La prise en compte du genre produit une science plus juste et plus pertinente

Résultats & impact 7 mars 2023
C’est d’abord une question de justice : les expériences et besoins des femmes rurales dans les activités de recherche et de développement ont été négligés trop longtemps. La dynamique se renverse aujourd’hui et les questions de genre deviennent incontournables. Au Cirad, les projets bénéficient désormais d’un outil pour estimer leur degré d’intégration du genre. Un gradient qui démarre à la prise en compte des expériences des femmes et aboutit à une transformation vers plus d’égalité.
Productrice qui associe sa culture de maïs avec du moringa, un arbre fertilitaire (Kenioto, Sénégal) © R. Belmin, Cirad
Productrice qui associe sa culture de maïs avec du moringa, un arbre fertilitaire (Kenioto, Sénégal) © R. Belmin, Cirad

A Kenioto au Sénégal, cette productrice associe sa culture de maïs avec du moringa, un arbre fertilitaire © R. Belmin, Cirad

Le projet Gender-SMART a semé les graines de l’inclusion et le retour en arrière est impensable. Les neuf partenaires du projet, sous la coordination du Cirad, avaient quatre ans pour mettre au cœur des priorités de leur établissement les questions d’égalités professionnelles et de genre. Un programme nécessaire et ambitieux qui se déclinait sur deux volets : la promotion de l’égalité homme-femme au sein des institutions, et l’intégration des questions de genre dans les stratégies scientifiques et partenariales.

Gender-SMART a pris fin en décembre 2022. En matière d’impact sur la science, les projets du Cirad peuvent aujourd’hui évaluer leur sensibilité au genre via un outil créé à cet effet. De cette évaluation s’ensuivent des méthodes et recommandations. Au-delà de la simple prise en compte des questions de genre, l’ambition est que chaque projet du Cirad participe au moins à documenter les inégalités de genre, voire à transformer les relations homme-femme vers plus d’égalité.

Une communauté de pratiques pour booster l’intégration du genre dans la recherche

En 2020, le Cirad s’est doté d’une communauté de pratiques sur le genre dans le contenu de la recherche. Fin 2022, cette communauté rassemblait 70 scientifiques, hommes et femmes, de tous bords disciplinaires. Mixité, inclusion et participation volontaire en sont les maîtres-mots.

Le premier objectif de cette communauté de pratiques a été de construire un socle commun de savoirs et expertises pour intégrer le genre dans les travaux du Cirad. Emmanuelle Bouquet et Jean-Michel Sourisseau, respectivement économiste et socio-économiste au Cirad, ont coordonné ce groupe de travail : « Nous avons cherché à lister les obstacles et les leviers à une meilleure prise en compte du genre dans nos travaux. La problématique se manifeste différemment en fonction des activités de recherche, par exemple entre publications scientifiques et ateliers de terrain avec les partenaires. Parfois les questions de genre ne sont pas pertinentes, et parfois elles sont indispensables. Ce qui importe est d’y penser. » 

Sur cette première base, les scientifiques ont créé un outil pour positionner les projets de recherche sur un gradient de sensibilité aux questions de genre. 

Une ambition collective : passer d'approches aveugles au genre à une approche sensible, voire transformatrice

La démarche s’est construite autour de deux volets. D’abord, les aspects scientifiques : la question de recherche doit-elle inclure la dimension du genre ? Si oui, comment le formuler et comment l’inclure dans l’analyse des données, puis dans la diffusion des résultats ? Le deuxième volet se focalise sur les aspects de gouvernance, via des indicateurs comme la mixité des équipes de recherche ou encore la valorisation égale du travail des hommes et des femmes membres du projet.

Ces questions permettent de positionner les projets selon un gradient, entre des approches aveugles au genre et des approches sensibles. Déjà testé sur onze études de cas, l’outil a mis en lumière la diversité des modalités de prise en compte du genre dans les projets de recherche au Cirad. Les porteuses et porteurs de projets peuvent s’en saisir pour identifier les points à améliorer et partager les bonnes pratiques. 

Au-delà de l'outil, Emmanuelle Bouquet et Jean-Michel Sourisseau mettent en avant l'importance d'un collectif ouvert autour de ces questions : « L'outil présente des limites méthodologiques et aboutit parfois sur des imprécisions. S'il est utile pour estimer la sensibilité d'un projet aux questions de genre, les changements émanent plutôt de la discussion et de l'appui entre les membres de la communauté de pratiques. »

« Notre objectif est que chaque projet s’ouvre à une réflexion autour de l’inclusion, soulignent les scientifiques. C’est non seulement indispensable pour s’assurer d’une recherche juste, mais aussi efficace. Pour le Cirad, qui travaille dans les régions rurales des pays tropicaux et méditerranéens, la prise en compte des inégalités entre hommes et femmes nous permet d’aboutir à des résultats plus pertinents. »