Marché carbone : planter des arbres ne compense pas la perte d’arbres anciens

Résultats & impact 20 août 2025
Une nouvelle analyse mondiale révèle une lacune importante dans les initiatives visant à promouvoir le café durable et la capture de carbone. Ces programmes encouragent la plantation de nouveaux arbres, mais ne récompensent pas la préservation des arbres d'ombrage matures dans les exploitations agroforestières existantes, malgré leur potentiel de stockage de carbone bien supérieur.
© Smithsonian’s Institute
© Smithsonian’s Institute

La canopée des plantations de café cultivées à l'ombre contribue à atténuer les effets du changement climatique en réduisant la température au sol et en maintenant le niveau d'humidité. © Smithsonian’s Institute

Les arbres d'ombrage existants dans les plantations de café stockent plus de carbone que les projets de plantation d'arbres ne peuvent en séquestrer. C'est le résultat d'une nouvelle étude publiée dans la revue Communications Earth & Environment. Menée par le Smithsonian’s National Zoo and Conservation Biology Institute (NZCBI) et le Smithsonian Tropical Research Institute (STRI), avec la participation du Cirad, l'étude démontre qu'abattre des arbres d’ombrage dans les caféières agroforestières émettrait deux fois plus de carbone que ce qui pourrait être stocké par de nouvelles plantations d'arbres dans les monocultures de café.

« Il existe un déséquilibre criant : les marchés du carbone financent largement la plantation sur des parcelles dégradées, mais très peu d’initiatives soutiennent la préservation des arbres en place », déclare Ruth Bennett, écologue au NZCBI et autrice principale de l’étude. « Notre travail montre que planter des arbres ne compensera jamais la perte de grands arbres matures. ».

Des politiques actuelles qui incitent à la déforestation

Les programmes de crédits carbone encouragent aujourd’hui les agriculteurs à planter des arbres pour capter du carbone, mais ne proposent aucun mécanisme pour protéger les systèmes agroforestiers existants. Cette faille pourrait paradoxalement encourager l’abattage d’arbres matures – riches en carbone – au profit de jeunes arbres éligibles aux crédits, mais bien moins efficaces.

Des chiffres éloquents

  • Les plantations de café dans le monde couvrent plus de 10 millions d’hectares.
  • Elles stockent actuellement 482 millions de tonnes de carbone dans la biomasse aérienne.
  • Planter des arbres dans toutes les monocultures ne permettrait de séquestrer que 82 à 87 millions de tonnes supplémentaires.
  • En revanche, convertir les parcelles agroforestières en monocultures libérerait entre 174 et 221 millions de tonnes de carbone.

« Pour obtenir ces résultats, nous avons rassemblé des données provenant de 67 études scientifiques menées dans des régions caféières du monde entier. Nous avons examiné un large éventail de plantations, allant des monocultures de "café au soleil" dépourvues de tout arbre aux systèmes agroforestiers complexes où le café pousse sous une canopée d'arbres de la forêt indigène. Puis nous avons comparé le carbone stocké dans chaque type de plantation,, et appliqué ces mesures aux données existantes sur la culture du café dans le monde, qui montrent que 41 % de la production se fait en plein soleil, 35 % avec un minimum d'ombre et 24 % sous un couvert arboré diversifié », précisent Damien Beillouin et Rémi Cardinael, scientifiques au Cirad qui ont contribué à l’étude.

Biodiversité et climat : même combat

L’étude, menée en collaboration avec The Nature Conservancy et le Cirad, révèle aussi que les efforts centrés sur la séquestration du carbone ne garantissent aucun bénéfice pour la biodiversité. Planter des arbres à croissance rapide maximise le carbone, mais c’est la diversité des espèces qui favorise la faune.

« Il ne suffit pas de planter beaucoup d’arbres. Il faut planter les bons arbres, diversifiés, adaptés aux écosystèmes », affirme Emily Pappo, première autrice de l’étude.

Les fermes certifiées Bird Friendly (label du Smithsonian) montrent que des plantations diversifiées hébergent jusqu’à quatre fois plus d’espèces d’oiseaux que les monocultures. Ce label reste à ce jour l’un des seuls à valoriser la protection de la biodiversité et à offrir des retombées économiques concrètes aux producteurs.

Appel à un changement de cap

Les auteurs de l’étude appellent à une réforme des marchés du carbone, afin qu’ils rémunèrent aussi la conservation des arbres existants. Ils insistent également sur l’importance de rendre ces programmes accessibles aux petites exploitations, souvent exclues des marchés actuels.

Pour accompagner ces efforts, les chercheurs du Smithsonian développent le Shade Catalog, une ressource pour aider les producteurs à choisir les espèces d’arbres d’ombrage compatibles avec la culture du café et bénéfiques pour la biodiversité.

Référence

Pappo, E., Cook-Patton, S., Beillouin, D. et al. Carbon payment strategies in coffee agroforests shape climate and biodiversity outcomes. Commun Earth Environ 6, 661 (2025). https://doi.org/10.1038/s43247-025-02574-w