Filière café © F. Ribeyre, Cirad

Café

Le café est, en valeur, la première ressource agricole au monde. Source de revenus et d’emplois pour les pays producteurs, la culture du caféier est surtout pratiquée dans de petites exploitations familiales. Les recherches du Cirad visent à élaborer et à promouvoir des standards de production de café conformes aux principes du développement durable et économiquement viables.

Les caféiers sont des arbustes du genre Coffea, qui compte près de 80 espèces. Deux espèces, Coffea arabica et C. canephora, originaires d’Afrique, sont cultivées pour leurs graines qui, après torréfaction, donnent le café : la première produit le café Arabica, la seconde le Robusta. Le goût du café, son arôme particulier, mais aussi ses effets tonifiants ont fait le succès de cette boisson. Et plus encore l’atmosphère unique et conviviale qu’elle a su développer dans les lieux où elle se consomme.

Caféier des hauts plateaux et caféier des plaines

Les caféiers sont des arbustes de la famille des rubiacées. L’espèce Coffea arabica est originaire d’Abyssinie. On la trouve dans les forêts des hauts plateaux éthiopiens, où sa cueillette se pratique depuis des siècles. Il en existe plusieurs variétés : Typica, Maragogype, Bourbon, Blue Mountain ou Mundo Novo. Le café Arabica est considéré comme le haut de gamme des cafés, en raison de sa finesse, sa douceur et son parfum, grâce aussi à sa faible teneur en caféine. L’espèce C. canephora, qui produit le Robusta, pousse spontanément dans la plaine subéquatoriale d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Le Robusta, au goût plus ordinaire que l’Arabica, est fort en caféine.

Caféier en fleurs. © C. Lanaud, Cirad

Les caféiers peuvent atteindre 5 à 6 mètres de haut, pour C. arabica, et 10 à 12 mètres, pour C. canephora. En plantation, ils sont taillés et ne dépassent pas 2 à 3 mètres. Ils ont un feuillage persistant, d’un vert brillant, et portent, en même temps, des fleurs et des fruits.

Plusieurs fois par an, surtout en fin de saison sèche, les caféiers se couvrent de fleurs blanches au parfum de jasmin, à l’aisselle des feuilles. La pollinisation est réalisée par les insectes et par le vent. Éphémères, les fleurs fanent dès la fécondation et se transforment en fruits après deux à trois mois. D’autres les remplacent aussitôt.

Les fruits, d’abord verts, deviennent jaunes, puis d’un rouge écarlate. On les appelle communément « cerises ». Ils poussent en grappes serrées, à l’aisselle des feuilles des jeunes branches. Les fruits sont constitués d’une peau, d’une pulpe blanc jaunâtre, sucrée, plus ou moins abondante et de 2 graines ovales et accolées. Les cerises du Robusta mûrissent en 8 à 12 mois, celles de l’Arabica en 6 à 8 mois. Chaque graine est entourée d’une enveloppe jaune pâle : la parche.

L’or brun du Yémen
Originaire d’Éthiopie, c’est à partir du Yémen que l’Arabica a conquis le monde. Censé faciliter les rites religieux nocturnes en tenant éveillés les officiants, le café est consommé dans les cercles sufis yéménites dès le XIVe siècle. Les graines qui servent à le préparer sont importées de la région de Kaffa, en Éthiopie. Très vite, le breuvage gagne les villes sacrées de l’Islam comme La Mecque et Médine et quitte le milieu fermé des sufis pour faire son apparition dans les maisons publiques de café à Bagdad, Damas, Alexandrie… puis Constantinople en 1554. C’est dans la première moitié du XVIe siècle que le Yémen commence à produire le café. Celui-ci a déjà séduit toute la péninsule arabique et le Proche-Orient. L’Europe ne tardera pas à suivre.
Pendant tout le XVIIe siècle, les plantations sont prospères au Yémen. Après s’être enrichie avec le commerce des épices, la ville de Moka, sur la mer Rouge, est devenue florissante grâce au café, dont elle est le premier port mondial d’exportation. Jusqu’au XVIIIe siècle, le café, qui provient des pays du Levant, coûte très cher et fait l’objet de rudes convoitises. Le sultan de l’Empire ottoman met au point une technique radicale pour préserver son monopole : avant de quitter l’Arabie, tous les sacs sont contrôlés et tous les grains de café ébouillantés afin de les empêcher de germer, et donc d’être cultivés ailleurs. Pourtant, au XVIIe siècle, les Hollandais parviennent à dérober quelques graines qu’ils replantent en Inde, à Ceylan, puis dans l’île de Java. Eux aussi optent pour le monopole et condamnent à mort quiconque chercherait à exporter des plants de leurs colonies. Ils donneront tout de même un pied de caféier à chacun des jardins botaniques d’Europe. En 1714, le représentant de la Compagnie hollandaise des Indes orientales offre ainsi des caféiers à Louis XIV. Acclimatés au Jardin du Roi, à Paris, le futur Jardin des Plantes, ces tout jeunes plants seront les ancêtres des premières plantations des colonies d’Amérique, notamment de la Martinique, d’où le caféier partira à la conquête de l’Amérique latine.
 

