénéité des savoirs au sein de la communauté : les agents communautaires de santé ont par exemple une connaissance plus fine des pathologies que les groupes de femmes interrogées, pourtant impliquées dans les soins de l’ensemble de leur famille.

Un autre résultat marquant est la méconnaissance des maladies de la faune sauvage, notamment par les rangers ou les chasseurs qui en sont pourtant un relai précieux. L’originalité de l’étude repose en effet sur une approche One Health, dont l’apport pour renforcer et améliorer les systèmes de surveillance est reconnu. « Cette approche intégrée nous a permis d’inclure les acteurs de chaque secteur de la santé : humaine, animale et environnementale, raconte Flavie Goutard, épidémiologiste au Cirad et co-autrice de l’étude. La bonne santé des écosystèmes repose sur ces trois piliers du One Health. Malheureusement, la santé environnementale reste souvent non prioritaire dans ces études ».

Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet EBO-Sursy, financé par l’Union européenne et coordonné par l’Organisation mondiale de la santé animale. « Cette étude qualitative se concentre sur une petite communauté, mais elle permettra de formuler des hypothèses qui pourront être testées à plus grande échelle dans d’autres projets qui démarrent comme Bcoming ou Africam », précise Flavie Goutard.
En effet, la continuité de ces activités s’inscrira, entre autres, dans PREZODE. Cette ambitieuse initiative vise à améliorer les systèmes de surveillance et d’alerte précoce pour prévenir les pandémies. Elle a été lancée par Emmanuel Macron en janvier 2021 lors du One Planet Summit. Initiée et pilotée par le Cirad, INRAE et l’IRD, PREZODE fédère près de 1 500 scientifiques issus de 122 pays.

Les atouts de l'épidémiologie participative

Les résultats obtenus en Guinée posent les premiers jalons d’un système de surveillance communautaire plus performant. « Il est nécessaire de trouver un équilibre entre la sensibilité (capacité à détecter la maladie) et la spécificité (capacité à identifier correctement la maladie) du système de surveillance, commente Marie-Jeanne Guenin. Sur la base de nos résultats, nous pourrons ainsi construire des définitions de cas (critères d’identification d’une pathologie) optimales ».

Reste encore à caractériser les moyens de communication les plus adaptés pour centraliser les informations. L’étude montre qu’il existe des canaux de communication préférés et plus efficaces, et des travaux sont déjà engagés pour affiner ces premiers résultats en y incluant des disciplines telles que les sciences sociales ou l’économie.

« Notre objectif est de mettre au point une approche qui puisse être dupliquée dans d’autres pays (Cambodge, Madagascar, etc.), avec des systèmes de surveillance très adaptés à chaque communauté, permettant de détecter des émergences globales », ajoute Flavie Goutard. L’approche en épidémiologie participative prouve ici son utilité dans le développement d’un système de surveillance plus performant. Elle permet également d’améliorer l’acceptabilité et la durabilité du système de surveillance grâce aux discussions initiées avec les communautés locales.

Les récentes crises sanitaires dramatiques essuyées par l’Afrique et le monde entier mettent en évidence le besoin urgent d’améliorer les capacités de détection des maladies émergentes.