Promouvoir la diversité alimentaire pour lutter contre la malnutrition chronique

Résultats & impact 10 février 2022
À cause d’une alimentation trop peu variées, les populations des régions cotonnières du Burkina Faso souffrent encore de malnutrition chronique. Pendant 4 ans, le projet RELAX a réuni des scientifiques de plusieurs disciplines pour analyser les déterminants de la diversité alimentaire. Ces travaux ont révélé que 80 % des femmes connaissent des carences en micronutriments. Ils ont également abouti à des recommandations opérationnelles pour améliorer la sécurité nutritionnelle des burkinabés.
Dans les régions cotonnières du Burkina Faso, les repas se basent sur un nombre très restreint d’aliments : le tô de maïs, l’arachide, le gombo et quelques légumes feuilles © A. Lourme-Ruiz, Cirad
Dans les régions cotonnières du Burkina Faso, les repas se basent sur un nombre très restreint d’aliments : le tô de maïs, l’arachide, le gombo et quelques légumes feuilles © A. Lourme-Ruiz, Cirad

Dans les régions cotonnières du Burkina Faso, les repas se basent sur un nombre très restreint d’aliments : le tô de maïs, l’arachide, le gombo et quelques légumes feuilles © A. Lourme-Ruiz, Cirad

Certaines régions d’Afrique de l’Ouest ont considérablement augmenté leur production agricole au cours des dernières décennies. Pourtant la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations est encore loin d’être garantie. Dans ces paysages dominés par les champs de coton et de maïs, « les repas se basent sur un nombre très restreint d’aliments : le tô de maïs, l’arachide, le gombo et quelques légumes feuilles », explique Alissia Lourme-Ruiz, économiste au Cirad impliquée dans le projet Relax.

L’inventaire des recettes des sauces qui accompagnent le tô montre un bon potentiel de diversité, mais en pratique, elles sont souvent trop simples. Beaucoup d’aliments périssables, comme la mangue, sont saisonniers. Et les produits de cueillette, comme les fruits, sont bien moins disponibles qu’auparavant. Des aliments diversifiés sont disponibles sur les marchés, mais ils restent hors de portée du budget de la plupart des familles.

Des carences néfastes pour la santé

La diversité alimentaire est très faible tout au long de l’année. Elle cause des carences en vitamines et minéraux qui entravent la croissance des enfants, peut causer des troubles physiques et cognitifs irréversibles et augmente significativement la mortalité. Et ces inquiétudes sont loin d’être anecdotiques puisque le projet a révélé que 80 % des femmes enquêtées présentent un risque de carences en micronutriments.

Entre la production agricole, la cueillette et les achats au marché, comment se construit la diversité alimentaire des ménages ruraux au Burkina Faso ? C’est ce qu’a cherché à comprendre une équipe scientifique pluridisciplinaire dans le cadre du projet Relax, piloté par le Cirad avec plusieurs partenaires* et financé par les Fondations Agropolis, Daniel et Nina Carasso, et Cariplo.

Sur la base de leurs études approfondies, les chercheuses et chercheurs ont identifié différents leviers et formulé plusieurs recommandations opérationnelles.

-    Décloisonner les questions de nutrition et d’agriculture

Les décisions politiques fonctionnent en silo : d’un côté l’agriculture prend très peu en compte les questions alimentaires ou nutritionnelles, et de l’autre la santé intègre mal les réalités agricoles. « Les gens ont tendance à s’intéresser à leur alimentation seulement quand ils sont malades », ajoute Charlotte Yaméogo, socio-anthropologue de l’alimentation à l’Irsat (Burkina Faso).

-    Sensibiliser sur l’importance de la diversité alimentaire

Au sein des familles, les décisions agricoles sont déconnectées des considérations de diversité alimentaire. Et l’extrême monotonie et simplification des repas n’est pas perçue comme une source de problème, ni au niveau politique ni au niveau des ménages. La priorité concerne systématiquement les céréales.

-    Encourager des productions alimentaires variées

Beaucoup d’aliments importants pour équilibrer les repas (légumineuses, œufs, viande, produits laitiers) sont peu produits dans les exploitations et sont principalement destinés à la vente ou à l’épargne. Pour Souleymane Ouedraogo, agronome à l’Inera (Burkina Faso), « il faut encourager les ménages à produire du haricot mungo, de la papaye, de la patate douce à chaire orange, des aubergines ainsi que du petit élevage. Même si une grande partie est vendue pour générer des revenus monétaires importants pour l’économie des ménages, une partie est souvent consommée et participe à la diversification alimentaire ».

-    Promouvoir les cultures en agroforesterie

Fruits, légumes feuilles, noix et graines, insectes… Les arbres présents dans les champs offrent une biodiversité précieuse. « On a mis en évidence que la biodiversité des parcs agroforestiers contribue à l’amélioration de la diversité alimentaire des femmes et, partant de là, des ménages », ajoute Christophe Koffi, écologue à l’Université de Man (Côte d’Ivoire).

-    Développer des techniques de conservation

Les fruits et légumes sont consommés principalement pendant les quelques mois de récolte, faute de moyen de conservation. Alissia Lourme-Ruiz rappelle qu’il est « important de promouvoir des moyens de conservation comme la fermentation ou le séchage » afin d’améliorer la diversité alimentaire tout au long de l’année et particulièrement les mois ou peu d’aliments sont disponibles.

-    Développer des cantines scolaires

Les scientifiques n’ont pas observé d’inégalités individuelles lors des repas pris à domicile. En revanche, les membres de la famille qui ont la possibilité de manger hors du domicile ont souvent une meilleure diversité alimentaire. C’est le cas pour les hommes qui travaillent en dehors de leur village et pour les enfants fréquentant les cantines à l’école. Développer les cantines scolaires peut s’avérer un levier précieux peut améliorer rapidement la diversité alimentaire des enfants et réduire la malnutrition infantile.

La spécialisation du système de production dans cette région a entrainé des progrès indéniables dans la sécurisation céréalière au cours des décennies passées. Toutefois, la réduction du nombre d’aliments issus de l’agriculture, de la chasse et de la cueillette n’est pas compensée par l’accès au marché qui reste difficile pour la majorité des ménages. Réinventer une agriculture plus nourricière, combinant une diversité de productions marchandes et d’autoconsommation, tout en contribuant à la préservation des ressources naturelles locales, représentent des pistes souhaitables pour la santé des familles d’agriculteurs, et compatibles avec les principes de l’agroécologie.

Les femmes au cœur de la diversité alimentaire
Dans les ménages agricoles, les hommes sont responsables de l’approvisionnement en céréales, les femmes de l’approvisionnement des ingrédients qui composent les sauces. À ce titre, les femmes sont centrales dans les questions de diversité alimentaire. Leur pouvoir et leur accès aux ressources comptent : quand leur revenu, leur temps disponible pour elles et leurs enfants ou leurs connaissances augmentent, la diversité de l’alimentation s’améliore.

* Le CNRST, le Gret, l’Inera, l’Iram, l’IRD et l’Irsat.

Le projet RELAX (N° AF 1507-329 ; N° FC 2015-2440, N° FDNC Engt 00063479) est financé dans le cadre de l’initiative « Thought for Food » par Agropolis Fondation (sur programme Investissement d’avenir, financement ANR-10-LABX-0001-01), par Fondazione Cariplo et la Fondation Daniel et Nina Carasso.