Au Vietnam, les caféiculteurs se diversifient dans le poivre et la production de fruits

Résultats & impact 18 octobre 2023
Le Vietnam est le deuxième producteur de café au monde, derrière le Brésil. L’émergence de la caféiculture à grande échelle date des années 1990. Les paysans ont alors profité des réformes politiques et économiques pour ouvrir de larges zones agricoles sur les plateaux centraux. Ce sont aujourd’hui plus de 650 000 ha et autant de familles qui sont impliquées dans la production de café Robusta au Vietnam. Une étude publiée dans Ecological Economics présente l’évolution des pratiques des caféiculteurs au cours des 10 dernières années.
Culture mixte de café et de durian. © C. Rigal, Cirad
Culture mixte de café et de durian. © C. Rigal, Cirad

Culture mixte de café et de durian. © C. Rigal, Cirad

Le café, tout comme les produits agricoles échangés sur les marchés mondiaux, est soumis à de fortes variations de prix. Les producteurs vietnamiens sont connus pour leur réactivité et leur adaptabilité face aux fluctuations des prix. Ainsi, lors de la crise des prix du café du début des années 2000, nombreux sont les caféiculteurs qui ont commencé à diversifier leurs champs en y introduisant des poivriers entre les rangées de café. Plus récemment, avec l’envolée des prix des fruits tels que le durian et la noix de macadam, les arbres fruitiers se multiplient. « Alors que la caféiculture reposait à l’origine intégralement sur des systèmes en monoculture, on estime aujourd’hui qu’environ 50 % des surfaces café sont plantées avec un mélange de culture à base de poivriers et/ou de fruitiers », constate Clément Rigal, agronome spécialiste du café au Cirad.

Des pratiques très intensives, gourmandes en intrants et en eau

Clément Rigal et ses partenaires vietnamiens de l’ICRAF (World agroforestry center) et du WASI (Western Highlands Agriculture & Forestry Science Institute) ont réalisé un travail d’enquête, publié dans la revue Ecological Economics, qui analyse l’évolution des pratiques sur la caféiculture et la culture du poivre au Vietnam ces 10 dernières années dans trois des principales provinces productrices sur les plateaux centraux. L’étude démontre tout d’abord l’intensivité des pratiques agricoles dans cette région du Vietnam. « Les quantités d’intrants, notamment les engrais de synthèse mais également les pesticides et l’eau d’irrigation, sont largement supérieures aux doses recommandées. Les rendements sont ainsi parmi les plus élevés au monde, mais cela au prix d’un fardeau financier pour les paysans et d’une dégradation des sols et de l’écosystème », pointe Clément Rigal. La réduction des intrants apparaît ainsi comme une priorité pour assurer la durabilité des cultures de café et de poivre dans la région. Pour répondre à cet enjeu, des essais pour rationaliser l’utilisation d’engrais de synthèse et rétablir la santé des sols sont en cours, dans le cadre de différents projets, comme le V-Scope, Bolero ou encore Ecoffee.

Des parcelles qui se densifient et se diversifient de plus en plus

Par ailleurs, il ressort également que les producteurs densifient leurs parcelles à travers la diversification des cultures. Chaque nouvelle vague de plantation s’ajoute à la précédente. Les systèmes les plus diversifiés, qui réunissent à la fois caféiers, poivriers et arbres fruitiers, sont aujourd’hui également les plus denses et les plus productifs, avec des effets compétitifs entre cultures encore limités. « L’analyse des coûts et revenus montre que ces systèmes sont les plus rentables et les plus résilients face aux fluctuations des prix », précise Clément Rigal. « Dans la région des Hauts Plateaux du Vietnam, les agriculteurs adaptent souvent leur choix de culture aux fluctuations du marché. Ce comportement n'est pas récent. Par exemple, beaucoup ont abandonné le café au profit du poivre quand le prix de ce dernier a augmenté. Mais le poivre a ensuite entraîné la faillite de nombreux agriculteurs qui suivaient la mode sans réfléchir à l'offre et à la demande. Par conséquent, la diversification des cultures est une meilleure stratégie, car elle assure la stabilité des revenus des agriculteurs et favorise aussi un développement agricole durable et à long terme pour l'avenir », ajoute Tuan Duong de l’ICRAF au Vietnam. De premières études complémentaires sur l’utilisation en eau montrent également une plus grande résilience de ces systèmes diversifiés que des monocultures face aux épisode de sécheresse.

La caféiculture et la culture du poivre vont continuer d’évoluer dans les années à venir. Les fruitiers plantés à large échelle donneront bientôt la pleine mesure de leur production. Le prix des avocats est déjà sur le déclin, et celui du durian pourrait connaître le même sort. « Il y a ainsi fort à parier qu’une partie des fruitiers sera remplacée par nouvelle vague de plantations, augmentant d’autant la diversité des parcelles cultivées », suppose Clément Rigal.

Référence

Rigal Clément, Duong Tuan, Vo Cuong, Bon Le Van, Hoang quôc Trung, Chau Thi Minh Long, Transitioning from Monoculture to Mixed Cropping Systems : The Case of Coffee, Pepper, and Fruit Trees in Vietnam, Ecological Economics, Volume 214, 2023.