Déforestation : les politiques adoptées par les pays tropicaux sont décisives pour l’avenir

Regard d'expert 29 octobre 2021
Face à l’urgence climatique, Alain Karsenty, économiste au Cirad, propose de construire un agenda commun entre lutte contre la déforestation et sécurité alimentaire, et de rémunérer les pays en développement pour leurs efforts de mise en œuvre de politiques publiques cohérentes. Un plaidoyer développé dans une tribune publiée le 5 octobre 2021 dans le journal Le Monde.
Paysage forestier dans la zone de conservation transfrontalière du Kavango-Zambèze © Brent Stirton-Getty Images for FAO, CIFOR, CIRAD, WCS
Paysage forestier dans la zone de conservation transfrontalière du Kavango-Zambèze © Brent Stirton-Getty Images for FAO, CIFOR, CIRAD, WCS

Paysage forestier dans la zone de conservation transfrontalière du Kavango-Zambèze © Brent Stirton-Getty Images for FAO, CIFOR, CIRAD, WCS

Avec une moyenne de 10 millions d’hectares perdus chaque année, correspondant à 14 % des émissions de CO2 lié aux activités humaines, les pays tropicaux sont massivement touchés par la déforestation. Face à cette catastrophe annoncée, quelles actions sont encore possibles et par quels acteurs ?

Pour l’économiste Alain Karsenty, les politiques adoptées dans les pays tropicaux sont décisives pour l’avenir. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 5 octobre 2021, il plaide pour un agenda commun entre lutte contre la déforestation et sécurité alimentaire.

Les responsables politiques des pays concernés demandent fréquemment à la communauté internationale des rémunérations pour les services écosystémiques fournis par leurs forêts. Ces demandes sont à l’origine du mécanisme international REDD+ (pour Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation) sous l’égide de l’ONU. Les rémunérations prévues ne visent toutefois pas à « payer pour les services rendus par les écosystèmes », mais à rémunérer les pays pour des efforts de conservation des forêts par des politiques et des mesures débouchant sur des résultats. La qualité des politiques mises en œuvre prime donc, et devrait être évaluée en s’appuyant sur une expertise collective indépendante.

Selon Alain Karsenty, il ne faut pas non plus « se contenter de laisser les pays ‘faire le job’ pour les payer ensuite, mais investir massivement à leur côté afin de pouvoir maîtriser les causes directes et indirectes de la déforestation ». Il appelle ainsi à une plus grande cohérence des politiques environnementales et des politiques agricoles, lesquelles ont un fort impact sur les forêts. Il encourage de ce fait les pays à considérer comme prioritaires les voies de l’intensification écologique : agroécologie, association cultures–élevage, agroforesterie et à clarifier les droits fonciers.

L’économiste ne laisse pas de côté les pays industrialisés et les invite à :

  • revoir les accords commerciaux internationaux ;
  • moduler les tarifs douaniers (taxe à l’importation) en faveur de produits certifiés zéro déforestation ;
  • faire évoluer les modes de consommation en limitant la part de viande, en renforçant l’autonomie protéique (soja) et en abandonnant les biocarburants de première génération.