Deux caféiers aux exigences bien spécifiques

Chacune des espèces de caféiers a ses exigences. L’Arabica préfère les climats frais et l’altitude. On le trouve sur les hauts plateaux de l’Est africain, sur les terres volcaniques d’Amérique centrale, sur les pentes andines en Amérique du Sud. Cependant, certaines grandes zones de production, notamment au Brésil, ne se trouvent pas en altitude.

Le Robusta est cultivé dans les plaines chaudes et humides de type équatorien, où poussent aussi le cacaoyer et le bananier. Les plaines d’Afrique de l’Ouest, le Vietnam, l’Indonésie sont ses grandes zones de production.

La vague du Robusta
Sous un climat tropical tempéré par l’altitude, l’Arabica s’adapte bien. Mais dans les plaines des zones équatoriales et subtropicales, trop chaudes ou trop humides, il refuse de s’acclimater. A la fin du XIXe siècle, la découverte du Robusta au Congo ouvre la caféiculture aux zones de basse altitude. Le nom du Robusta n’est pas usurpé : plus vigoureux, plus résistant aux maladies, il donne aussi des récoltes plus abondantes. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour voir s’étendre des plantations coloniales de Robusta. Interrompue par la Seconde Guerre mondiale, l’expansion de la culture en Afrique reprendra après les indépendances, soutenue par les États et dynamisée par les petits producteurs. Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, notamment. Le Robusta ne se contente pas de l’Afrique. Il se répand aussi dans le nord du Brésil et en Asie : Indonésie, Inde, Philippines et enfin Vietnam, aujourd’hui deuxième producteur mondial de café.
 
Jeunes plants de caféier, Coffea arabica, au Nicaragua. (© I. Vagneron/Cirad)

Les variétés d’Arabica sont reproduites par semences, car elles s’autofécondent, l’espèce étant autogame. Le pouvoir germinatif des graines est très court — quelques mois après la récolte. Les graines germent en 2 mois et passent au stade « petit soldat ». Elles sont alors repiquées en pépinière, où elles restent environ 9 mois avant la plantation.

Le Robusta est reproduit par boutures, car l’espèce est allogame : la descendance d’un caféier fécondé par du pollen extérieur est très hétérogène. Les caféiers les plus intéressants sont donc multipliés en bouturant des demi-tiges avec des feuilles. Lorsque le plant est enraciné, il est repiqué en pépinière pour quelque mois avant d’être planté. La multiplication par vitroplants est également possible.

L’Arabica est planté à des densités variant de 3000 à 10 000 pieds par hectare. Il commence à produire au bout de 2 ou 3 ans. La floraison est provoquée soit par le froid, soit par une période sèche. Lorsque la saison sèche est bien marquée, il peut y avoir une ou deux floraisons par an. Dans les climats froids et toujours pluvieux des hautes montagnes, on peut assister à 4 ou 5 floraisons, voire plus, étalées sur plusieurs mois. La nouaison (durée de maturation du fruit) dure de 6 à 10 mois. L’entretien annuel se limite à la taille, au désherbage, à la fertilisation et, éventuellement, aux traitements phytosanitaires.

Le Robusta se cultive de façon à peu près similaire. Il est cependant souvent cultivé en plein soleil, à des densités moindres, de 1000 à 3000 pieds par hectare. La durée de maturation du fruit est plus courte.

Un hectare de caféier Arabica ou Robusta, conduit dans de bonnes conditions avec du matériel sélectionné, produit entre 6 et 7 tonnes de cerises, qui donneront 1,2 à 1,3 tonne de café marchand après transformation. Dans les périodes où les cours du café sont très bas, les caféiculteurs investissent peu dans leurs plantations. Ils laissent l’ombrage se développer et se contentent de désherber. Dans ces conditions, un hectare fournit entre 600 kg et 1 tonne de cerises, soit 100 à 200 kg de café marchand. Dans des conditions de culture intensive au soleil, une grande plantation peut produire correctement pendant 30 ans. Les caféières sous ombrage, peu productives, peu entretenues, durent souvent 50, 70, voire 100 ans.

