Science en action 20 mars 2025
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Nutrition Research Facility, la science éclaire l’action publique

Les acteurs qui travaillent sur la nutrition sont en demande de connaissances scientifiques dans ce domaine © R. Belmin, Cirad
L’essentiel
- Près de 3 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à une alimentation saine
- Les connaissances scientifiques sur la nutrition pourraient être mieux prises en compte pour orienter les politiques sectorielles, au-delà du seul secteur de la santé.
- Pour encourager les décideurs à utiliser les connaissances scientifiques, l’Union européenne a lancé la Nutrition Research Facility, qui vise à conduire des études en réponse aux besoins des décisionnaires. Une quinzaine d'études explorent ainsi divers leviers d’amélioration de la nutrition.
En Côte d’Ivoire, au Laos, au Guatemala… La Nutrition Research Facility (NRF) de l’Union européenne mène des études approfondies dans une dizaine de pays. Son objectif est d’éclairer les politiques nutritionnelles sur la base de connaissances scientifiques, dans des contextes de développement. « La question de la prise de décision fondée sur des connaissances scientifiques est majeure dans la communauté des acteurs qui travaille sur la nutrition », constate Arlène Alpha, économiste au Cirad, spécialiste des politiques nutritionnelles et membre de la NRF pour le Cirad.
Identifier les besoins de connaissances des décideurs
La NRF a entrepris un processus de consultation auprès des États membres et des pays partenaires de l’UE, en gageant qu’une fois produites, les connaissances seront ainsi mieux utilisées dans l’élaboration des politiques. Durant 2 ans, l’équipe de la NRF, pilotée par le Cirad, a organisé des ateliers de consultation et des enquêtes pour recueillir les besoins en recherche auprès de responsables de différents ministères (santé, éducation, agriculture, affaires sociales…), de délégations de l’UE dans des pays partenaires et des services de coopération des États membres.
La nutrition, une affaire de santé, mais pas seulement
« Jusqu’à il y a une dizaine d’années, les questions de nutrition relevaient quasi exclusivement du secteur de la santé, explique Arlène Alpha. Depuis, de nombreux autres secteurs sont appelés à se mobiliser, mais parfois sans trop savoir quels leviers actionner. »
L’initiative NRF s’inscrit dans le cadre du projet « Knowledge and Research for Nutrition » de la Commission européenne. Le projet (2020-2026) est porté par Agrinatura, l’Alliance européenne de la connaissance en agriculture pour le développement, et est mis en œuvre par le Cirad en collaboration avec cinq universités et centres de recherche européens de l’alliance.
À ce jour, une quinzaine d’études sont menées dans 10 pays des Sud. Le Cirad est impliqué dans plusieurs d’entre elles sur des thématiques diverses. Arlène Alpha souligne deux spécificités de ces études NRF. « Elles concernent toutes des aliments destinés à la consommation locale et non pas à l’exportation. En outre, l’aspect pluridisciplinaire des études est extrêmement précieux et possible grâce au vaste réseau de partenaires mobilisés dans ces travaux. »
Focus sur deux études de la NRF coordonnées par le Cirad
Les réglementations sont-elles efficaces pour améliorer la sécurité sanitaire des aliments ?
Cette question de santé publique a été soulevée dans le cadre des consultations avec les pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Est. Le processus a abouti à la formulation d’une question de recherche autour de l’efficacité des lois et réglementations en matière de sécurité sanitaire. L’étude menée pour répondre à cette question inclut entres autres une évaluation des taux de contamination microbiologique et chimique des fruits et légumes et du poisson transformé (séché, fumé…) en Côte d’Ivoire, ainsi que du lait au Kenya. Ces travaux sont menés en partenariat avec le Centre suisse de recherche scientifique en Côte d'Ivoire (CSRS) et l’International Livestock Research Institute (ILRI).
Les études de laboratoire en Côte d’Ivoire ont ainsi révélé d’assez haut niveau de contamination des fruits et légumes par des pathogènes, principalement liés au manque d’hygiène le long de la chaine de distribution. Ainsi que des résidus nocifs sur les poissons fumés liés aux techniques de fumage. Face à ce constat, la question qui se pose est de savoir pourquoi la réglementation ne fonctionne pas. Les lois et règlements peuvent exister, mais leur degré d'application est largement inefficace pour garantir un niveau satisfaisant de sécurité sanitaire et de qualité des denrées alimentaires.
« Plusieurs facteurs contribuent à expliquer cette situation : la faiblesse des institutions de contrôle alimentaire, mais aussi le fait que les réglementations sont généralement hors de portée et inadaptées aux capacités des acteurs du secteur informel, explique Arlène Alpha. Ce dernier point renvoie à la façon dont sont élaborées les réglementations et souligne l'importance d’avoir des processus inclusifs, qui permettent de prendre en compte les réalités du secteur informel, et pas seulement les questions de contrôle et d'application des lois et réglementations pour en améliorer l'efficacité. »
L’agroécologie, un levier potentiel pour améliorer la nutrition en milieu urbain
« Plusieurs résultats scientifiques indiquent que l’agroécologie pourrait améliorer la nutrition des ménages ruraux, notamment en accroissant la diversité des aliments. Mais les connaissances manquent en milieu urbain, » assure Rachel Bezner Kerr, professeure à l’université de Cornell, qui a copiloté l’étude au Sénégal avec Moustapha Seye, socioanthropologue à l’Université Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, Ninon Sirdey, économiste au Cirad et Arlène Alpha. Après avoir enquêté à Dakar et à Thiès auprès de producteurs en agroécologie, de consommatrices de leurs produits et de non-consommatrices, l’équipe a identifié des leviers pour développer la consommation de produits agroécologiques parmi les ménages à faible revenu dans ce contexte urbain et périurbain :
- Changer l’environnement alimentaire des consommatrices en augmentant le nombre de points de vente de produits agroécologiques,
- Favoriser les lieux d’échanges, de socialisation et les liens culturels (marchés mobiles, restaurants publics, cuisines communautaires urbaines, foires, festivals) comme vecteurs de sensibilisation des populations aux enjeux de santé et de nutrition,
- Réserver davantage de terres municipales aux jardins agroécologiques,
- Développer les programmes d’achat publics s’approvisionnant en produits locaux et agroécologiques,
- Renforcer les filières de produits agroécologiques par des appuis techniques et organisationnels permettant d’améliorer les volumes et la diversité des produits agroécologiques tout au long de l’année, à des prix accessibles.
Pour des systèmes alimentaires sensibles à la nutrition
(Re)Voir la conférence organisée sur le stand Cirad-AFD au salon de l’agriculture