Amazonie, bassin du Congo et Sud-Est asiatique : ces trois régions concentrent 80 % des forêts tropicales du monde. Au cœur de ces bassins sont implantés 32 sites expérimentaux, regroupés au sein d’un réseau nommé TmFO (Tropical managed Forests Observatory – « Observatoire des forêts tropicales aménagées »). Unique en son genre, ce dispositif de recherche pantropical ambitionne de mettre à jour des modèles d’exploitations durables, adaptés aux capacités de reconstitution du stock de carbone, de bois et de la biodiversité des forêts tropicales exploitées.
« Ce sont les seuls observatoires forestiers au monde à s’intéresser aux forêts déjà exploitées, ainsi qu’à leur renouvellement, confie Plinio Sist, directeur de l’unité de recherche Forêts et Sociétés au Cirad et coordinateur du réseau d’observatoires. L’objectif de ces sites est de définir des règles de gestion durable tout en étudiant les services environnementaux offerts par ces forêts. Conserver, tout en permettant aux populations d’y vivre et d’en tirer parti ».
Une exploitation qui va trop vite
Les régimes actuels d’exploitation de bois d’œuvre vont trop vite par rapport au rythme de croissance des arbres. Au Brésil, les travaux du réseau TmFO montrent qu’il faudrait diviser la récolte par deux et doubler la durée des cycles de rotation pour garantir le maintien de la ressource. Une situation qui ne permettrait d’atteindre qu’un tiers de la production annuelle actuelle de bois en Amazonie.
Face à ce défi, les sites de TmFO testent des modèles d’exploitation les plus efficients possibles, au regard des enjeux environnementaux et socio-économiques. « Lorsque l’exploitation est bien faite elle devient un outil de conservation, car en générant des profits les populations sont plus enclines à les protéger, détaille Plinio Sist. Par ailleurs, les prélèvements d’arbres peuvent bénéficier à la forêt. En choisissant les arbres les plus vieux et gros, qui finiraient par tomber, elles créent un trou de lumière qui permet aux arbres plus jeunes de pousser ».
Malgré ces connaissances, le rythme de prélèvement reste trop rapide et la réglementation autour des exploitations illégales peine à entrer en vigueur.
L’exploitation du bois d’œuvre dans les forêts tropicales n’est pas durable. Les durées de rotation en vigueur dans la plupart des pays tropicaux sont largement insuffisantes pour reconstituer totalement le volume de bois prélevé. C’est ce que montrent des données accumulées depuis plus de trente ans. Ces informations proviennent de dispositifs de suivi de la dynamique forestière tropicale mis en place par le Cirad et ses partenaires.
Augmenter les sources de production de bois ?
Aujourd’hui, la quasi-totalité du bois est prélevée au sein des forêts dites « naturelles », soit encore peu touchées par les activités humaines. Or, les travaux de TmFO montrent que les forêts naturelles ne peuvent pas à elles seules répondre à la demande croissante en bois. Il est donc urgent de développer d’autres sources de production.
Pour Plinio Sist, l’actuel engouement international sur la restauration des paysages forestiers est une opportunité unique à saisir. Le chercheur y voit un moyen pour diversifier les systèmes de production de bois, « à travers la gestion des forêts secondaires, la promotion de plantations plurispécifique d’espèces de bois d’œuvre, et enfin la réhabilitation des forêts dégradées par des pratiques sylvicoles ». Considéré comme moins « noble », car moins ancien, ce bois pourrait être utilisé pour certains usages comme la fabrication de contreplaqué, tandis que le bois issu de forêts primaires pourrait être réservé à des usages plus nobles.
Les engagements pour lutter contre la destruction et la dégradation des forêts ne cessent de se multiplier. Malgré l’engouement, la pression sur ces écosystèmes reste forte. Et si l’une des solutions résidait dans la restauration des paysages forestiers ? Peut-on concilier, sur ces territoires, conservation de la biodiversité et production de bois d’œuvre ? Alors que l’Union européenne durcit la réglementation sur la déforestation importée, quel rôle peuvent jouer les certifications sur des produits comme le cacao, le soja ou encore l’huile de palme ?
En Amazonie, la moitié du bois est illégale
Est-ce qu’augmenter l’offre sera suffisant ? Sans système d’exploitation durable des forêts, les impératifs du marché risquent de continuer à piétiner les limites physiques et écologiques des forêts, qu’elles soient naturelles ou restaurées. Il est donc urgent que les politiques publiques combattent de façon déterminée la déforestation et l’exploitation illégale qui, en Amazonie, concernent plus de 50 % de la production de bois d’œuvre. Sans cette volonté politique, les effets des pratiques de gestion durable et les actions de restauration forestière seront très limités et ne pourront résoudre cette situation de crise.
Écoutez et explorez les observatoires de Tapajós au Brésil et de Paracou en Guyane
Tapajós et Paracou sont les plus anciens sites de suivi du réseau TmFO. Plus de trente ans d’études au cœur de la forêt amazonienne brésilienne et guyanaise, au plus près des arbres :