Négociations climat | Le Cirad très actif à l’interface science-politique dans l’action de Koronivia

Institutionnel 8 décembre 2020
Adoptée en 2017 lors de la COP 23, l’action conjointe de Koronivia a renforcé la prise en compte de l’agriculture dans les négociations climat. Depuis lors, le secteur agricole n’est vu plus seulement comme émetteur de gaz à effet de serre. Son potentiel d’atténuation et la nécessité de son adaptation sont enfin reconnus au travers de ce processus de Koronivia. Le Cirad, en tant qu’observateur des négociations climat, a été très actif pour contribuer à cette action conjointe avec ses partenaires. Retour sur les messages clés de ces soumissions.
Le secteur agricole n’est vu plus seulement comme émetteur de gaz à effet de serre
Le secteur agricole n’est vu plus seulement comme émetteur de gaz à effet de serre

© J, Bourguoin, Cirad

L’action conjointe de Koronivia* pour l’agriculture (Koronivia Joint Work Action, KJWA en anglais) arrive bientôt à son terme. Elle aura permis de donner des clés aux négociateurs des pays signataires de l’Accord de Paris pour mieux prendre en compte l’agriculture dans la mise en œuvre de ces engagements.

Le Cirad positionné à l’interface science-politique

Les pays, mais aussi les observateurs de la Convention-cadre sur le changement climatique (UNFCCC), comme le Cirad, pouvaient, préalablement à chaque atelier thématique, transmettre leurs propositions à l’attention des organes de l’UNFCCC. Le Cirad a souhaité mettre ses connaissances des terrains tropicaux et méditerranéens à disposition des négociateurs au travers d’informations scientifiques synthétiques. Dans ce sens, l’établissement a soumis, avec ses partenaires, plusieurs contributions sur 4 des 6 thèmes qui composent l’action conjointe de Koronivia. En voici les messages saillants.

Carbone du sol, santé et fertilité des sols

  • L’immense potentiel du carbone des sols

Les stocks de carbone organique du sol (COS) sont les plus importants de la biosphère terrestre et sont une composante majeure du cycle mondial du carbone.

  • Stocker du carbone dans les sols pour aider à la sécurité alimentaire, lutter contre le réchauffement et s’y adapter

L’augmentation du COS peut améliorer la sécurité alimentaire et contribuer à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique. Il offre plusieurs avantages supplémentaires tels qu’améliorer la structure du sol et maintenir une biodiversité et les services écosystémiques associés.

  • Des pratiques agricoles à co-construire avec les agriculteurs

Les techniques de gestion durable des terres pour augmenter les stocks de COS nécessitent une réflexion participative et inclusive avec les petits exploitants ainsi qu’avec les autres agriculteurs. De plus, ces activités doivent apporter des solutions techniques localement appropriées et intégrées dans les systèmes agricoles et les paysages.

La fertilisation organique pour des systèmes agricoles durables et résilients

  • Favoriser un recyclage des éléments nutritifs dans les systèmes agricoles

Les engrais organiques, s’ils sont produits grâce au recyclage, pourraient remplacer les engrais minéraux et ainsi éviter des émissions de GES.

  • Améliorer les interactions entre le bétail, les cultures et les arbres

Les avantages peuvent être considérables en termes de recyclage, de disponibilité et d’utilisation efficace des éléments nutritifs… Les déjections animales sont une source importante et sous-estimée d’azote.

Sécurité alimentaire et dimensions socioéconomiques des changements climatiques dans le secteur agricole

  • Les pays vulnérables du Sud : premières victimes du changement climatique

Les agricultures des pays tropicaux et méditerranéens sont les plus vulnérables au changement climatique et sont aussi celles qui ont le moins de marge manœuvre.

  • Les politiques publiques, y compris contraignantes, sont déterminantes

Combiner une diversité d’instruments politiques, qu’il s’agisse d’instruments réglementaires, incitatifs et communicationnels. Ces instruments doivent être conçus au-delà des secteurs traditionnels pour tirer parti des synergies entre les politiques sectorielles.

