Évaluation : l’HCÉRES salue la culture de l’impact et l’originalité du positionnement stratégique du Cirad

Institutionnel 21 juillet 2021
Le Haut conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCÉRES) vient de publier sa dernière évaluation du Cirad en tant qu’établissement. Retour sur les points marquants de ce rapport très positif en matière de bilan et de perspectives, avec Elisabeth Claverie de Saint Martin, PDG du Cirad, et Michel Eddi, qui l’a précédée dans cette fonction.
© HCERES
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En premier lieu, le comité a salué la culture de l'impact que le Cirad développe au sein de l'établissement et auprès de ses partenaires depuis dix ans. La démarche, nommée Impress, a connu de belles avancées ces dernières années. Quelles en sont les principaux points ?

© Th. Erwin

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Michel Eddi : L’objectif d’Impress est de renforcer notre capacité à générer des impacts dans la durée en programmant mieux nos projets de recherches. C'est aussi mieux communiquer sur les objectifs poursuivis, et la manière de les atteindre auprès de nos partenaires de recherche, les acteurs publics et privés ou les bailleurs. La méthode est désormais publiquement disponible. Elle se traduit par deux guides méthodologiques : ex post lorsqu'il s'agit de comprendre a posteriori le chemin d'impact du processus d'innovation et ex ante pour construire de façon participative les chemins plausibles de l'impact à venir. Ces dernières années, les efforts ont porté sur la démarche ex ante afin d'intégrer la démarche dès la première phase de conception d'une intervention de recherche.

Le but n’est pas simplement d’appliquer une méthode, mais bien de concevoir comment la recherche appliquée peut contribuer à générer certains changements face aux grands défis sociétaux. Le Cirad forme ses chercheurs, chercheuses, et ses partenaires à cette démarche depuis 2017.

Déjà, plus de 50 projets et près de 300 scientifiques ont été accompagnés dans le cadre de la démarche. C’est une petite mutation culturelle qui est en marche et qui est massivement plébiscitée au sein du Cirad.

Le chantier Impact a également mené à la décision de créer, en 2018, la direction de l’impact et du marketing de la science – la Dims - qui inclut désormais l’équipe Impress.

Les bailleurs de fonds et les institutions des États membres de l’Union européenne ont été fortement sensibilisés, mais aussi sensibles à notre démarche qui renforce de manière remarquable et convaincante le plaidoyer du Cirad auprès de ces institutions.

Le comité suggère de renforcer la démarche et de poursuivre son déploiement aux différents niveaux de l’établissement. Quels sont les axes d’évolution envisageables ?

© A. Calais

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Elisabeth Claverie de Saint Martin : La recommandation du comité est en effet un encouragement fort à déployer nos outils en interne et en appui à nos partenaires. Néanmoins, nous savons que cette évolution ne pourra se faire que sur une base volontaire des équipes, avec des mesures incitatives.
Nous constatons en outre que la fréquence, la fluidité et la clarté des dialogues entre scientifiques et politiques sont des ingrédients essentiels à un meilleur impact de nos recherches.

Cela rejoint une autre recommandation novatrice faite par le comité d’évaluation qui est de développer notre contribution à la construction des politiques publiques locales, nationales et internationales, notamment à travers une approche de type « think tank ». L’action publique fait indéniablement partie de la culture de l‘impact du Cirad. Il s’agit bien in fine de voir les changements, générés par la recherche, transcrits au sein des politiques publiques.

Pour accompagner cette volonté, le Cirad renforce depuis plusieurs années ses compétences par des recrutements de profils scientifiques diversifiés – sciences politiques, sciences sociales, sciences économiques et de gestion. Nous avons également déjà initié un renforcement de nos actions de plaidoyer, avec notamment un pôle dédié – au sein de la Dims – en lien avec la délégation à la communication et la création d’une délégation aux affaires publiques. 

Le rapport souligne également l’originalité du Cirad quant à son positionnement à la croisée des frontières de la science et des besoins des populations des zones tropicales. Quels en sont les points saillants ? 

Elisabeth Claverie de Saint Martin : Le Cirad contribue à la politique d’aide publique au développement et de partenariat du gouvernement français. Il dispose d’une palette complète d’outils et d’activités totalement adaptés aux défis à relever : de la recherche, à la formation, au partenariat jusqu’à l’expertise et le conseil aux politiques publiques. Et puis, le Cirad a une position unique dans la recherche française au service des zones tropicales et méditerranéennes. Pourquoi unique ? Nous travaillons sur l’agriculture et les systèmes alimentaires, or l’agriculture est au cœur des défis sociétaux auxquels nous faisons face. Et les scientifiques en sont convaincus, il est nécessaire de transformer en profondeur les systèmes alimentaires et agricoles pour les rendre plus durables. Et la recherche a un rôle fondamental à jouer dans cette transformation. 

