Carbone des sols : un panorama mondial des impacts des activités humaines

Résultats & impact 22 juin 2023
Une étude publiée le 22 juin dans Nature Communications synthétise 230 méta-analyses portant sur les effets de l’usage des terres, des pratiques agricoles et du changement climatique sur le carbone organique du sol. Sur la base de plus de 25 000 expérimentations, elle identifie des pratiques agricoles efficaces de gestion des terres pour restaurer le carbone des sols, telles que l’agroforesterie et l'utilisation d’amendements organiques. Les effets du changement climatique constituent une menace potentielle pour le maintien du carbone des sols à grande échelle.
Selon l'étude qui compile plus de 50 pratiques agricoles, l’apport de matières organiques exogènes et l’agroforesterie sont les plus vertueuses en matière de stockage de carbone dans les sols © R. Belmin, Cirad
Selon l'étude qui compile plus de 50 pratiques agricoles, l’apport de matières organiques exogènes et l’agroforesterie sont les plus vertueuses en matière de stockage de carbone dans les sols © R. Belmin, Cirad

Selon l'étude qui compile plus de 50 pratiques agricoles, l’apport de matières organiques exogènes et l’agroforesterie sont les plus vertueuses en matière de stockage de carbone dans les sols © R. Belmin, Cirad

Quels sont les effets des activités humaines sur les stocks de carbone (C) des sols ? Huit scientifiques du Cirad proposent pour la première fois un panorama mondial et quantifié en réponse à cette question. « Nous avons réalisé une méta-analyse de second ordre, qui synthétise les méta-analyses existantes », explique Damien Beillouin, premier auteur de l’étude, « afin de compiler les dernières avancées scientifiques dans ce domaine ». 

2400 milliards de tonnes de carbone stockés dans les deux premiers mètres des sols mondiaux

L’équipe publie dans Nature Communications la synthèse chiffrée de plus de 230 méta-analyses, pour un total de plus de 25 000 articles de recherche. Ce travail colossal couvre un très large panel (plus de 220) d’interventions humaines modifiant les stocks de carbone organique des sols. Il est indispensable de les préserver pour limiter le réchauffement climatique : les sols ont déjà perdu 116 milliards de tonnes de carbone, largués dans l’atmosphère en raison de l’usage des terres. 

Apport de matière organique et agroforesterie : des bonnes pratiques pour stocker le carbone

Premier enseignement : parmi plus de 50 pratiques agricoles compilées, l’apport de matières organiques exogènes et l’agroforesterie sont les plus vertueuses. L’apport de biochar augmente les stocks de carbone des sols de 66 %, et le gain s’élève à 20 % pour l’agroforesterie et les cultures pérennes. « Si le contexte local est primordial pour évaluer l'effet et la faisabilité des options de stockage de carbone dans le sol, cette étude montre qu'il y a des options prometteuses, pointe Julien Demenois, co-auteur de l’étude et chargé de mission du Cirad pour l’initiative 4 pour 1000. Ce sont des éléments précieux pour les agriculteurs, les forestiers, les ONG et les entreprises impliqués dans l'Initiative 4 pour 1000. »

Autre constat : ces pratiques limitent les pertes liées au changement d’usage des sols. La conversion d’une forêt en terre agricole entraîne une chute moyenne de 32 % du carbone organique des sols si des cultures annuelles y sont implantées. Mais si ces terres sont cultivées en agroforesterie ou avec des cultures pérennes, les pertes liées à la conversion de sols sont plus modérées : -12 % et -6,7 %, respectivement. Les mêmes effets tampon sont observés lors de la conversion d’une prairie en terre agricole. « Il existe en revanche beaucoup moins d’études sur d’autres pratiques qui pourraient également être intéressantes », pointe Damien Beillouin. Julien Demenois ajoute : « Notre étude pointe les déficits de connaissances, cela pourrait orienter les efforts et moyens de recherche des membres de l’initiative 4 pour 1000. »

Préserver les stocks naturels

Les résultats diffèrent pour les forêts et zones humides, qui ont des stocks élevés de carbone par hectare. La plupart des activités humaines entraîne des baisses de carbone des sols. « Notre méta-analyse confirme l’importance de la préservation des stocks naturels de carbone, notamment forestiers, des zones humides et des prairies permanentes », synthétise Damien Beillouin. 

Dernier enseignement majeur : les effets du changement climatique sur les stocks de carbone des sols. « Les effets directs du changement climatique (par exemple augmentation des températures, modification de la pluviométrie) entraînent des pertes de carbone du sol par hectare 7 à 10 fois plus faibles que le changement d’usage des terres, mais ils se font ressentir sur l’ensemble des terres émergées », renseigne Damien Beillouin. En revanche, les effets indirects du changement climatique – comme les feux de forêt – entraînent de très fortes baisses du carbone par hectare. 

« Ces résultats sont précieux pour la communauté scientifique, et nous travaillons à les rendre plus accessibles grâce à une plateforme interactive mise à jour en temps réel grâce à l’intelligence artificielle dans le projet européen ORCaSa », conclut Damien Beillouin. Julien Demenois complète : « À terme, cet outil contribuera à la stratégie de recherche et d'innovation du consortium international de recherche sur le carbone du sol mis en place dans le cadre du projet ORCaSa. »

Référence 

Beillouin, D., Corbeels, M., Demenois, J., Berre, J., Boyer, A., Fallot, A., Feder, F., Cardinael, R., 2023. A Global Meta-analysis of Soil Organic Carbon in the Anthropocene. Nature Communications.

Autre référence 

Beillouin, D., Cardinael, R., Berre, D., Boyer, A., Corbeels, M., Fallot, A., Feder, F. and Demenois, J., 2022. A global overview of studies about land management, land‐use change, and climate change effects on soil organic carbon. Global Change Biology, 28(4), pp.1690-1702.