Viability : les clés d’une transition agroécologique en Afrique

Science en action 29 septembre 2021
La possibilité de transformer l’agriculture africaine à grande échelle via les pratiques agroécologiques interroge, malgré ses réussites. Documenter la viabilité de ces pratiques dans neuf pays africains : tel est l’objectif du projet triennal Viability, coordonné par le Cirad et l’ICRAF. Les premiers résultats révèlent les bénéfices et contraintes de l’agroécologie comme l’amélioration de la sécurité alimentaire des ménages, mais l’exigence en main-d’œuvre.
Déchargement de fumier dans la compostière à Madagascar © T. Raharison, GSDM
Déchargement de fumier dans la compostière à Madagascar © T. Raharison, GSDM

Déchargement de fumier dans la compostière à Madagascar © T. Raharison, GSDM

Changement climatique, dégradation des ressources en terre et en eau, perte de biodiversité… Les agricultures africaines sont confrontées à de multiples défis. Pour restaurer l’environnement et satisfaire les besoins alimentaires et économiques d’une population croissante, il devient urgent de produire différemment. Or, si la transition agroécologique s’impose aujourd’hui dans la communauté scientifique comme un moyen de changer de paradigme agricole, sa mise en œuvre ne va pas de soi. Ici, les connaissances techniques manquent. Là, l’accès à la terre ou à des marchés rentables. C’est pourquoi le projet Viability ambitionne d’évaluer la viabilité socio-économique des pratiques agroécologiques en Afrique.

Coordonné conjointement par le Cirad et l’ICRAF et financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, il s’agit du premier projet mis en œuvre dans le cadre de la Transformative Partnership Plateform. Cette plateforme de partenariat pour la transformation des systèmes alimentaires, lancée par la France et le CGIAR en 2021, se veut le fer de lance de la recherche sur la transition agroécologique. 

Nourrir les débats sur l’agroécologie

« En Afrique, l’agroécologie soulève scepticisme et controverses, relève Nadine Andrieu, coordinatrice du projet. Pour certaines personnes, il s’agit d’un retour en arrière qui ne permettra pas d’assurer la sécurité alimentaire des populations, contrairement à l’agriculture conventionnelle ». Face à ce scepticisme, il fallait des preuves. Dans quelles conditions l’agroécologie peut-elle être rentable ? Comment mesurer la valeur socio-économique des services écosystémiques rendus ? Quels sont les besoins de formation des producteurs ? Autant de questions auxquels Viability entend répondre, via une étude de terrain originale et ambitieuse.

Des résultats prometteurs

« Les résultats préliminaires confirment que la grande diversité de pratiques agroécologiques (telles que le compost, les techniques de conservation de l’eau et des sols, l’agroforesterie, les légumineuses fourragères) génèrent de multiples bénéfices environnementaux : limitation de l’érosion, amélioration de la fertilité des sols ou de l’infiltration de l’eau, analyse Nadine Andrieu. On observe aussi le rôle positif joué par des politiques publiques incitatives ». Parmi les bénéfices socio-économiques mentionnés par les acteurs enquêtés : l’amélioration de la sécurité alimentaire des ménages, la création d’emplois et revenus supplémentaires.

Mais si les pratiques agroécologiques ont de nombreux avantages, certaines d’entre elles sont exigeantes en main-d’œuvre. C’est l’une des contraintes majeures révélées par les études de cas, à côté des difficultés à accéder aux ressources productives ou à la connaissance.

Neuf pays, 12 études de cas

12 études de cas portant chacune sur une moyenne de 100 à 300 exploitations agricoles - au sein desquelles l’agroécologie a été promue au cours des deux dernières décennies - sont actuellement menées dans neuf pays africains (Burkina Faso, Éthiopie, Kenya Madagascar, Mozambique, Sénégal, Tanzanie, Tunisie, Zimbabwe). Cette exhaustivité permet d’analyser un large panel de pratiques agricoles et de contextes climatiques, socio-économiques et politiques.

L’enjeu majeur : « bâtir une méthodologie commune à même de produire des résultats comparables », indique Nadine Andrieu. Au quotidien, les enquêteurs vont donc à la rencontre des acteurs de l’agroécologie (producteurs, chercheurs, techniciens) afin de collecter des données quantitatives et qualitatives sur les conditions de mise en place des systèmes de production agroécologiques, leurs succès et échecs. Ces milliers de données seront ensuite analysés pour en tirer des enseignements, génériques ou plus spécifiques aux territoires.

D’ici 2022, les leçons tirées des études de cas seront transformées en messages clés et mises à disposition des acteurs de l’agroécologie. Objectif : alimenter leurs actions en faveur d’une transition agroécologique. « En documentant les bénéfices et les contraintes de l’agroécologie, on fait l’hypothèse que les bailleurs et les politiques n’auront plus d’excuse pour prendre des décisions informées » ambitionne Nadine Andrieu.