Agriculture et climat : le Cirad appelle à la transformation des systèmes agricoles et alimentaires

Plaidoyer 30 octobre 2025
À l’approche de la COP30, le Cirad publie une note de position sur l’agriculture et les systèmes alimentaires face au changement climatique. À l’échelle mondiale, ces secteurs sont à la fois victimes et contributeurs des dérèglements climatiques en cours et à venir. Ils génèrent plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre. Et cette contribution ne fait que s’alourdir, accentuant encore l’urgence d’une transformation visant à la fois l’atténuation et l’adaptation.
Un champ de mil en agroforesterie dans la région de Bambey, au Sénégal © C. Dangléant, Cirad
Un champ de mil en agroforesterie dans la région de Bambey, au Sénégal © C. Dangléant, Cirad

Un champ de mil en agroforesterie dans la région de Bambey, au Sénégal © C. Dangléant, Cirad

L’essentiel

  • Face au changement climatique, l’agriculture et les systèmes alimentaires sont à la fois responsables et victimes, mais aussi au cœur des solutions.
  • Pourtant la prise de conscience n’est pas encore au rendez-vous, comme en témoigne ce chiffre : seuls 2 % des financements climatiques sont alloués à ce secteur.

Les systèmes agricoles, alimentaires et forestiers contribuent au changement climatique, mais sont aussi parmi les plus exposés à ces effets.

« L’agriculture et les systèmes alimentaires sont à la fois victimes et contributeurs majeurs du changement climatique, mais ils sont aussi une partie essentielle de la solution », précise Vincent Blanfort, agro-écologue et chargé de mission changement climatique au Cirad.

Alors que la communauté internationale se prépare à la prochaine Conférence des Nations unies sur le climat (COP30), qui démarre le 10 novembre au Brésil, le Cirad publie une note de position sur la nécessité transformer nos systèmes agricoles et alimentaires pour répondre à l’urgence climatique.

Intitulé « Vers une agriculture et des systèmes alimentaires plus résilients face au changement climatique au Sud », ce document s’appuie sur les conclusions d’un ouvrage collectif coordonné par des scientifiques du Cirad et leurs partenaires, réunissant près de 150 autrices et auteurs issus de plusieurs disciplines.

Trois leviers d’action pour conjuguer adaptation et atténuation

Les scientifiques du Cirad identifient trois grands leviers pour accélérer la transition :

  1. Innover pour transformer les pratiques agricoles et développer la sélection variétale en combinant savoirs scientifiques et savoirs locaux. L’agroécologie, l’agroforesterie et la sélection de variétés adaptées à la sécheresse figurent parmi les solutions phares pour renforcer la résilience des systèmes agricoles.
  2. Mieux gérer les ressources naturelles (eau, sol, biomasse, énergie) comme leviers d’atténuation et d’adaptation. Les approches territoriales intégrées, la gouvernance de l’eau et la valorisation durable des bioénergies sont essentielles pour renforcer la sécurité alimentaire, tout en évitant la « maladaptation ». 
  3. Accélérer l’action climatique dans les territoires et les politiques publiques. L’agroécologie et les agricultures familiales doivent être au cœur des stratégies de développement durable, soutenues par des financements équitables et des dispositifs de gouvernance inclusifs.

Une agriculture familiale, un rôle central dans cette transformation

L’agriculture familiale rassemble près de 90 % des exploitations agricoles dans le monde qui produisent 75 % de l’alimentation mondiale. Bien que multiformes, elles disposent d’atouts considérables (diversité biologique, ancrage territorial, savoirs locaux) qui en font des laboratoires vivants de l’agroécologie.

« Les agricultures familiales, par leur conversion à l’agroécologie, constituent un potentiel d’adaptation et d’atténuation au changement climatique, tout en agissant pour la sécurité alimentaire mondiale et la stabilité écologique », souligne Marie Hrabanski, chercheuse spécialisée dans les politiques publiques liées au climat au Cirad.

Réorienter les financements et renforcer les politiques publiques

Malgré le potentiel reconnu de l’agriculture dans la lutte contre le réchauffement, les financements climatiques alloués au secteur n’atteignent pas 2 % des flux mondiaux. Le Cirad appelle à une réorientation massive des investissements vers l’agriculture durable et les agricultures familiales.

Pour une action climatique fondée sur la science

La note plaide enfin pour un renforcement des interfaces entre science et politique, indispensables pour transformer les connaissances scientifiques en actions concrètes. Elle recommande de mieux évaluer l’impact carbone de l’agriculture, d’harmoniser les méthodes de mesure et de développer des bases de données partagées entre chercheurs, décideurs et acteurs agricoles.

« Mieux mesurer, c’est mieux agir. Sans outils d’évaluation fiables, aucune politique climatique agricole ne pourra être pilotée efficacement », souligne Julien Demenois, écologue et chargé de mission « 4 pour 1000 » au Cirad.

Cette note position s’appuie sur l’ouvrage collectif L’agriculture et les systèmes alimentaires du monde face au changement climatique. Enjeux pour les Suds, coordonné par Vincent Blanfort, Julien Demenois et Marie Hrabanski, aux Éditions Quæ (2025).