Quand la modélisation assiste l’agriculture et prévient les crises alimentaires

Résultats & impact 24 avril 2019
Un modèle développé par le Cirad permet d’allier un système d’alerte précoce des crises alimentaires avec des services climatiques liés à l’agriculture. Intitulé SARRA-O, il est l’aboutissement de 30 ans développement par le Cirad et de concertations, calibrations, tests et vérifications en partenariat (Agrhymet, Ceraas, Inera, IER, Embrapa…). L’outil, actuellement en plein déploiement, sera présenté au symposium AgriNumA, 1er rendez-vous de l’agriculture numérique en Afrique de l’Ouest.
Paysannes burkinabées dans les champs de sorgho © Cirad, J. Chantereau

Service climatique et système d’alerte des crises alimentaires

Déterminer les dates favorables aux semis, les besoins en eau des cultures ou prédire les rendements deux mois avant la récolte… Depuis 2016, le modèle SARRA-O permet de suivre la saison de culture de trois céréales majeures en Afrique de l’Ouest (mil, sorgho et maïs). Cet outil se base sur les relations du système sol-plante-atmosphère. Développé par le Cirad et ses partenaires, l’outil offre toute une palette de services climatiques liés à l’agriculture, mais pas seulement. La nouveauté de SARRA-O, par rapport aux versions précédentes du modèle, est de pouvoir modéliser des cultures à l’échelle nationale, voire régionale. Ce changement d’échelle en fait un véritable instrument d’alerte précoce des crises alimentaires en Afrique de l’Ouest. Un outil essentiel de gestion des risques qui permet aux populations et aux décideurs d’intervenir rapidement pour atténuer l’effet des crises alimentaires sur une communauté. Cette version spatialisée du modèle SARRA (Système d’analyse régionale des risques agro-climatologiques) sera présentée au symposium AgriNumA le 29 avril 2019.

SARRA-O, la version spatialisée de SARRA-H

SARRA-O résulte du couplage du modèle SARRA-H avec la plateforme de modélisation OCELET, un langage de programmation informatique dédié à la modélisation et à la simulation de dynamiques spatiales. SARRA-O devient ainsi une version spatialisée de SARRA-H, qui modélise des cultures à l’échelle de la parcelle. En revanche, les données qui alimentent les deux modèles restent les mêmes :

  • Données liées aux pratiques culturales (culture et variété, irrigation, niveau d’intensification…)
  • Données climatiques (pluviométrie, températures, rayonnement global…)
  • Données liées au sol (typologie, profondeur, ruissellement…)
  • Coordonnées géographiques (latitude, longitude et altitude)

Un modèle en plein déploiement…

Depuis 2016, SARRA-O est testé en condition réelle par le centre régional Agrhymet* qui s’appuie sur le modèle pour éditer un bulletin mensuel de suivi de la campagne agricole en Afrique de l’Ouest. Le succès est tel que Christian Baron, chercheur au Cirad à l’origine de cette nouvelle version du modèle, et ses partenaires d’Agrhymet viennent de former les services nationaux de météorologie de 8 pays d’Afrique de l’Ouest à l’utilisation du modèle. « SARRA-O est gratuit, simple, rapide et robuste. Il délivre des informations en continu et dans un délai de quelques jours seulement et utilise des données gratuites et facilement accessibles », souligne Christian Baron. Le modèle alimente le volet agriculture de plusieurs projets de développement menés avec l’Organisation mondiale de la météorologie, la Banque mondiale, Météo-France ou encore Météo-France Internationale.

… et au service de la recherche scientifique

SARRA-O est aussi régulièrement utilisé dans la cadre de recherches menées en partenariat pour évaluer l’impact du dérèglement climatique sur les activités et rendements agricoles, comme le projet AgMIP (The Agricultural Model Intercomparison and Improvement). Dans ce programme, les données d’entrée de SARRA-O ne représentent plus les situations actuelles, mais proviennent de prospectives produites par les modèles de changement climatique (climate model).

Le fruit de 30 ans de développement et de calibration et vérification

L’histoire de l’outil de modélisation SARRA remonte bien avant l’engouement récent pour les services climatiques. Suite à la « grande sécheresse » qui a frappé le Sahel à partir des années 1970, le centre régional Agrhymet se tourne vers le Cirad pour co-construire un modèle permettant d’estimer le stress hydrique des cultures afin de prévenir les crises alimentaires. Le Diagnostic hydrique des cultures voit le jour dans les années 80. Le modèle évolue ensuite vers la version appelée SARRA pour Système d’analyse régionale des risques agro-climatologiques, puis SARRA-H, et enfin SARRA-O. Ce cheminement a été jalonné de plusieurs étapes de calibration, d’évaluation et de vérification grâce à des essais en station et des enquêtes en milieu paysan.

* Créé en 1974, le centre régional AGRHYMET est une institution spécialisée du Comité permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (Cilss), dont le mandat s’étend maintenant sur les pays de la CEDEAO.