Insécurité alimentaire : vers un système automatique de surveillance et d’alerte précoce

Résultats & impact 29 novembre 2021
Comment détecter rapidement les endroits où les populations sont les plus susceptibles d’être touchées par la faim ? Dans certaines zones du monde, le manque de données représente un obstacle quasi infranchissable pour les techniques classiques d’alerte. Pour cette raison, une équipe de scientifiques a mis au point une nouvelle méthode, basée sur des indicateurs indirects à la faim, mais plus accessibles. La méthode a été testée avec succès au Burkina Faso.
Ecossage de niébé, Bambey, Sénégal © C. Dangléant, Cirad
Ecossage de niébé, Bambey, Sénégal © C. Dangléant, Cirad

Ecossage de niébé, Bambey, Sénégal © C. Dangléant, Cirad

Les premiers résultats viennent d’être publiés dans Expert Systems With Applications. Grâce à des données publiques facilement accessibles, telles que le prix du maïs ou la présence d’hôpitaux ou d’écoles, il est désormais possible d’estimer de manière précoce les zones les plus touchées par la faim.

Contourner le manque de données directes sur la faim

« Les méthodes classiques de surveillance de l’insécurité alimentaire se basent sur deux indicateurs précis, calculés via des enquêtes ménages : le Score de Consommation Alimentaire (SCA) et le Score de Diversité Alimentaire (SDA), explique Hugo Deleglise, doctorant en sciences des données au Cirad, soutenu par #DigitAg et premier auteur de l’article. Ces indicateurs sont difficiles à obtenir, particulièrement dans les zones de conflits, ou celles touchées par des catastrophes climatiques. »

Le SCA et le SDA, clés pour estimer la faim, sont souvent inaccessibles dans les régions pourtant les plus à risque. Pour contourner ce problème, l’équipe de scientifiques a développé une méthode d’estimation de ces indicateurs, à travers d’autres données, plus accessibles. Hugo Deleglise précise : « La présence d’hôpitaux ou d’écoles, par exemple, est liée à l’accès au soin et à l’éducation. Indirectement, ces données nous renseignent aussi sur la suffisance alimentaire d’une région. »

En agrégeant tout un ensemble de données, allant du cours du prix du maïs à la présence de cours d’eau, cette approche pluridisciplinaire et à la pointe de la technologie permet de prédire de manière efficace les valeurs des deux indicateurs habituellement utilisés.

Des estimations probantes au Burkina Faso

De 2009 à 2018, le gouvernement burkinabé a mené des enquêtes ménages annuelles pour estimer le SCA et le SDA du pays. En 2018, les scientifiques ont testé leur nouvelle méthode pour prédire les valeurs des deux indicateurs, quelques semaines avant le début de l’enquête ménage.

Les cartes de prédiction obtenues ont donné des résultats tout à fait proches de ceux de l’enquête ménage. Ce premier test, très probant, pourrait être développé à plus grande échelle lors de collaborations futures avec le Programme Alimentaire Mondial.

En haut, cartes des SCA et SDA obtenus via l’enquête ménage de 2018. En bas, les cartes de prédiction © H. Deleglise

En haut, les cartes des SCA et SDA obtenus via l’enquête ménage de 2018. En bas, les cartes de prédiction. © H. Deleglise

« Dans certaines zones urbaines, ou de conflits, les enquêtes de terrain sont impossibles, souligne Hugo Deleglise. Cette nouvelle méthode de prédiction pourrait donc s’avérer cruciale pour améliorer l’efficacité des aides d’urgence. » 

Référence

Hugo Deleglise, Roberto Interdonato, Agnès Bégué, Elodie Maître d'Hôtel, Maguelonne Teisseire, Mathieu Roche. 2021. Food security prediction from heterogeneous data combining machine and deep learning methods. Expert Systems With Applications