Un nouveau rapport lève le voile sur les menaces pesant sur les systèmes alimentaires

Vient de sortir 15 octobre 2019
L’accumulation des risques qui pèsent sur les systèmes alimentaires est inédite. C’est le constat alarmant de plus de cinquante chercheurs du Cirad, dans un rapport sur les tendances et les défis des systèmes alimentaires, co-édité par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), la Commission européenne et le Cirad. Les conclusions de ce rapport viennent d’être présentées à Rome à l’invitation du réseau mondial contre les crises alimentaires (High Level Event of the Global Network against Food Crises) à l’occasion de la 46ème réunion du Comité de la sécurité alimentaire mondiale.
De gauche à droite lors de la présentation du rapport Food systems at risk: new trends and challenges à Rome : Sandrine Dury du Cirad, Djimé Adoum, Sec. exec. CILSS, Neven Mimica, Commissaire Européen pour la coopération internationale et le développement, Qu Dongyu, DG de la FAO, David Beasley, Dir. du PAM, Anne-Claire Mouilliez, Coordinatrice FSIN, Abdi Jama , Dir. IFRAH, et David Nabarro, professeur à l'Institut de l'Innovation en Santé Mondiale, Imperial College London. © FAO
De gauche à droite lors de la présentation du rapport Food systems at risk: new trends and challenges à Rome : Sandrine Dury du Cirad, Djimé Adoum, Sec. exec. CILSS, Neven Mimica, Commissaire Européen pour la coopération internationale et le développement, Qu Dongyu, DG de la FAO, David Beasley, Dir. du PAM, Anne-Claire Mouilliez, Coordinatrice FSIN, Abdi Jama , Dir. IFRAH, et David Nabarro, professeur à l'Institut de l'Innovation en Santé Mondiale, Imperial College London. © FAO

De gauche à droite lors de la présentation du rapport Food systems at risk: new trends and challenges à Rome : Sandrine Dury du Cirad, Djimé Adoum, Sec. exec. CILSS, Neven Mimica, Commissaire Européen pour la coopération internationale et le développement, Qu Dongyu, DG de la FAO, David Beasley, Dir. du PAM, Anne-Claire Mouilliez, Coordinatrice FSIN, Abdi Jama , Dir. IFRAH, et David Nabarro, professeur à l'Institut de l'Innovation en Santé Mondiale, Imperial College London. © FAO

Le paradoxe de la sécurité alimentaire

La production alimentaire mondiale par habitant n’a jamais été aussi élevée dans l’histoire de l’humanité. Elle est supérieure aux besoins nutritionnels et continue d’augmenter. Pourtant, depuis 2015, la sous-nutrition repart à la hausse après des décennies de baisse. S’agit-il d’un accident ou bien véritablement d’une tendance de fond ? La deuxième option est malheureusement plausible au vu des nombreux risques qui pèsent sur les systèmes alimentaires.

Or, ces systèmes ne produisent pas que de la nourriture. Ils procurent également des emplois, des revenus et des infrastructures. Ils jouent un rôle central dans les conditions de vie des ruraux, structurent les territoires, relient les campagnes aux villes. Ils ont de nombreux effets sur l’environnement, la biodiversité et le changement climatique. C’est donc sur l’ensemble de ces dimensions qu’il faut les considérer et les évaluer, pointe un nouveau rapport venant d'être présenté à l’occasion de la 46ème réunion du Comité de la sécurité alimentaire mondiale .

Sandrine Dury, économiste au Cirad, premier auteur du rapport, a présenté les risques de l'inaction et du prolongement des tendances passées, tout en insistant sur la nécessité de changer à la fois les modèles techniques et de gouvernance des systèmes alimentaires.

Systèmes alimentaires : les risques se précipitent, s’aggravent et se combinent

Les systèmes alimentaires sont en effet soumis à plusieurs menaces simultanées qui peuvent faire craindre une multiplication des crises alimentaires :

  • La démographie galopante dans certains pays va accentuer la demande alimentaire et se traduire par une pression accrue sur la terre. Cette croissance sera particulièrement importante dans les pays à faible revenu, notamment en Afrique sub-saharienne.
  • Les changements de régime alimentaire conduisent à devoir gérer à la fois le triple fardeau de la malnutrition (sous-nutrition, carences et maladies de pléthore) et de nouveaux risques sanitaires (microbiologiques, mais aussi chimiques).
  • La création d’emplois , en particulier en milieu rural dans les pays à faibles revenus, est un enjeu majeur pour la sécurité alimentaire. Les systèmes alimentaires, et notamment la transformation des produits, constituent un gisement considérable d’emplois, notamment pour les femmes.
  • La dégradation de l’environnement s’accélère et touche tous les pays. Elle menace la production agricole à plusieurs niveaux : baisse des rendements, problèmes de pollinisation, nouvelles maladies, multiplication des accidents climatiques…
  • Les marchés internationaux risquent d’être plus tendus et surtout plus instables à l’avenir.
  • Les catastrophes naturelles et les conflits génèrent déplacements et migrations, aujourd’hui largement responsables de la remontée de l’insécurité alimentaire. Ces déplacements mettent en périls les systèmes alimentaires des zones d’accueil, pouvant provoquer de nouvelles crises en cascade.

Être plus attentifs aux trajectoires de résilience et aux solutions locales

"La combinaison de ces risques nous fait rentrer dans une situation sans précédent où peuvent se jouer des effets multiplicateurs, des dépassements de seuils de non-retour dans certains domaines comme la biodiversité" , souligne Sandrine Dury du Cirad. Mais cette vision inquiétante ne doit pas nous paralyser. Nombre de populations vivent déjà avec ces contraintes. Il faut être plus attentifs à leurs capacités de résilience. Elles inventent des solutions et mobilisent celles qui existent déjà. Face à des risques globaux, les réponses ne peuvent être universelles. Elles dépendent des situations locales et invitent à reconnaître l’importance des acteurs locaux et de leurs dynamiques.

Référence

Dury, S., Bendjebbar, P., Hainzelin, E., Giordano, T. and Bricas, N., eds. 2019. Food Systems at risk: new trends and challenges. Rome, Montpellier, Brussels, FAO, CIRAD and European Commission. 
DOI: 10.19182/agritrop/00080