  • L’approche territoriale à privilégier

Développer des outils, des stratégies et des politiques adaptés aux enjeux environnementaux et de sécurité alimentaire, sur les territoires concernés.

  • Des systèmes alimentaires à repenser

Prendre en compte l’ensemble du système alimentaire pour faire face aux impacts du climat sur la sécurité alimentaire, y compris les liens entre les filières alimentaires et l’analyse politico-économique du rôle des entreprises agroalimentaires dans la promotion de systèmes alimentaires plus inclusifs et résilients au changement climatique ; y compris les interactions rural-urbain.

Amélioration des systèmes d'élevage et agropastoraux

  • La contribution des systèmes d’élevage aux défis de la sécurité alimentaire et de la nutrition est un défi mondial majeur

En 2019, l’élevage contribue pour 20 à 24 % du PIB agricole dans les pays développés et en développement. Il fournit 34 % de l’apport en protéines et 18 % en énergie alimentaire de façon très inégale et la consommation de protéines d’origine animale est un enjeu de santé publique (la malnutrition touche 1 personne sur 5 dans les PED). 600 millions des ménages les plus pauvres du monde élèvent du bétail comme source essentielle de revenus.

  • Le changement climatique à de lourdes répercussions sur les systèmes d’élevage

Le changement climatique est en partie responsable de la dégradation des écosystèmes pastoraux, mais aussi de nombreux problèmes de santé animale. Ces impacts affectent les grands bassins d’élevage et pourraient perturber l’économie et les flux régionaux, en particulier dans les régions d’élevage plus vulnérables. Une désorganisation sociale pourrait résulter de ces impacts.

  • Le secteur de l’élevage offre un fort potentiel d’atténuation

Le secteur mondial de l’élevage génère 14,5 % des émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre (44 % de méthane, 29 % de protoxyde d’azote et 27 % de dioxyde de carbone)*. Le développement de stratégies d’atténuation est un défi de taille. Elles reposent notamment sur l’efficience de la production à différents niveaux d’échelle (alimentation des bêtes, gestion de la santé, gestion des sols, des pâturages et de l’utilisation des terres). L’augmentation des synergies entre les activités agricoles (recyclage des nutriments) ou entre les unités paysagères (agro-sylvo-pastoralisme) est également une grande voie d’atténuation. La séquestration du carbone dans le sol des systèmes pâturés (30 % du stock de carbone du sol) doit être mieux prise en compte. Des économies d’énergie et le recyclage le long des chaînes d’approvisionnement sont d’autres options d’atténuation.

  • La diversité et la complémentarité des systèmes d’élevage enrichissent l’éventail des capacités d’adaptation

Les activités d’élevage sont capables de valoriser des milieux impropres aux cultures. Cependant l’adaptation pourrait être plus efficace en prenant mieux en compte l’organisation sociale qui est l’un des principaux leviers dans le secteur de l’élevage. Au-delà des impacts biophysiques critiques sur les plantes, les animaux et les territoires, l’évolution des tendances et les chocs attendus affecteront également le pouvoir, la gouvernance et l’équité des relations, souvent au détriment des populations les plus vulnérables. La complexité des tâches nécessite de renforcer la capacité à mener une approche intégrée comprenant des analyses socioéconomiques, techniques et environnementales, pour améliorer l’élaboration des politiques et la décision d’investissement pour le développement durable du secteur de l’élevage.

* En 2017, les négociations de la COP 23 à Bonn aboutissent à la mise en œuvre de l’action commune de Koronivia pour l’agriculture. Elle prend son nom des îles Fidji où se sont déroulés les derniers pourparlers qui ont suivi la conférence de Bonn.

** Ces chiffres sont encore débattus dans la communauté scientifique : incertitude sur l’évaluation des émissions liées au changement d’affectation des terres et à la séquestration du carbone, manque de références sur les facteurs d’émission contextualisés.