Sciences participatives : mieux gérer la lutte contre les tiques en Occitanie

Science en action 9 avril 2024
Dans un article publié dans la revue One Health en 2023, une équipe scientifique internationale coordonnée par le Cirad, en collaboration avec INRAE, s’intéresse à la façon de mieux gérer les populations de tiques, premier vecteur de maladies animales au monde. L’exemple d’une approche de gestion collective guidée par l’approche « Une seule santé » en Occitanie y est développé. Ce travail a donné lieu à la création d’un jeu GoTicks! qui vient de sortir. Il vise à faire dialoguer les acteurs de cette gestion autour de différents points de vue.

© M.Gatius, Cirad

En France et dans le monde, les maladies à tiques (TMT) présentent de sérieux risques pour la santé aussi bien humaine qu’animale. Dans le domaine de l’élevage, les tiques peuvent piquer tout type de bétail. La gestion de leurs populations est essentielle pour prévenir l’émergence ou la prolifération des maladies liées aux tiques. Cela nécessite entre autres une surveillance collective et une collaboration transdisciplinaire, incluant les acteurs locaux de terrain.

La région Occitanie, pilote dans une étude exploratoire sur les tiques

Première région française d’élevage d’ovins, la région Occitanie produit environ 70 % de la production de lait de brebis du pays, et détient une certification pour le célèbre fromage de Roquefort. C’est la région qui a été choisie par une équipe scientifique coordonnée par le Cirad, et impliquant INRAE et l’université de Montpellier, pour une étude exploratoire portant sur les conditions de mise en place d’une gestion collective du risque « tiques ». Plusieurs espèces de tiques y sont présentes. 

Parmi elles, Ixodes ricinus, l'espèce vectrice de la bactérie Borrelia burgdorferi sensu lato, responsable de la maladie de Lyme, qu'elle peut transmettre à la fois à l’humain et à certains animaux, tels que les chiens ou les chevaux. Cette espèce de tiques est essentiellement présente à l’ouest et au nord de l’Occitanie. Elle est inféodée aux climats tempérés, a besoin d'une humidité élevée et d'une forte présence de végétation. 

© F. Stachurski, Cirad

L’espèce de tique Hyalomma marginatum, récemment établie sur le pourtour méditerranéen français, présente quant à elle un risque sanitaire pour l’être humain puisqu’elle est notamment connue pour transmettre le virus de la Fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Cette espèce, installée dans le sud et l’est de la région, ne va pas au-delà des habitats ouverts et secs et est donc plutôt inféodée aux zones sèches et rases de garrigue. 

« D’autres espèces de tiques, dont les tiques du genre Dermacentor, également abondantes en Occitanie, sont par ailleurs susceptibles de transmettre des parasites comme Theileria equi et Babesia caballi, responsables de piroplasmoses équines dont la forme aiguë est parfois mortelle pour les chevaux », précisent Laurence Vial et Thomas Pollet, chercheurs épidémiologistes et microbiologistes respectivement rattachés au Cirad et à INRAE.

Mobiliser les acteurs locaux autour des maladies à tiques

Une équipe de recherche interdisciplinaire - composée de spécialistes des tiques, de microbiologistes, d'épidémiologistes, d'agronomes et de spécialistes des sciences sociales – travaillent ainsi depuis 2017 en collaboration avec des acteurs locaux de la région Occitanie : Groupements de Défense Sanitaire (GDS), Groupements Techniques Vétérinaires (GTV), Laboratoires Départementaux d’Analyse (LDA) et éleveurs, Fédérations Départementales de Chasse (FDC), Agence Régionale de la Santé (ARS), association GRAINE Occitanie qui promeut et développe l’éducation à l’environnement et au développement durable, le programme de recherche participative CiTique, et différentes communautés de communes.

« Pour mieux travailler tous ensemble, notre premier objectif était de créer une vision commune des maladies à tiques », explique Aurélie Binot, chercheuse anthropologue et agronome au Cirad et directrice adjointe de la maison des sciences de l’Homme Sud. « Dans un premier temps, nous avons cherché, à travers une enquête, à comprendre la perception que chaque acteur se faisait du risque lié aux tiques. Puis, à travers des ateliers participatifs multi-acteurs, nous avons travaillé à une compréhension commune du risque, identifié des indicateurs de risque socio-écologiquement et déterminé ensemble des stratégies de détection, de prévention et de gestion des risques ». 

L’approche One Health appliquée à la recherche, la surveillance et la gestion collective des tiques

Pour Aurélie Binot, co-autrice de l’article, « la gestion collective du risque lié aux tiques est une opportunité pour mettre en œuvre la démarche One Health de façon complètement territorialisée. »

L’approche One Health a pour principe de prendre en compte l'interdépendance de la santé humaine, animale et environnementale. C’est cette approche qui guide aujourd’hui la recherche, la surveillance, et le contrôle des maladies à tiques, dans le cadre d’une gestion collective des risques, basée sur les résultats de cette étude exploratoire. 

Référence

A social-ecological systems approach to tick bite and tick-borne disease risk management: Exploring collective action in the Occitanie region in southern France. Zortman Iyonna, De Garine-Wichatitsky Michel, Arsevska Elena, Dub Timothee, Van Bortel Wim, Lefrançois Estelle, Vial Laurence, Pollet Thomas, Binot Aurélie. 2023. One Health, 17:100630, 9 p.

 

© Bioviva

© Bioviva

Le jeu sérieux GoTicks ! : un outil au service d’une meilleure gestion du risque tique
Go Ticks est un jeu de cartes qui permet la concertation entre professionnels et citoyens autour de la gestion du risque « tiques ». S’inscrivant dans une approche One Health, il vise à promouvoir le partage des connaissances entre les individus ou organisations des secteurs de la santé publique, de la santé animale et de la santé environnementale, directement ou indirectement concernés par les risques liés aux tiques. Ces acteurs, peuvent être impliqués dans des stratégies d'intervention concernant la détection du risque, la prévention et la gestion des risques. Depuis 2021, plusieurs prototypes du jeu ont été créés et testés sur le terrain dans des régions rurales impactées par le risque tiques. La version finale du jeu vient de paraître (édité par Bioviva, mais non destiné à la vente). Elle a été adaptée à partir d’une mécanique originale, conçue par Bioviva et par un collectif de recherche (plateforme Gamae, UMR ASTRE, Association CITIQUE, Université de Montpellier, Projet H2020 MOOD).