Amazonie : un rapport de référence détaille des mesures concrètes pour lutter contre la déforestation

Plaidoyer 7 décembre 2021
Avec 1000 pages et 200 auteurs et autrices du Science Panel for the Amazon, le récent rapport The Amazon We Want fait figure de référence sur la déforestation en Amazonie. La 3e partie, dont le Cirad est contributeur, est spécialement destiné aux décisionnaires locaux et internationaux. Elle dresse un arsenal de mesures pour enrayer la destruction de la plus vaste forêt tropicale du monde tout en assurant la subsistance des populations locales.
Canopée de forêt amazonienne © L. Blanc, Cirad
Canopée de forêt amazonienne © L. Blanc, Cirad

Canopée de forêt amazonienne © L. Blanc, Cirad

Il y a tout juste un mois, à la COP26, le Brésil s’engageait à stopper la déforestation d’ici 2030 pour réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre. Cette annonce qui se heurte aux tendances actuelles. La surface déforestée entre juillet 2020 et août 2021 est la plus importante enregistrée en une seule année depuis quinze ans, selon l’Institut national de recherche spatiale (INPE).

L’analyse la plus exhaustive sur l’Amazonie

En réaction, le Science Panel for the Amazon (voir encadré) vient de produire une analyse détaillée sur les causes, les conséquences et les solutions à la destruction de la forêt amazonienne. Avec son millier de pages, ce rapport d’évaluation (Amazon Assessment Report 2021 - The Amazon We Want) se veut à la fois le plus complet et le plus approfondi jamais publié sur le sujet. Il a été réalisé sous l’égide du Sustainable Development Solution Network des Nations unies et publié le 12 novembre dernier, en marge de la COP 26.

Richesses, menaces et plans de sauvegarde

La première partie de cette enquête dresse un inventaire détaillé de la biodiversité du bassin amazonien et de ses richesses naturelles et socioculturelles. La deuxième partie traite des impacts de la déforestation et du réchauffement climatique sur l’Amazonie. La troisième et dernière partie propose un inventaire de mesures concrètes destinées à limiter au plus vite la déforestation et la dégradation de cet écosystème unique. Trois scientifiques du Cirad ont contribué à ce dernier volet dont Plinio Sist, écologue spécialiste des forêts tropicales, auteur principal de trois chapitres, ainsi que Camille Piponiot, chercheuse en écologie forestière et Patrick Caron, géographe.

Des territoires en voie de « savanisation »

À l’échelle de l’Amazonie, 17 % de la forêt ont déjà été convertis à d’autres utilisations des terres tandis qu’une proportion au moins similaire a été dégradée de manière significative. « Dans le sud-est, le taux de déforestation se rapproche même des 25 %, déplore Plinio Sist. Or, un tel niveau de déforestation correspond à un point de bascule au-delà duquel l’Amazonie se transforme en savane ». Il en découle un bouleversement des précipitations, dont on voit déjà depuis quelques années les prémices. Les pluies sont à la fois moins abondantes, plus aléatoires et intenses.

Appel à un moratoire pour éviter l’enchaînement des catastrophes

Les conséquences au niveau du bassin amazonien seraient alors nombreuses : perte de biodiversité, intensification de l’érosion des sols, périodes de sécheresse plus longues, feux de forêt à répétition, rendements agricoles en berne, etc. « Pour éviter ces catastrophes en chaîne, le panel d’experts appelle à décréter dès à présent un moratoire sur la déforestation dans les régions de l’Amazonie proches du point de bascule et d’atteindre l’objectif de zéro déforestation d’ici 2030 dans les autres régions amazoniennes moins affectées », résume Plinio Sist.

Les pouvoirs publics peuvent freiner la déforestation

« Les mesures de lutte contre la déforestation peuvent être efficaces si la volonté politique est au rendez-vous. Ça a été le cas entre 2004 et 2012 où la déforestation a reculé de façon spectaculaire au Brésil » rappelle le chercheur. Parmi les premières mesures à mettre en place pour freiner rapidement la destruction de l’Amazonie, Plinio Sist insiste sur la nécessité de renforcer les moyens d’action des agences comme l’Ibama chargées de lutter contre la déforestation.

Plus généralement, les scientifiques du panel plaident pour un investissement massif et simultané dans l’éducation, la science, la technologie et l’innovation. Si la stricte application de la loi, en pénalisant financièrement tous ceux qui coupent des arbres dans les réserves autochtones et les aires protégées, se révèle tout aussi indispensable, des alternatives doivent être proposées en parallèle de ces sanctions aux centaines de milliers de petits agriculteurs qui ne disposent pas d’autre solution que de défricher la forêt pour subvenir à leurs besoins.

Des pistes pour la conservation et la restauration forestière

Dans ce domaine, l’un des principaux leviers d’action mis en avant par le rapport concerne la restauration des millions d’hectares de terres agricoles gagnées sur la forêt mais désormais trop dégradées pour être cultivées. « Pour réduire la pression sur les zones forestières encore intactes, qui constituent encore 83 % de l’Amazonie, tout en ouvrant de nouvelles perspectives économiques aux habitants du bassin amazonien, il est primordial de réhabiliter ces terres en y favorisant l’agroforesterie, en y reconstituant des pâturages, et en entamant dès à présent une véritable transition forestière dans les zones les plus dégradées », détaille Plinio Sist.

Les initiatives récentes de promotion de la restauration forestière du Bonn Challenge, et la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030) sont autant d’opportunités pour entamer au plus vite cette transition agricole et forestière.

La déforestation est aussi importée

« La stratégie de lutte contre la déforestation importée que l’Europe a récemment initiée peut jouer un rôle important en incitant les pays importateurs à collaborer avec les pays amazoniens au développement d’alternatives de production durables, non issues de la déforestation, assure l’écologue. Notre capacité à lutter efficacement contre la déforestation passera par la traçabilité systématique des ressources provenant du bassin amazonien ». Sans nul doute complexe à mettre en place, un tel processus nécessite d’instaurer au préalable un dialogue constructif entre pays exportateurs et importateurs.

Le Science Panel for the Amazon réunit plus de 200 scientifiques, pour la plupart originaires des neuf pays abritant une partie de la forêt amazonienne (Brésil, Équateur, Venezuela, Suriname, Pérou, Colombie, Bolivie, Guyana, Guyane française). Il défend la vision d’une Amazonie vivante favorisant les initiatives de conservation et de restauration qui respectent et reconnaissent les cycles naturels et les droits de l’homme, en particulier ceux des peuples autochtones et des communautés locales.