Caractériser les agricultures du monde pour mieux les accompagner

Résultats & impact 15 octobre 2024
L’Observatoire des agricultures du monde présente ses lignes directrices lors du Forum de l’agriculture familiale le mardi 15 octobre à Rome. Copubliée par la FAO, le Fida, le Cirad et la France, cette publication dresse les bases méthodologiques de l’observatoire pour caractériser les diverses formes d’agriculture qui coexistent au sein d’un territoire. Des données indispensables pour éclairer l’action politique et la transformation des systèmes agricoles.
Riziculture dans le sud-ouest de Madagascar © Cirad, E. Menguy
Riziculture dans le sud-ouest de Madagascar © Cirad, E. Menguy

Riziculture dans le sud-ouest de Madagascar © Cirad, E. Menguy

Entre les partisans de l’agriculture paysanne et ceux de la production industrielle, le débat est parfois féroce. Pour aller au-delà des partis pris idéologiques, le Cirad, la FAO et le FIDA ont créé en 2011 l’Observatoire des agricultures du monde (OAM) ou World Agriculture Watch (WAW). Le 15 octobre, WAW présente ses lignes directrices opérationnelles lors du forum de l’agriculture familiale coorganisé par la FAO et le Fida. L’occasion de revenir sur cet observatoire si nécessaire.

Investissements agricoles, sortir du « One size fit all »

« On ne peut pas continuer à avoir des politiques agricoles standardisées et indifférenciés, assure Pierre-Marie Bosc, économiste et agronome au Cirad à l’origine de l’observatoire et dont il a été coordinateur entre 2017 et 2021. D’autant plus au regard des défis mondiaux qui se posent à nous. » L’insécurité alimentaire qui stagne et les multiples menaces liées au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité imposent une transformation de la plupart de nos modèles agricoles. L’agriculture réclame des investissements pertinents et adaptés selon les différents types d’exploitations agricoles et notamment les formes familiales dans toute leur diversité.

Mettre en lumière la diversité des exploitations agricoles

Au travers d’un cadre méthodologique partagé, WAW permet d’identifier et de caractériser cette diversité d’exploitations agricoles par la production de typologies. Une pluralité dont doivent tenir compte les opérations d’accompagnement, qu’elles émanent de l’action publique, d’opérateurs de développement ou d’organisation de producteurs.

« WAW propose de décrire et de qualifier la diversité des exploitations agricoles, à partir de paramètres de structure, de fonctionnement et de performance tels que les divers capitaux qu’elles gèrent, et de l’environnement organisationnel, institutionnel et politique qui influe sur le développement de ces capitaux, explique Marie-Christine Monnier, coordinatrice de l’observatoire. La “ferme”, au niveau de laquelle sont rassemblées les données nécessaires à l’analyse, s’entend comme le couple “système de production/famille”, quelles que soient la taille, la nature et la combinaison des productions. Nous observons ainsi la manière dont les structures de production sont reliées aux marchés et dans quelle mesure les produits sont transformés au niveau des exploitations. Mais l’originalité de WAW est de prendre aussi en considération les activités non marchandes, comme la cueillette et les éventuelles ressources, extérieures à la ferme, issues du travail de membres de la famille, éléments contributifs de la sécurité alimentaire. »

… pour mieux les soutenir

Plus largement, les lignes directrices de WAW aident à construire des systèmes d’information adaptés aux enjeux collectifs de construction de systèmes alimentaires durables et résilients. Elles répondent également aux besoins des partenaires avec lesquels la démarche est engagée de façon collaborative, dont les organisations de producteurs pour soutenir leurs plaidoyers, en particulier en faveur de l’agriculture familiale. Réunissant des données sur l’exploitation et le ménage, ces lignes directrices peuvent être appliquées à différentes échelles : au niveau d’un territoire local, au niveau d’une filière dans un pays donné ou encore au niveau d’une région du monde.

Un observatoire des agricultures dans l’océan Indien

C’est le cas pour l’Observatoire des agricultures de l’océan Indien (OA-OI). Il accompagne la transformation des systèmes de production agricole dans leur diversité au niveau des cinq pays membres de la Commission de l’océan Indien (COI). « Cet observatoire est un véritable outil d’aide à la prise de décision pour imaginer des investissements inclusifs, les dimensionner et les orienter en toute connaissance, » explique Isabelle Mialet-Serra adjointe au directeur régional du Cirad à La Réunion – Mayotte et en océan Indien et coordinatrice de la Plateforme régionale en recherche agronomique pour un développement agricole durable de l’océan indien (la PRéRAD-OI). « L’ambition de l’OA-OI est de construire une connaissance partagée de la diversité des modèles de production agricole, de leurs fonctionnements, de leurs performances économique, sociale et environnementale sur un territoire insulaire donné du sud-ouest de l’océan Indien. Il permettra d’accompagner et de suivre dans le temps les évolutions attendues. »

Un outil d’aide à la décision à essaimer

« Par exemple à Madagascar, nous travaillons avec Réseau SOA, une organisation nationale et fédérative de producteurs, qui soutient notamment l’installation des jeunes agriculteurs et agricultrices, explique Isabelle Mialet-Serra. Ils manquent d’informations sur leurs membres et leurs activités pour établir des actions spécifiques de conseils à mener auprès de chacun. L’OA-OI en partenariat étroit avec Réseau SOA et Afdi Madagascar a ainsi réalisé une enquête auprès de 300 exploitants membres du Réseau. Cinq grands types d’exploitations agricoles ont été ainsi caractérisés, chacun nécessitant un accompagnement différencié. Sur la base de ces connaissances, Réseau SOA va pouvoir ainsi mener des actions de conseils plus efficientes et adaptées à chaque type d’exploitation. »

Un travail de faisabilité d’un observatoire des agricultures sur l’île Maurice est en cours dans le cadre de l’OA-OI, apportant un regard très complet sur la diversité des agricultures sur ce territoire insulaire, leurs besoins… Pour Pierre-Marie Bosc, « il faut continuer d’essaimer la mise en œuvre de la méthodologie de l’observatoire sur le terrain à d’autres régions du monde, mais aussi au niveau national par des interventions sectorielles et agroécologiques. Ces dernières bénéficient à la fois aux producteurs familiaux et à leurs organisations ainsi qu’aux gouvernements qui trouveront là un outil pour appuyer la formulation de politiques agricoles prenant en compte la diversité des exploitations familiales. »

Les lignes directrices opérationnelles de l’Observatoire des agricultures du monde (couverture)

 

 

Télécharger les lignes directrices opérationnelles de l’OAM (en anglais)
Versions française et arabe disponibles très prochainement.