Scolyte et anthracnose, les pires ennemis du caféier

Les caféiers ont une multitude d’ennemis. Le parasite qui provoque le plus de dégâts est un petit coléoptère : le scolyte des grains (Hypothenemus hampei). Il s’attaque aux cerises en les perforant. La production y perd en rendement, mais aussi en qualité. Depuis longtemps, la recherche propose des méthodes de contrôle intégré du scolyte, propres et raisonnées, mais peu de producteurs les pratiquent, surtout pour des raisons économiques.

Cerises de caféiers, Coffea arabica, attaquées par le scolyte, au Costa Rica : elles présentent une perforation caractéristique située près de l’apex. © F. Ribeyre, Cirad

La maladie la plus grave est l’anthracnose des fruits, due à un champignon : Colletotrichum kahawae. Elle sévit principalement en Afrique de l’Est. Certaines années, elle peut entraîner jusqu’à 90 % de perte en période de récolte. La voie privilégiée pour résoudre ce problème est la recherche de variétés résistantes.

Il existe encore bien d’autres ennemis du caféier, comme les nématodes qui s’attaquent aux racines, la rouille orangée, autre maladie fongique qui attaque les feuilles, les punaises, pucerons et cochenilles. Cependant, en règle générale, rares sont les producteurs qui les contrôlent et le café est bien souvent cultivé de façon « naturelle ».

La récolte des cerises

Récolte des cerises mûres de caféier, Coffea arabica, au Burundi. © D. Snoeck, Cirad

La récolte fait surtout appel au travail humain, car les branches du caféier portent en même temps des fruits à tous les stades de maturité. L’idéal consiste à ne récolter que les fruits mûrs, bien rouges, cerise par cerise. C’est la méthode du picking. Cette pratique a un coût élevé en main-d’œuvre. Elle implique 4 ou 5 passages sur chaque caféier pendant la récolte. Elle est réservée aux cafés de haute qualité, comme l’Arabica.

Les caféiculteurs lui préfèrent souvent un autre procédé, plus rapide, le strip-picking, qui consiste à tirer toutes les cerises présentes sur le rameau. Le café obtenu à partir d’une telle récolte est hétérogène. La récolte du Robusta est souvent réalisée en un ou deux passages, car la qualité est rarement valorisée pour cette variété.

Le café coque et le café parche

Après la récolte, il faut préparer le grain. Il existe deux façons de faire : la voie sèche et la voie humide.

Cerises de café récoltées, au Costa Rica. © F. Ribeyre, Cirad

Par la voie sèche, on obtient le café coque. Les cerises sont étendues au soleil en minces couches, de 3 à 4 cm d’épaisseur, sur des aires en ciment, des claies ou des bâches. Elles doivent être fréquemment remuées et abritées la nuit ou lorsqu’il pleut. Le séchage dure une vingtaine de jours. La teneur en eau des cerises est alors ramenée de 70 % à 12 %. L’ensemble des enveloppes (la peau, la pulpe et la parche) se déshydrate et forme la coque. Le café est sec quand le grain « sonne » dans la coque.

Café parche, au Costa Rica. © F. Ribeyre/Cirad

La voie humide aboutit au café parche sec. Elle comprend plusieurs étapes. La peau et une partie du mucilage sont d’abord retirées par des dépulpeurs mécaniques, sans abîmer la parche ou le grain. Le mucilage restant est dégradé par voie microbienne (fermentation) ou mécanique. Le café est ensuite lavé à l’eau pour éviter la prolifération de micro-organismes, notamment pendant le séchage. Le lavage se pratique manuellement dans des bacs ou dans un canal, qui permet aussi une classification des grains en fonction de leur densité, ce qui permet d’éliminer les fèves les plus légères et les matières étrangères. Après le lavage, le grain entouré de sa seule parche subit un séchage solaire intégral, un séchage artificiel intégral ou un séchage mixte (solaire, puis artificiel). Ce séchage ramène l’humidité du café de 55 % à 12 %. La fermentation et le séjour du grain dans l’eau diminuent l’amertume du café et son astringence, augmentent l’acidité et procurent un goût plus fin.

