Forêt amazonienne : l’exploitation sélective ne suffira pas à maintenir un approvisionnement durable en bois

Résultats & impact 17 juin 2019
En forêt amazonienne, l’exploitation sélective ne permettra pas de fournir suffisamment de bois pour satisfaire la demande régionale sur le long terme. C’est le principal résultat de la nouvelle étude menée par l’Observatoire des forêts tropicales aménagées (TmFO), publiée le 13 juin dans la revue Environmental Research Letters.
Pour préserver durablement les forêts naturelles d'Amazonie, il faut investir dans de nouvelles formes de production de bois, comme les plantations © P. Sist, Cirad
Pour préserver durablement les forêts naturelles d'Amazonie, il faut investir dans de nouvelles formes de production de bois, comme les plantations © P. Sist, Cirad

Pour préserver durablement les forêts naturelles d'Amazonie, il faut investir dans de nouvelles formes de production de bois, comme les plantations © P. Sist, Cirad

Environ 20 % de l’ensemble des forêts du bassin amazonien est utilisé pour produire du bois. L’exploitation sélective ne concerne habituellement que quelques arbres par hectare, la forêt se régénérant ensuite naturellement jusqu’à la prochaine exploitation. « L’exploitation sélective crée de l’emploi et génère des revenus, tout en préservant l’essentiel de la biodiversité et des réserves de carbone de cette forêt, commente Camille Piponiot, chercheuse au Cirad, première auteure de l’étude. « Mais avec 30 millions de mètres cubes de bois extraits chaque année des forêts naturelles, les décisions prises à propos de la gestion des 108 millions d'hectares de forêts naturelles dédiées à la production sont cruciales. »

Neuf pays impliqués dans la gestion de la forêt amazonienne

La gestion concertée des ressources de la forêt amazonienne est une tâche particulièrement difficile, car elle concerne neuf pays (Brésil, Equateur, Venezuela, Suriname, Pérou, Colombie, Bolivie, Guyana, Guyane française). « De nombreux pays de l’Amazonie ont adopté des lois limitant l’intensité d’exploitation et imposant un délai minimum entre deux coupes, afin d’éviter l’épuisement des réserves de bois, explique Bruno Hérault, expert des forêts tropicales au Cirad. Mais ces législations nationales ne suffisent pas. En général, ces pays font l’hypothèse qu’une période de 20 à 35 ans est suffisante pour que la forêt retrouve ses stocks de bois exploitable. Or, il est maintenant prouvé que, sans une limite forte sur les intensités d’exploitation, les pratiques actuelles ne sont pas durables. »

Cinq scénarios d’exploitation de la forêt

L’équipe de recherche a eu recours à la modélisation informatique pour examiner cinq scénarios différents d’intensité d’exploitation et de durée des cycles de coupe : une exploitation d’intensité moyenne avec un cycle de coupe de 30 ans, une exploitation de faible intensité avec un cycle de coupe de 30 ans, une exploitation intensive avec un cycle de coupe de 30 ans, une exploitation d’intensité moyenne avec un cycle court de 15 ans, une exploitation d’intensité moyenne avec un cycle long de 65 ans. Selon Camille Piponiot : « Les résultats montrent qu’avec les cycles de coupe et d’exploitation actuels, la capacité de régénération de la forêt n’est pas suffisante pour reconstituer les stocks de bois d’œuvre exploités. Or, les scénarios les moins intenses (faible intensité d’exploitation et longs cycles de coupe) ne permettent pas de produire suffisamment de bois tandis que les plus intenses ne sont pas envisageables car ils ne permettent pas de reconstituer le volume de bois suffisant durant un cycle de coupe. »

En considérant le changement climatique, la situation est encore pire : « En Amazonie, le changement climatique rendra probablement la région plus sèche et plus chaude, ce qui devrait provoquer de plus en plus de sécheresses et d’incendies, précise Bruno Hérault. Cela entraînera une surmortalité des arbres, notamment pour les espèces de grande taille - les plus intéressantes pour l’exploitation – qui sont plus sensibles à la sécheresse. Les réserves de bois sont donc amenées à diminuer dans les forêts amazoniennes de production, même si les exploitants respectent les normes en vigueur. »

Investir dans de nouvelles formes de production de bois

« Ces résultats insistent sur la nécessité de réévaluer les stratégies d’exploitation du bois en Amazonie , ajoute Plinio Sist, à la tête de l’Observatoire des forêts tropicales aménagées. Nous traversons actuellement une période de transition : des décisions importantes doivent être prises en matière de politique forestière afin de diversifier les ressources utilisées et investir dans de nouvelles formes de production de bois, comme les plantations, de manière à préserver durablement les forêts naturelles restantes ».