Leçons de la covid-19 : le plan d’action vers des approches One Health enfin détaillé

Résultats & impact 26 octobre 2022
L’efficacité des futures actions et politiques de santé dépendra de la bonne prise en compte des interconnexions entre santés humaine, animale et des écosystèmes. C’est le constat sans appel des membres du Conseil scientifique covid-19, qui publient dans The Lancet une feuille de route pour la mise en pratique de ces approches globales de la santé, appelées « One Health ».
Prélèvement de sang, salive et poils sur une chauve-souris (Hipposideros sp.) dans la grotte de Magweto au Zimbabwe © A. Jimu
Prélèvement de sang, salive et poils sur une chauve-souris (Hipposideros sp.) dans la grotte de Magweto au Zimbabwe © A. Jimu

Prélèvement de sang, salive et poils sur une chauve-souris (Hipposideros sp.) dans la grotte de Magweto au Zimbabwe © A. Jimu

Comme 75 % des maladies émergentes, la covid-19 est probablement une zoonose, une maladie qui se transmet des animaux aux humains. Pour faire face à ces risques sanitaires, les scientifiques développent depuis des années des approches globales de la santé, basées sur les interconnexions et les équilibres en santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes. 

Dans un article qui vient de paraître dans The Lancet, les membres du Conseil scientifique détaillent les actions à mettre en place pour faire de ces approches « One Health » une réalité à toutes les étapes d’une crise pandémique.

Ambition internationale et stratégies nationales sur le long-terme

« Plus qu'un simple concept, « One Health » est une stratégie utilisée depuis longtemps dans la recherche et la surveillance dans de nombreux projets sur les zoonoses », soulignent les auteurs. Une stratégie désormais consacrée par les Nations Unies via la création en mai 2021 d’un panel d’experts de haut niveau, le « One Health High Level Expert Panel » (OHHLEP). 

Malgré cette reconnaissance institutionnelle, les actions politiques et la pratique sont encore en retard, notamment à l’échelle nationale, estiment les scientifiques. Actuellement, les partages de données épidémiologiques reposent sur des programmes éphémères régionaux et largement concentrés au Nord. Loin d’être efficaces, ces programmes gagneraient à être remplacés par des projets et initiatives de recherche de long terme et intégrés dans des plans nationaux partout dans le monde. Au niveau national, l’enjeu est le véritable rapprochement et le renforcement des actions et projets collaboratifs entre les différentes instances (agences à l’échelle nationale et régionale, organismes de recherche, laboratoires de référence, hôpitaux…) traitant des questions de santé humaine, santé animale ou environnement. 

Ces stratégies ambitieuses nécessitent des investissements importants et des échanges efficaces entre le local, le national et l’international.

Des modes de vie résilients et adaptés : le rôle de l’agriculture

Au-delà de systèmes de surveillance à différentes échelles, les scientifiques recommandent également des actions de prévention des émergences épidémiques. Parmi celles-ci, le poids du secteur agricole est primordial en raison de ses liens étroits avec la santé des écosystèmes, la biodiversité ou encore l’alimentation animale et humaine.

Thierry Lefrançois, premier auteur de l’article, est spécialiste des réseaux et approches intégrées de la santé au Cirad et était membre du Conseil Scientifique français sur la covid-19 jusqu’à sa dissolution fin juillet 2022 avec la fin de l’état d’urgence. Pour ce vétérinaire de formation, les liens entre biodiversité, agriculture, alimentation et santé intègrent un autre élément de taille : le changement climatique. « Plusieurs études « One Health » ont démontré les connexions entre le changement climatique, les crises de la biodiversité et l’émergence de zoonoses, interpelle le chercheur. Au nom des risques sanitaires, nous n’avons pas d’autre choix que d’aborder de front les crises sanitaires, climatiques et de la biodiversité. Cela appelle notamment à un rapprochement entre les Conférences des parties, la COP climat et la COP biodiversité et entre ces COP et les organisations internationales travaillant sur le One Health (OMS, OMSA, FAO, PNUE) ».

Bruno Lina, dernier auteur de l’article, virologue responsable du CNR des virus des infections respiratoires aux Hospices Civils de Lyon et chercheur au Centre International de Recherche en Infectiologie de Lyon, insiste : « seule une approche intégrée et intersectorielle soutenue durablement par les décideurs publics permettra de lutter efficacement contre le risque sanitaire en mettant en place des mesures de prévention et de contrôle de l’émergence, et en structurant la réponse face aux crises ».

Transmission des zoonoses © The Lancet

Transmission des zoonoses © The Lancet

Le Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS) qui a succédé au Conseil Scientifique strictement dédié à la crise covid, adoptera résolument une approche « Une seule Santé » / « One Health » en considérant désormais l’ensemble des risques sanitaires liés aux agents infectieux atteignant l'humain et l'animal, aux polluants environnementaux et alimentaires, et au changement climatique. Son installation récente vient confirmer la volonté du gouvernement français de décloisonner la santé animale, la santé humaine et l’environnement. Trois des co-auteurs de cette publication (Thierry Lefrançois, Bruno Lina et Denis Malvy) font partie de ce comité présidé par Brigitte Autran.

*équipe Virpath (Université de Lyon, Inserm, U1111, UCBL, CNRS, UMR5308, ENS de Lyon)

Référence 

Thierry Lefrançois, Denis Malvy, Laetitia Atlani-Duault, Daniel Benamouzig, Pierre-Louis Druais, Yazdan Yazdanpanah, Jean-François Delfraissy, Bruno Lina. After two years of pandemic, translating One Health into action is urgent. The Lancet.