4 pour 1000 : état des lieux du carbone du sol en outre-mer

Science en action 30 août 2022
A quelques mois de son terme, l’étude « 4 pour 1000 outre-mer » livre déjà ses premiers résultats. Les sols ultramarins stockent globalement 2 à 3 fois plus de carbone par hectare que ceux de métropole, mais beaucoup de données manquent encore. Combler ses lacunes permettra notamment aux agricultrices et agriculteurs d’outremer de certifier leur exploitation avec le label français Bas-Carbone.
Échantillons de sols récoltés dans le cadre du dispositif CARPAGG (Carbone des Pâturages de Guyane et gaz à effet de serre) © V. Blanfort, Cirad
Échantillons de sols récoltés dans le cadre du dispositif CARPAGG (Carbone des Pâturages de Guyane et gaz à effet de serre) © V. Blanfort, Cirad

Échantillons de sols récoltés dans le cadre du dispositif CARPAGG (Carbone des Pâturages de Guyane et gaz à effet de serre) © V. Blanfort, Cirad

Les sols peuvent devenir un formidable réservoir de carbone et ainsi nous aider à atténuer le réchauffement climatique. Cette solution low-tech est au cœur de l’initiative 4 pour 1000, lancée par la France lors de la COP21 en 2015. En 2019, des travaux faisaient le point sur le potentiel de stockage additionnel de nos sols métropolitains. Pour la compléter, une étude équivalente pour l’outre-mer, et coordonnée par le Cirad, a démarré fin 2020 dans sept territoires : Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Des données biophysiques aux pratiques agricoles

« L’objectif est de dresser un état des lieux des connaissances sur le carbone du sol dans l’outre-mer français », explique Julien Demenois, coordinateur de l’étude et chargé de mission « 4 pour 1000 » au Cirad. Mais il s’agit aussi d’identifier ce qu’on ne sait pas. Ces lacunes seront importantes à combler, notamment pour élaborer des politiques publiques préservant les stocks de carbone dans les sols ou encore, transposer dans les territoires ultramarins, les méthodes développées dans le cadre du label Bas-Carbone ».

L’étude explore actuellement le niveau de mise en œuvre des pratiques identifiées comme favorables au stockage de carbone dans les sols : apport de matière organique, substitution de fertilisation minérale par une fertilisation organique, reforestation des sites miniers, insertion de prairies temporaires en maraîchage, cultures en agroforesterie. Ainsi que les leviers et contraintes qui favorisent ces pratiques.

Des sols ultramarins riches en carbone organique…

© V. Blanfort, Cirad

© V. Blanfort, Cirad

Les sols des territoires d’outre-mer sont tropicaux, avec majoritairement des sols volcaniques comme à La Réunion, en Guadeloupe ou en Martinique, ou des sols riches en oxydes comme en Guyane. De par leurs propriétés minéralogiques, ces sols particuliers piègent beaucoup de matière organique. Ils stockent ainsi une grosse quantité de carbone. « Probablement 2 à 3 fois plus par hectare que les sols de métropole, évalue Julien Demenois. La Guyane stocke près de 15 % du carbone des sols français et 50 % du carbone des forêts françaises, alors que la superficie du territoire représente un peu plus de 10 % de la superficie de la France et 30 % de sa couverture forestière ».

… mais une tendance à la baisse

Cependant, les tendances d’occupations des territoires et de diversification des cultures indiquent une tendance à la baisse des stocks de carbone dans les sols ultramarins. L’enjeu de ces territoires ultramarins est donc au maintien de ces stocks élevés davantage qu’à leur augmentation, comme c’est le cas en métropole.

Des inconnues à découvrir

Dans un rapport intermédiaire, l’étude souligne un manque de connaissance important sur environ 4 500 km2 et 3 des 7 territoires de l’étude (Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin).
Ce sont principalement les forêts qui sont vierges de données. Julien Demenois s’étonne qu’« il n’existe encore aucune étude sur l’impact de l’exploitation de bois d’œuvre en Guyane sur le carbone du sol. Ou encore qu’à la Réunion, il n’y a jamais eu de calculs sur les stocks de carbone dans les écosystèmes forestiers ».

Le chercheur déplore également le manque d’étude sur les systèmes agroforestiers. « C’est d’autant plus dommage que ce sont des systèmes utilisés en outre-mer : les jardins créoles des Antilles ou les systèmes d’abattis-brulis en Guyane ».

Mutualisation bénéfique entre territoires ultramarins

Un des objectifs de cette étude est de favoriser le partage de connaissances, de méthodologie et d’outils de calculs entre territoires ultramarins. « Nous avons constaté qu’un outil de modélisation de la dynamique du carbone dans les sols, développé par INRAE pour la métropole, pourrait tout à fait être utilisé en Guadeloupe avec seulement quelques ajustements ».

Élargir le cadre du label Bas-Carbone à l’outre-mer

L’étude s’interroge sur la transposition des méthodes développées dans le cadre du Label Bas-Carbone (voir encadré) à l’outre-mer. L’équipe a commencé à lister les points de blocage. Par exemple, l’outil de modélisation à utiliser pour bénéficier du label Bas-Carbone en évaluant les stocks de carbone des sols métropolitains en grandes cultures ne fonctionne pas du tout dans les sols ultramarins. Les raisons principales : des plantes cultivées et des contextes pédologique et climatique très différents.

Label Bas-Carbone, une certification climatique actuellement réservée à la métropole
Le label Bas-Carbone est le premier outil de certification climatique adopté par la France. Il est attribué aux projets ou aux exploitations agricoles qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre par rapport à une situation de référence. Le calcul se base sur une méthode et un référentiel approuvé par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Or, aujourd’hui, les territoires d’outre-mer ne disposent pas de données suffisantes pour participer à cette dynamique.