Le café vert marchand

Une fois séché, le café coque ou le café parche peut être stocké et transporté. Pour être transformé en café vert marchand, il doit être libéré de ses enveloppes. Le décorticage du café coque donne le café vert nature. Le déparchage du café parche donne le café vert lavé. Le café vert est calibré selon la taille des grains, puis il passe sur des tables densimétriques. Un dernier triage, colorimétrique ou manuel, permet de rejeter les grains aux couleurs indésirables : les fèves noires, qui donnent un goût amer, malpropre et terreux au café ; les grains blancs, qui lui procurent un goût plat, ligneux ; les graines brunes, qui produisent un goût rhumé, sur, désagréablement fruité.

La couleur du grain vert d’Arabica, qui est plutôt gros, allongé et plat, se rapproche du bleu vert lorsqu’il est traité par voie humide. Celle du grain vert de Robusta, plutôt petit et rond, se rapproche du brun lorsqu’il est traité par voie sèche.

Mieux vaut entreposer le café vert que le café torréfié : il garde en effet ses arômes plus longtemps. Il est généralement stocké dans des sacs en jute. C’est la torréfaction qui révélera enfin la qualité des arômes, et donc du travail réalisé depuis la plantation.

Les conditions de stockage interviennent encore sur la qualité du café marchand. En particulier, le café entreposé ne doit pas être trop humide (pas plus de 12,5 % d’humidité).

C’est avant la torréfaction que la plupart des industriels effectuent leur mélange de cafés verts. Leurs recettes contiennent parfois plus de 7 origines de café.

La torréfaction libère les arômes

Torréfaction de café Arabica en usine, au Burundi. © D. Snoeck, Cirad

Jadis, les familles torréfiaient elles-mêmes leur café. Aujourd’hui, cette opération fondamentale est une affaire de spécialistes. C’est en effet à ce moment précis que le torréfacteur va chauffer le grain de café vert, sans arôme, pour le transformer en un grain brun avec un goût complexe, composé de plus de 800 molécules aromatiques.

La durée et la température changent selon la technique : torréfaction traditionnelle (20 minutes environ à 200 °C), plus rapide (10 minutes à 250 °C) ou torréfaction flash (en 90 secondes). Elles changent aussi selon les goûts : une torréfaction très claire donne un café plus acide, avec des arômes de pain grillé ou de céréales qu’affectionnent par exemple les Américains. Lorsqu’on laisse la torréfaction se prolonger, l’amertume augmente et l’acidité diminue. Une torréfaction plus foncée, appréciée par les Français, donnera un café plus équilibré, une torréfaction à l’italienne développera l’amertume.

Une substance active : la caféine

Environ 55 % de polysaccharides totaux, 8 à 15 % de matière grasse selon les variétés et environ 11 % de protéines. Tels sont les principaux composants du café auxquels il faut ajouter 10 à 13 % d’eau, des alcaloïdes (dont la caféine), des vitamines (PP, B3), des éléments minéraux (sodium, magnésium, potassium, calcium, phosphore…). Dans le café torréfié, ces constituants sont au nombre de 800.

La caféine, au goût amer, est l’un des principaux déterminants de l’arôme du grain de café. C’est un alcaloïde de la famille des xanthines, isolé en 1820. L’Arabica en contient environ 1,5 %, le Robusta entre 1,6 % et 2,8 %, et jusqu’à 3,5 %. La caféine a un effet stimulant sur le système nerveux central et le système cardiovasculaire.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas un antidote de l’alcool. Elle est absorbée très rapidement par l’organisme et métabolisée par le foie en différentes xanthines, qui sont éliminées par l’urine. Cette élimination est variable suivant les individus et la dose d’ingestion doit rester inférieure à 600 mg par jour. Le taux de caféine contenu dans une tasse de 100 ml de café varie de 60 à 120 mg. Il dépend de la variété de café utilisée et de son mode de préparation.

Soluble ou décaféiné ?
Il existe deux procédés industriels pour obtenir le café soluble : la lyophilisation et l’atomisation. La lyophilisation consiste à congeler un extrait aqueux concentré de café, suivi d’une évaporation sous vide. Ainsi l’eau passe directement de l’état solide à l’état de vapeur sans phase liquide intermédiaire (c’est la sublimation).
L’atomisation, moins coûteuse, consiste à pulvériser l’extrait de café concentré liquide sous une forte pression dans un courant d’air chaud. Sous l’effet de la chaleur, l’eau s’évapore et les fines particules de poudre de café sont recueillies.Le café décaféiné est fabriqué à partir du café vert dont on extrait la caféine, le plus souvent à l’aide d’un solvant chloré. D’autres méthodes utilisent l’eau ou le gaz carbonique liquide à l’état supercritique.