Pour ou contre un GIEC dédié à « Une seule santé » ?

Regard d'expert 27 septembre 2023
Une publication coordonnée par le Cirad et l’Institut de médecine tropicale, avec la participation de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), dans le Lancet Global Health, revue médicale de premier plan, appelle à renforcer la gouvernance mondiale de la santé en poursuivant l’institutionnalisation de la démarche « One Health ». Objectif visé : améliorer la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies.
L'approche "Une seule santé" permet de penser la santé humaine en lien avec la santé animale et l’environnement. © S. Taugourdeau, Cirad
L'approche "Une seule santé" permet de penser la santé humaine en lien avec la santé animale et l’environnement. © S. Taugourdeau, Cirad

L'approche "Une seule santé" permet de penser la santé humaine en lien avec la santé animale et l’environnement. © S. Taugourdeau, Cirad

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nécessité d'une meilleure gouvernance mondiale en matière de prévention, la préparation et la réponse aux pandémies (PPR). L’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) ont ainsi signé en 2022 un plan d’action conjoint pour mieux institutionnaliser et opérationnaliser l’approche « One Health ».

La crise a également souligné l'importance de coordonner la production des connaissances à l’échelle globale et d’améliorer l’accès à celle-ci entre les différents pays et populations. Dans un article publié dans le Lancet Global Health, une équipe de chercheurs évalue les avantages et les inconvénients de la création d'un Panel intergouvernemental pour une approche « Une seule santé » (IPOH). Cette approche permet de penser la santé humaine en lien avec la santé animale et l’environnement.

Similaire au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), l'IPOH faciliterait l'adoption des connaissances dans l'élaboration des politiques grâce à une approche multisectorielle « One Health », soutenant ainsi la lutte contre l'émergence et la réémergence des maladies infectieuses à l'interface entre l'humain, les animaux et l'environnement.

« Une telle structure regrouperait un réseau mondial de scientifiques, qui produirait des synthèses des connaissances et évaluerait les pistes d’action. Cela représenterait un changement d’échelle pour le panel d’experts OHHLEP créé à la demande de l’OMS, de l’OMSA, de la FAO, du PNUE en mai 2021, qui est une structure légère de 26 experts », explique Alexandre Hobeika, chercheur en sciences politiques au Cirad, co-premier auteur de la publication. 

Selon les auteurs, la création d’un tel panel élargi et de plus grande envergure aurait l’avantage de garder à l’agenda politique la préparation aux pandémies, d’améliorer la qualité du débat scientifique, et de mieux représenter les intérêts des pays les plus vulnérables et des populations marginalisées. Néanmoins, elle risquerait de complexifier le système et de ne pas avoir assez d’impacts concrets. Toutefois, « son coût serait limité et son efficacité dépendrait principalement de la prise en compte politique de ses recommandations ».

Les chercheurs recommandent de prendre en compte ces avantages et inconvénients lors de la conception de réformes institutionnelles pour un système de santé mondial plus efficace. Pour limiter les risques à l’avenir, les auteurs insistent sur la nécessité de renforcer la prévention, la résilience des systèmes socio-économiques, et l’équité entre populations.

L’institutionnalisation de la démarche « One Health » en marche en Afrique
La démarche One Health (OI) fait l’objet d’une forte dynamique d’adoption dans de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne. Des structures de coordination entre ministères, des plans d’action concrets, et des cursus de formation sont validés et progressivement mis en œuvre. L’Afrique de l’Ouest a adopté une démarche régionale, plusieurs pays d’Afrique de l’Est comme l’Éthiopie ou le Kenya sont engagés dans cette dynamique depuis dix ans, et l’Afrique centrale et australe leur emboîte le pas. « Le défi est désormais de mieux intégrer la santé de l’environnement dans l’approche OH. Les pays capitalisent leurs expériences et partagent leurs avancées avec l’appui de l’expertise de leurs universités nationales pour faciliter la démarche nationale One Health. Celles-ci forment de plus en plus les cadres de la santé à la démarche », rapporte Alexandre Caron, écologue de la santé, coordinateur du projet COHESA pour le Cirad.

Référence

Hobeika Alexandre, Stauffer Maxime Henri Tibault, Dub Timothee, Van Bortel Wim, Beniston Martin, Bukachi Salome, Burci Gian Luca, Crump Lisa, Markotter Wanda, Sepe Ludovico Pasquale, Placella Enrichetta, Roche Benjamin, Thiongane Oumy, Wang Zhanyun, Guérin Frédérique, Van Kleef Esther. 2023. The values and risks of an intergovernmental panel for one health to strengthen pandemic prevention, preparedness, and response. Lancet. Global Health, 11 (8) : 1301-1307. https://doi.org/10.1016/S2214-109X(23)00246-2