Résultats & impact 31 octobre 2024
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Intensification agroécologique en Afrique et climat : des résultats prometteurs au Zimbabwe
Les secteurs agricoles, forestiers et autres utilisations des terres (AFOLU) sont responsables de 81 % des émissions anthropiques de protoxyde d’azote (N2O) – un puissant gaz à effet de serre (GES) – pour la période 2007-2016. Le constat du GIEC est clair : ces émissions sont principalement le résultat de l’application de fertilisants azotés.
Certaines pratiques agricoles de conservation des sols permettent-elles de limiter les émissions de GES lors de la culture de maïs ? Pour répondre à cette question, une équipe internationale (Cirad, Université du Zimbabwe, ETH Zurich et CIMMYT) a évalué les émissions de GES sur deux sites expérimentaux de longue durée du CIMMYT au Zimbabwe. Un résultat inattendu se dégage : les émissions cumulées de N2O sont très faibles (entre 150 et 400 g de N2O par hectare par an), alors que la dose d’engrais appliquée (60 kg d’azote/ha/an) est trois fois supérieure à celle habituellement utilisée dans la région (qui utilise déjà presque 10 fois moins d’engrais azotés que l’Europe). Et ce, peu importe les pratiques agricoles employées.
Améliorer les rendements pour réduire l'usage des terres dédiées à l'agriculture
« Notre étude montre qu’il est possible d’augmenter les taux de fertilisation dans la région pour améliorer les rendements, sans hausse des émissions de protoxyde d’azote très néfastes pour le climat », atteste Armwell Shumba, doctorant à l’Université du Zimbabwe et au Cirad, premier auteur de l’étude.
« Les implications sont importantes, car en Afrique sub-saharienne, les rendements sont souvent plus limités par la faible disponibilité en nutriments du sol que par la pluviométrie, poursuit Rémi Cardinael, agro-pédologue au Cirad et coordinateur du projet DSCATT au Zimbabwe. Augmenter les rendements par hectare est crucial pour éviter que les écosystèmes naturels riches en carbone et biodiversité ne soient convertis en terres agricoles face aux besoins d’une démographie croissante. »
Outre les retombées potentielles pour les agriculteurs, cette étude montre aussi que les émissions de N2O liées à l’utilisation de fertilisants minéraux sont surestimées dans les inventaires nationaux de GES. « Si aucune donnée issue de mesures in situ n’est disponible, les émissions de GES sont estimées à partir de facteurs d’émission par défaut du GIEC, explique Rémi Cardinael. Or notre étude révèle que ces facteurs sont surestimés pour ce contexte africain ».
Augmenter l'apport d'azote en réduisant les risques de pertes dans l'environnement
Concernant l’objectif initial de l’étude d’évaluer les pratiques agricoles de conservation des sols, les résultats sont pour l'instant plus contrastés. « Nous constatons que les émissions de N2O dépendent fortement de l’interaction entre les pratiques agricoles, le type de sol (sableux ou argileux) et la pluviométrie de l’année », renseigne Rémi Cardinael. La première année d’expérimentation, les plus fortes émissions de N2O ont été observées dans les traitements avec du mulch sur le sol sableux et dans ceux ayant une rotation avec une légumineuse sur le sol argileux. En revanche, aucune différence n’a été observée l’année suivante, notamment à cause d’une pluviométrie très différente ayant entraîné une perte d’azote minéral par lixiviation plutôt que par émissions de N2O.
Les parcelles de maïs ont été fertilisées au moment le plus optimal, de façon fractionnée (trois apports) et au plus proche du système racinaire. « Les agriculteurs doivent toujours garder en tête les 4B (bonne forme, bonne période, bon emplacement et bonne quantité) pour maximiser l’efficacité de la fertilisation et minimiser les pertes dans l’environnement », insiste Armwell Shumba. Les agriculteurs locaux suivent en général cette approche.
Les travaux se poursuivent pour compléter le bilan climatique
« Ces résultats sont novateurs, car il existe très peu de travaux sur le sujet en Afrique », souligne Rémi Cardinael. Ce type d'étude demande en effet beaucoup de temps et d’investissement, car les émissions de GES doivent être suivies sur l’ensemble de l’année et plus fréquemment lors d’évènements comme l’application d’engrais ou une pluie intense.
L’équipe s’attache désormais à compléter le bilan climatique de ces différentes pratiques agricoles : le stockage de carbone dans les sols et les flux de CO2 (projet DSCATT) et les effets biogéophysiques comme le changement d’albédo (projet RAIZ) sont actuellement évalués. L’impact des extrêmes climatiques (sécheresse et inondations) sur le cycle de l’azote et sur les émissions de GES (projet IntercropValuES et RAIZ) est également en cours d’étude.
Les émissions de méthane (CH4) ont également été mesurées. Alors que le sol argileux est un puits de méthane (environ -500 g de CH4/ha/an), le sol sableux (Lixisol) est une source importante de méthane (près de 700 g de CH4/ha/an). « Les sols tropicaux sont généralement connus pour être des puits plutôt que des sources de CH4, s’étonne Rémi Cardinael. Des mesures sur d’autres sites seront nécessaires, car les Lixisols sont des sols très répandus au Zimbabwe. Les conséquences climatiques pourraient ne pas être négligeables. »
Référence
Shumba Armwell, Chikowo Régis, Corbeels Marc, Six Johan, Thierfelder Christian, Cardinael Rémi. 2023. Long-term tillage, residue management and crop rotation impacts on N2O and CH4 emissions from two contrasting soils in sub-humid Zimbabwe. Agriculture, Ecosystems and Environment, 341:108207