Plaidoyer 26 août 2024
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Soutenir l’agriculture familiale pour remédier à l’échec du système alimentaire mondial
Pour placer l’agriculture familiale au centre des politiques nationales et des investissements, les Nations unies ont décrété la décennie pour l’agriculture familiale 2019-2028. C’est dans ce cadre que s’est tenu la Conférence globale sur l’agriculture familiale et les systèmes alimentaires, organisée du 23 au 26 novembre par le Forum rural mondial, avec le soutien financier de l’Union européenne et la participation du Cirad.
L’agriculture familiale, une clé pour les transitions
Alors qu’on a régulièrement prédit leur disparition au profit des grandes fermes industrielles, l’agriculture familiale continue à être un phénomène massif. 1,3 milliard de personnes travaillent dans de telles exploitations, c’est le premier employeur du monde.
De par son caractère majoritaire, mais aussi par sa souplesse et sa compatibilité avec des modes de production alternatifs, les agricultures familiales représentent une clé autant pour réduire les inégalités que pour améliorer la durabilité de nos systèmes alimentaires.
Les agriculteurs et agricultrices familiaux ont besoin aujourd’hui d’une production et de moyens de subsistance durables. Ce sujet était l’objet du 1er panel de la conférence animé par Jean-Michel Sourisseau, socioéconomiste au Cirad et spécialiste des questions liées aux agricultures familiales. En amont, un groupe d’expertes et experts* ont proposé sept actions prioritaires. Ces propositions ont été discutées entre agents de l’agriculture familiale, bailleurs et partenaires, lors de la session le 23 novembre dernier.
7 actions prioritaires pour soutenir les agricultures familiales
1 – Dépasser la stricte vision de l’exploitation agricole
Il s’agit d’élargir la focale des actions à d’autres aspects que la simple exploitation familiale comme l’ancrage dans le territoire, l’impact (positif ou négatif) sur les ressources naturelles et sur les rapports sociaux.
2 – Améliorer et sécuriser l’accès aux ressources productives
Le foncier est un sujet capital auquel une séance de la conférence globale sur l’agriculture familiale était d’ailleurs consacrée avec Ward Anseew, chercheur au Cirad et à International Land Coalition. Mais d’autres ressources sont indispensables aux activités agricoles familiales : l’eau, les technologies, les services tels que le crédit ou les assurances.
3 – Valoriser les savoirs locaux
Valoriser les savoirs locaux est primordial, mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire de les coupler avec d’autres savoirs, académique par exemple pour les faire vivre dans différentes dimensions. Par exemple, l'agroécologie ne vise pas qu'à "redécouvrir" des savoirs traditionnels pour mieux incorporer les processus naturels dans les modes de production. Certes, cette valorisation est nécessaire, mais l'agroécologie familiale bénéficie d'apports de la recherche qui complètent et objectivent ces savoirs.
4- Garantir l’emploi des jeunes
La question de la relève générationnelle se pose dans tous les pays. Il est nécessaire de mieux comprendre le parcours de jeunes pour adapter une réponse globale à leur égard. Les conditions du travail de la terre doivent également être encadrées pour générer des emplois décents et attractifs.
5- Promouvoir et valoriser des productions de qualité
Des pratiques inclusives et durables, telles que l’agroécologie, peuvent aider les agricultures familiales à améliorer la qualité et la durabilité de leur production tout en réduisant la dépendance aux intrants externes. Des mécanismes de type certification sont un moyen de reconnaissance par les marchés de cette qualité et des services environnementaux et sociaux rendus.
6- Renforcer les organisations représentant et défendant les agricultures familiales
Les organisations agraires jouent un rôle clé dans la promotion et la défense des agricultures familiales. Elles les accompagnent pour se détacher de cette situation de vulnérabilité vécue par une majorité d’agriculteurs et d’agricultrices de par le monde.
7- Engager des efforts financiers massifs ciblant les agricultures familiales
Les politiques publiques doivent réduire l’exposition et la vulnérabilité aux événements extrêmes liés au changement climatique ou à d’autres risques sociaux et environnementaux.
Pour Étienne Colette, chargé de mission à la Commission européenne (DG INTPA), « ces sept priorités d’action soulignent la place des agricultures familiales au carrefour de multiples enjeux et en lien avec divers contextes et acteurs. Et c’est bien dans ce sens que nous soutenons des approches territoriales et intégrées du champ à l’assiette ».
Pour une convergence entre agriculture familiale et agroécologie
L’agroécologie a été très présente dans les échanges. Selon Jean-Michel Sourisseau, « les principes de l’agriculture familiale entrent parfaitement en résonance avec ceux de l’agroécologie. Des convergences sont à trouver pour que ces deux mouvements se nourrissent davantage l’un l’autre ».
Le chercheur souligne également « la nécessité de revenir à la famille, à ses valeurs de transfert, de solidarité, à cette relation entre production, terroir et famille. Les décisionnaires doivent être en mesure de comprendre ces conceptions-là ».
Enfin, Jean-Michel Sourisseau rappelle qu’il ne faut pas oublier les antagonismes : « il existe aussi un vrai débat idéologique avec des forces contraires à l’agriculture familiale et à l’agroécologie, qui s'organisent pour peser dans les arènes internationales, sur les politiques publiques nationales et plus largement sur l'organisation des filières ».
À travers le monde, la taille d’une exploitation agricole est toute relative. « Une petite exploitation au Brésil n’est pas du tout comparable à une exploitation, également qualifiée de petite, au Vietnam ou en Inde », rappelle Jean-Michel Sourisseau. Une exploitation agricole familiale c’est une exploitation dans laquelle uniquement des membres de la famille travaillent. Il n’y a pas de rapport de salaire entre les travailleurs, mais des rapports domestiques.
Quand l’agriculture familiale met en valeur nos territoires
* Le panel était composé d’expertes et d’experts de plusieurs organisations : le Forum rural mondial, le réseau d’associations panafricain Inades-Formation, l’International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM), le Programa de dialogo regional rural (PDRR), l’Eastern and Southern Africa Small Scale famers’Forum (Esaff) et le Cirad.