Science en action 4 mars 2024
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Antananarivo, ville cultivée
Des rizières au cœur de la ville, voilà une des singularités de la capitale de Madagascar. « Pour autant, la superficie dédiée à l’agriculture urbaine à Antananarivo, comme la production et les emplois qu’elle génère localement étaient jusqu’à présent méconnus », souligne Perrine Burnod, socioéconomiste au Cirad et coordinatrice du projet de recherche Légende qui arrive bientôt à son terme. « L’objectif était de quantifier et de qualifier l’agriculture au sein de la capitale malgache. »
45 % des surfaces de la capitale sont cultivées
Financé par le métaprogramme Glofoods du Cirad et de l’Inra, ce projet a montré que près de 45 % des surfaces sont cultivées. Et cela malgré la forte pression démographique de cette agglomération de plus de trois millions d’habitants. « Le développement urbain ne se fait pas toujours au détriment des terres cultivées », confirme Perrine Burnod. Même si elle diminue dans le centre-ville, la surface agricole est en augmentation en périphérie d’Antananarivo. D’après les résultats du projet Légende, la production issue de cette agriculture urbaine est en grande majorité consommée localement et implique 20 % des ménages de l’agglomération. Ces résultats surprenants sont autant d’éléments de discussion concrets pour les acteurs de l’aménagement urbain qui travaillent actuellement sur le développement futur de la ville.
Antananarivo, signataire du pacte de Milan
Consciente de l’importance de cette agriculture urbaine, la capitale malgache s’est engagée depuis de nombreuses années en sa faveur. Antananarivo est ainsi une des villes signataires du Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan. Cet accord international, dont le cinquième sommet annuel démarre aujourd’hui et jusqu’au 9 octobre à Montpellier, vise à promouvoir des systèmes alimentaires urbains durables. Antananarivo a d’ailleurs reçu en 2017 le prix du pacte de Milan dans la catégorie « Environnement difficile ».
Une carte d’occupation des sols valorisable par les autorités
La première étape du projet Légende a consisté à dresser un état des lieux de l’occupation des sols. Cela a été fait grâce à des enquêtes, des relevés de terrains et à l’analyse d’images satellites à haute résolution. La carte d’occupation des sols obtenue, en plus d’être un outil directement valorisable par les autorités locales pour l’aménagement urbain, révèle que près de la moitié de la surface de l’agglomération est cultivée. Parmi ces terres agricoles, deux tiers sont dédiés à la riziculture, 15 % au maraîchage et 12 % à la culture du manioc.
Une agriculture en interaction avec les espaces bâtis
Une seconde phase d’enquêtes de terrain s’est employée à caractériser les profils des agriculteurs, leurs systèmes de production et leurs stratégies foncières. « Nous avons conduit 195 entretiens approfondis auprès de ménages, d’acteurs de l’urbanisme et des autorités locales », précise Laurence Defrise, agronome de formation qui finalise une thèse de géographie au Cirad. Ces travaux ont permis de distinguer trois paysages agri-urbains : les cressonnières du centre-ville, les rizières accolées à ce centre densément peuplé et l’espace périurbain où se pratique l’élevage et plusieurs types de culture.
Une source de denrées alimentaires et d’emplois
Ces unités paysagères contribuent fortement à l’approvisionnement des ménages urbains. La majorité des légumes consommés dans la capitale sont ainsi produits localement. Il en va de même pour environ 90 % des denrées avicoles. 53 000 tonnes de riz, soit 20 % des besoins de la ville, sont aussi récoltées chaque année. Cette agriculture urbaine est par ailleurs génératrice d’emplois. « Nous avons estimé que près de 20 % des ménages de l’agglomération dédie une partie de leur activité aux cultures et à l’élevage », déclare Laurence Defrise. L’agriculture est donc une source importante de revenus dans cette ville où les autres secteurs d’activité fournissent peu d’alternatives en termes d’emplois.
Des rizières menacées par l’urbanisation
Certaines terres agricoles, et donc la production et les emplois qu’elles assurent, sont pourtant menacées par l’urbanisation. Pour répondre à la forte croissance démographique de la ville, des rizières du centre sont ainsi remblayées et font place à des infrastructures ou à des bâtiments. « Ces terres agricoles jouent pourtant un rôle de bassin tampon lors des inondations, fréquentes pendant la saison des pluies », constate Perrine Burnod. Mais l’extension des surfaces agricoles se fait parfois en parallèle à la croissance urbaine. « Par rapport aux données satellitaires de 2003, les terres cultivées dans la zone périurbaine s’étendent légèrement malgré l’urbanisation », confirme la spécialiste des questions foncières. La ville ne fait donc pas toujours disparaitre l’agriculture.