Stocker une partie des récoltes en échange d’un crédit ? Les avantages du warrantage au Sahel

Vient de sortir 10 mai 2023
Un nouvel outil se développe auprès des paysans sahéliens : le warrantage. Ce dispositif de crédit-stockage encourage les producteurs à différer une partie de la vente de leurs récoltes. L’objectif : mieux résister à la période de transition entre l’épuisement des stocks et la nouvelle récolte. Ce numéro de Perspective, faisant partie de la série d’analyses sur les crises et la sécurité alimentaire, résume les enjeux autour de cette pratique et l’illustre par un cas d’étude marquant au Burkina Faso.
Déstockage de céréales en fin de warrantage avant la soudure dans le village de Magnimasso, dans le Mouhoun, Burkina Faso © T. Le Cotty, Cirad
Déstockage de céréales en fin de warrantage avant la soudure dans le village de Magnimasso, dans le Mouhoun, Burkina Faso © T. Le Cotty, Cirad

Déstockage de céréales en fin de warrantage avant la soudure dans le village de Magnimasso, dans le Mouhoun, Burkina Faso © T. Le Cotty, Cirad

La période de soudure caractérise de nombreux paysages ruraux sahéliens : il s’agit de la période de transition entre l’épuisement des stocks de céréales de l’année précédente et la nouvelle récolte. Mil, sorgho et maïs sont les aliments de base des régimes alimentaires pour les familles. Plus la période de soudure est longue, et plus elle renforce l’insécurité alimentaire des territoires.

Face à ce phénomène, de plus en plus de paysans se tournent vers le warrantage. Ce dispositif de crédit-stockage accorde aux producteurs un micro-crédit en échange du stockage d’une partie de leur récolte. En plus de réduire la période de soudure, le warrantage participe à améliorer les revenus et à encourager l’investissement agricole.

Des résultats probants dans l’Ouest du Burkina Faso

Entre 2013 et 2016, huit villages du Burkina Faso ont eu accès à des entrepôts de warrantage, financés par le projet européen FARMAF. A l’issue des trois ans, les bénéfices étaient visibles sur la sécurité alimentaire des ménages. En moyenne, le stock de mil était par exemple estimé à 69 kg de plus de que dans les villages sans warrantage. La période de soudure avait diminué de deux semaines, et la diversité alimentaire était plus élevée.

Les investissements agricoles ont également connu un rebond : les surfaces cultivées avaient augmenté d’environ 1,8 hectare par exploitation, et les cheptels bovins comptaient entre 1 et 2 têtes de bétail de plus en moyenne. Les analyses mettent enfin en avant le bénéfice comptable par année pour les producteurs.

L’une des principales raisons pour laquelle le warrantage offre autant d’opportunités est la protection qu’il assure face aux pressions sociales post-récoltes. Les familles sont en effet confrontées, juste après les récoltes, à de nombreuses contraintes sociales et économiques, qui les poussent souvent à épuiser rapidement leurs stocks. Il peut s’agir de cérémonies ou de règlements de dettes : toute une variété d’attentes immédiates. Le mécanisme du crédit-stockage, tel qu’il est assuré par le warrantage, permet de s’extirper de ces pressions sociales tout en accordant aux ménages les liquidités dont ils ont besoin à court-terme.

Les trois conditions de réussite du warrantage

Le warrantage est un dispositif mis en place par une organisation de producteurs et une institution financière. Afin qu’il aboutisse, l’outil a besoin de réunir trois conditions.

D’abord relativement aux infrastructures : les céréales doivent être stockées dans des entrepôts en ciment, et non en terre, pour éviter les risques associés aux ravageurs ou aux infiltrations d’eau. Cette première condition fait écho à la seconde : le système doit pouvoir assurer la qualité des céréales stockées.

Enfin et surtout, le warrantage repose sur des relations de confiance entre les institutions financières, les organisations de producteurs et les commerçants. Au Burkina Faso, le Ministère de l’agriculture et des ressources animales et halieutiques déploie à cet effet un travail de médiation sur l’ensemble du pays, qui devrait aboutir sur la définition d’un cadre légal pour sécuriser les transactions marchandes.

D’autres stratégies sont à l’étude et devront être adaptées selon les villages, par exemple si les céréales stockées servent plutôt à la commercialisation ou l’autoconsommation.

Télécharger le Perspective N° 61 Le warrantage, un dispositif pour améliorer la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne

 

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Avec Perspective, le Cirad ouvre de nouvelles pistes de réflexion et d’action, fondées sur des travaux de recherche, sans pour autant présenter une position institutionnelle. Cette série de 4-pages synthétiques présente des idées ou des politiques novatrices sur des questions de développement, stratégiques pour les pays du Sud : sécurité alimentaire, foncier, changement climatique, sécurité énergétique, gestion des forêts, normes, etc.