IRRINN : diffuser les techniques d’une petite irrigation personnalisée au Burkina Faso

Science en action 1 mars 2021
Le développement de l’irrigation est un des leviers de la lutte contre l’insécurité alimentaire et économique au Sahel. C’est pourquoi vient d’être lancé au Burkina Faso le projet Intensification de la production agricole par la mise à l'échelle de pratiques et technologies d'irrigation innovantes et adaptées (IRRINN). Son objectif : permettre à un plus grand nombre de producteurs de bénéficier d’une « petite irrigation » personnalisée. Coordonné par le Cirad, IRRINN est financé à hauteur de 2,4 millions d’euros par l’Union européenne dans le cadre du programme DeSIRA.
Irrigation manuelle de parcelles maraichères périurbaines, Burkina Faso © Cirad, A.Rival
Irrigation manuelle de parcelles maraichères périurbaines, Burkina Faso © Cirad, A.Rival

Irrigation manuelle de parcelles maraichères périurbaines, Burkina Faso © Cirad, A.Rival

Le projet Intensification de la production agricole par la mise à l'échelle de pratiques et technologies d'irrigation innovantes et adaptées (IRRINN) vient de débuter au Burkina Faso. Coordonné par le Cirad, il cible la petite irrigation. « Nous allons travailler sur l’irrigation de complément avec les petits bassins de collecte des eaux de ruissellement (BCER) et la petite irrigation privée (PIP), précise Bruno Barbier, économiste au Cirad. Au terme des quatre années que durera le projet, nous souhaitons proposer des guides qui expliquent comment l’État et les ONG peuvent s’organiser pour co-construire avec les producteurs, des innovations pour la petite irrigation ».

  • 98 % des surfaces agricoles burkinabées sont cultivées sans irrigation

Une petite irrigation pas assez développée

Petit dispositif de pompage monté sur le moteur d'une moto, Burkina Faso © B. Barbier, Cirad

Petit dispositif de pompage monté sur le moteur d'une moto, Burkina Faso © B. Barbier, Cirad

Le projet s’appuie sur plusieurs constats. « Les cultures pluviales représentent 98 % des surfaces agricoles burkinabées, d’où l’intérêt des bassins qui permettent à chaque producteur de disposer sur sa parcelle d’une petite réserve d’eau d’environ 300 m3 qui lui permet d’irriguer durant les poches de sécheresse », explique Bruno Barbier. Ainsi, depuis 2012, avec le soutien de l’État et d’ONG, un millier de bassins a été creusé, mais avec plus ou moins de réussite car le déploiement après la phase de recherche et développement s’est heurté à des freins techniques. « La petite irrigation privée est quant à elle en plein essor autour des 1 500 barrages que compte le Burkina Faso, complète l’économiste. Cependant, certains puits se dégradent et la majorité des agriculteurs puisent l’eau et arrosent à la main ». Il s’agit donc pour le projet IRRINN d’améliorer l’existant et de pérenniser le développement de la petite irrigation.

Innover pour gagner en efficience

Ainsi plusieurs approches vont être évaluées sur sept sites situés à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou pour des questions de sécurité. « Au niveau technique, nous allons travailler sur l’imperméabilisation des bassins, la conception de nouveaux puits, la comparaison de diverses pompes — à pédales, à essence, solaires, etc. —, le type de cultures adaptées aux bassins, le bilan hydrique, expose Bruno Barbier. L’accent va être mis également sur les financements avec l’identification de démarches et d’outils innovants qui pourraient s’appuyer sur les nouvelles technologies d’information et de communication (TIC). Par exemple, il pourrait être envisagé d’utiliser le téléphone portable pour rembourser les échéances d’un prêt à distance. Enfin, nous allons tester des méthodes d’interventions innovantes et participatives, c’est-à-dire dans lesquelles le producteur est co-constructeur ». La démarche est donc pluridisciplinaire et inclut agronomes, hydrologues, ingénieurs du génie rural, économistes et sociologues. Et au côté des producteurs, durant quatre ans, tous les partenaires politiques, économiques et sociaux impliqués dans le projet seront réunis au sein de plateformes multi-acteurs.

Vers une généralisation de la petite irrigation de qualité

À terme, ces plateformes doivent donner naissance à un réseau de Services de soutien à l’innovation (SSI). « Ceux-ci rassembleront les fournisseurs de matériel, les services de vulgarisation de l’état, les services financiers — ONG, Crédit agricole —, des chercheurs et l’APESI (Action pour la Promotion de l’Entreprenariat et des Systèmes d’Irrigation) en tant que facilitateur de l’innovation », décrit Bruno Barbier. L’enjeu est d’arriver à passer d’un projet de recherche à la généralisation de solutions d’irrigation « personnalisées » qui répondent aux besoins propres à chaque producteur et aux contraintes qu’il rencontre. L’objectif final étant d’augmenter la productivité et les revenus agricoles afin de réduire l’insécurité alimentaire et la pauvreté des Burkinabés fortement soumis au risque climatique.

Partenaires du projet IRRINN

  • Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (Burkina Faso)
  • Institut International de l’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (Burkina Faso)
  • Agencia Estatal Consejo Superior de Investigaciones Científicas (Espagne)
  • Leibniz-Centre for Agricultural Landscape Research (Allemagne)
  • Stichting Practica (Practica Foundation) (Pays-Bas)
  • Action pour la Promotion de l’Entreprenariat et des Systèmes d’Irrigation (Burkina Faso)
L’initiative DeSIRA

L'initiative DeSIRA (Development Smart Innovation through Research in Agriculture) a été lancée lors du One Planet Summit de Paris en décembre 2017. Elle est portée par la Direction Coopération internationale et Développement de la Commission européenne (DG Devco) de l’Union européenne et s’articule avec la Fondation Bill & Melinda Gates. Elle vise à booster l'innovation dans l'agriculture et la transformation des systèmes alimentaires des pays partenaires pour les rendre plus résilients aux effets du changement climatique. Elle cherche à renforcer les partenariats de recherche (Europe et Sud), à promouvoir une science en partenariat avec les acteurs de développement, à se préoccuper d’une recherche qui vise l’impact.