Michel Eddi : La France est le seul pays à avoir conservé des organismes dédiés à la coopération avec les pays du Sud – le Cirad et l’IRD. Le Cirad a un mandat parfaitement adapté pour construire et déployer des politiques d’aide publique au développement qui sont à la hauteur des défis à relever aujourd’hui ! Et pour cela, il concilie en effet une science de très haut niveau avec la capacité à construire de solides partenariats en France, en Europe et à l’international, notamment dans les pays tropicaux et méditerranéens.

Le comité estime justement que le caractère international du Cirad est un atout majeur auprès des partenaires locaux et des organisations internationales. Comment cette dimension a-t-elle été déployée ces dernières années ?

Michel Eddi : Le Cirad est le seul organisme de recherche français pourvu du mot « international » dans son intitulé. Et il le mérite. Cette dimension internationale s’illustre par différentes méthodes. Tout d’abord, le Cirad atteint l’un des taux de co-publication avec des scientifiques du Sud les plus élevés des établissements de l’OCDE *.

 Son influence auprès des organisations internationales agricoles, comme la FAO, est également croissante. Et le CGIAR est un partenaire de longue date du Cirad avec là aussi des développements positifs du partenariat. Sur le plan national également, la diplomatie scientifique a fortement progressé avec des actions concertées et réussies entre ministères, AFD, et opérateurs de recherche sur divers sujets : agroécologie, déforestation importée, sols et carbone, foncier, emploi en milieu rural, etc.

Enfin, si les partenariats sont au cœur des missions du Cirad, c’est aussi parce qu’ils sont le résultat de 40 années d’expérience et d’engagements avec des organisations de recherche nationales, notamment au Sud, et internationales.  Nous avons ces dernières années consolidé la dynamique institutionnelle de ces partenariats, notamment grâce aux 23 dispositifs de recherche et de formation en partenariat auxquels nous contribuons et l’adoption d’une feuille de route pour accompagner ce renforcement.

Le rapport vous invite à consolider cette dimension. Comment allez-vous opérer ? 

Elisabeth Claverie de Saint Martin : Le Cirad a tout intérêt à poursuivre les collaborations déjà engagées avec les acteurs majeurs du développement comme le CGIAR, dans le cadre de la forte dynamique en cours avec le « One-CG » qui se met en place. En France, nous bénéficions de l’élargissement du mandat de l’AFD à l’appui au développement par la recherche et la formation. Et l’accord-cadre ambitieux, que nous avons signé en 2021, permettra de mieux aligner les priorités thématiques de nos deux structures au service d’une démarche de co-construction de projets au Sud. Avec INRAE, nous visons un plus grand investissement conjoint au bénéfice de nos partenaires avec notamment la coordination d‘une stratégie africaine commune. 

Le Cirad développera par ailleurs des partenariats utiles avec les parties prenantes économiques, publiques et privées. Il ne s’agit pas ici seulement de générer des ressources pour la recherche, mais bien d’associer ces acteurs à la construction des innovations au bénéfice des sociétés du sud. Nous nous appuierons sur notre marque Cirad’Innov ou les outils de transferts de l’I-Site Muse à Montpellier.

Enfin, l’excellence scientifique est primordiale pour un organisme tel que le Cirad. Nous resterons vigilants sur le niveau d’exigence d’une production scientifique originale et de qualité, en co-publication avec nos partenaires des pays tropicaux et méditerranéens, possible grâce à l’accès à la présence de nos chercheuses et chercheurs sur ces terrains. Et nous allons faire progresser la notoriété du Cirad et de ses travaux, notamment par une activité de plaidoyer. La visibilité du Cirad sur le plan international est une condition de l’utilité de son action.

Parmi d’autres formes de partenariat, les dispositifs de recherche et de formation sont un vecteur puissant de l’action du Cirad. S’ils ont souvent été initiés par le Cirad, les dP profitent d'une gouvernance collective partagée entre les différents partenaires. Nous soutiendrons notamment la volonté de les coordonner par thématique – agroécologie, agroforesterie, systèmes alimentaires, etc. – une plus-value du mandat du Cirad. Mais surtout, nous améliorerons notre appui institutionnel et la participation des porteurs d’enjeux locaux au sein des dispositifs grâce à trois axes d’action : le portefeuille de projets, l’animation scientifique partagée et la formation.

* Les institutions des pays du Sud sont à l’origine de 52 % des articles du Cirad copubliés dans des revues à comité de lecture pour la période 2015-2019 et 55 % pour l’année 2019 (données partielles).

Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCÉRES) est l’autorité administrative indépendante chargée d’évaluer l’ensemble des structures de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou de valider les procédures d’évaluations conduites par d’autres instances. Par ses analyses, ses évaluations, et ses recommandations, il accompagne, conseille et soutient la démarche d’amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche en France.