Première détection du virus de la Fièvre Hémorragique de Crimée-Congo dans le Sud de la France

Résultats & impact 25 octobre 2023
Une équipe du Cirad vient de mettre en évidence la présence du virus de la Fièvre Hémorragique Crimée-Congo dans des tiques de l’espèce Hyalomma marginatum collectées dans les Pyrénées Orientales (Occitanie). C’est la première détection de ce virus en France. Aucun cas humain en revanche n’a été diagnostiqué sur le territoire.
Une équipe du Cirad, spécialisée sur les tiques, a détecté le virus de la FHCC dans des tiques de l'espèce Hyalomma marginatum pour la première fois en France.
Une équipe du Cirad, spécialisée sur les tiques, a détecté le virus de la FHCC dans des tiques de l'espèce Hyalomma marginatum pour la première fois en France.

Une équipe du Cirad, spécialisée sur les tiques (Laurence Vial et Célia Bernard), a détecté le virus de la FHCC dans des tiques de l'espèce Hyalomma marginatum pour la première fois en France. © M. Gatius, Cirad

Depuis 2015, le Cirad, dans le cadre d’une convention avec la DGAL, étudie et surveille la tique Hyalomma marginatum, un des vecteurs avérés du virus de la Fièvre Hémorragique Crimée-Congo (FHCC). Les études portent notamment sur son aire de répartition, son historique d’invasion en France, sa dynamique saisonnière, ses hôtes, son portage d’agents infectieux. L’objectif est d’évaluer les risques associés à ce vecteur et aux maladies qu’il est susceptible de transmettre. Chaque année, au printemps, des collectes de tiques sont effectuées dans des structures équestres et des élevages bovins. Cette année pour la première fois, une centaine de tiques sur plus de 2000, collectées en 2022 et surtout 2023 au printemps, se sont révélées positives à la présence du virus de la FHCC. Ces résultats ont été confirmés en octobre par le CNR des Fièvres Hémorragiques Virales (FHV) de l’Institut Pasteur. 

Tiques Hyalomma marginatum. © M. Gatius, Cirad

Tiques Hyalomma marginatum. © M. Gatius, Cirad

La tique Hyalomma marginatum est une tique dure de relativement grande taille (8 mm), reconnaissable à son rostre long et à ses pattes bicolores (anneaux blanchâtres aux articulations). On la retrouve dans la garrigue ou certaines pâtures du littoral méditerranéen, de la frontière espagnole au Var, jusqu’en Ardèche et dans la Drôme. Sa forme adulte pique les ongulés domestiques et sauvages (bovins, chevaux, sangliers, et dans une moindre mesure les petits ruminants ou cervidés) sans danger pour eux puisque, même infectés par le virus de la FHCC, ces derniers ne développent pas de symptômes. En outre, cette forme adulte peut occasionnellement piquer l’être humain. Elle n’est active qu’au printemps, entre avril et juillet.

« Nos collectes ont montré que la tique se répartissait sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, dans des habitats naturels ouverts plutôt secs tels que la garrigue ou le maquis.  D’après les modèles climatiques futurs, le climat méditerranéen risque de s’étendre, en particulier dans la vallée du Rhône, et sur la côte atlantique à l’ouest, il est probable que l’aire de répartition de cette espèce s’étende », estime Laurence Vial, vétérinaire acarologue au Cirad, et spécialiste des tiques.

Prudence en garrigue, maquis et zone de pâturage entre avril et juillet

La fréquence de piqûre à l'être humain est supposée faible, ces tiques n’ayant pas d’appétence particulière pour les êtres humains. De plus, elles sont généralement plus visibles que d’autres espèces de tiques car un peu plus grosses : il est donc plus facile de les repérer et de les retirer avant qu’elles ne se fixent et se gorgent. 

Le virus de la FHCC peut également se transmettre à l’humain par contact avec des fluides corporels, comme le sang, avec des animaux infectés, en sachant que ces derniers ne restent virémiques qu’une dizaine de jours avant de développer une réponse immunitaire (avec une persistance à vie des anticorps).

« En Espagne, le virus FHCC avait été détecté dans des tiques du genre Hyalomma quelques années avant l’apparition de cas humains. Actuellement, un à trois cas humains de fièvre hémorragique sont rapportés chaque année dans ce pays. Toutefois, dans ce pays, c’est une autre espèce de tiques qui est considérée comme le vecteur majoritaire : Hyalomma lusitanicum. En France, la distribution de cette espèce de tique est encore inconnue et nécessite d’être étudiée. Nous sommes peut-être face à un cycle épidémiologique différent, d’où notre prudence à réaliser des comparaisons hâtives entre le cas de l’Espagne et celui de la France », précise Laurence Vial.

Au cœur de MedVallée, un partenariat réussi entre recherche académique et une PME montpelliéraine

Ces résultats ont été permis par une collaboration du Cirad avec une entreprise montpelliéraine, Innovative Diagnostics. Fondée en 2004, cette PME employant 180 personnes développe, produit et commercialise des tests diagnostiques sérologiques (ELISA) et de biologie moléculaire (PCR). Ses outils sont utilisés dans le monde entier par des laboratoires publics et privés pour la détection et le contrôle des maladies animales (gamme IDvet), certaines pouvant être transmissibles à l’homme, contribuant ainsi à la prévention des émergences. Innovative Diagnostics, qui dispose déjà d’un kit sérologique pour la détection de la FHCC dont les performances sont reconnues internationalement, a contribué à ces travaux en réalisant l'optimisation et la standardisation des protocoles de détection du virus de la FHCC. Le succès de cette collaboration illustre les bénéfices d’échanges et de partenariats entre le secteur académique et les acteurs économiques, au sein d’un réseau local d’excellence. Les outils innovants obtenus ont permis la détection d’émergences, répondant aux besoins des gestionnaires de santé. Ces travaux s’inscrivent dans le concept de santé globale « One Health », considérant santés humaine, animale, végétale et environnementale comme intimement liées.

Références

Bernard Célia, Holzmuller Philippe, Bah Madiou Thierno, Bastien Matthieu, Combes Benoit, Jori Ferran, Grosbois Vladimir, Vial Laurence. 2022. Systematic review on Crimean–Congo hemorrhagic fever enzootic cycle and factors favoring virus transmission: Special focus on France, an apparently free-disease area in EuropeFrontiers in Veterinary Science, 9:932304, 17 p.

Bah Thierno Madiou, Grosbois Vladimir, Stachurski Frédéric, Munoz Facundo, Duhayon Maxime, Rakotoarivony Ignace, Appelgren Anaïs, Calloix Clément, Noguera Liz, Mouillaud Théo, Andary Charlotte, Lancelot Renaud, Huber Karine, Garros Claire, Leblond Agnès, Vial Laurence. 2022. The Crimean-Congo haemorrhagic fever tick vector Hyalomma marginatum in south of France: Modelling its distribution and determination of factors influencing its establishment in a newly invaded area. Transboundary and Emerging Diseases, 69 (5) : e2351-e2365.

Vial L, Stachurski F, Leblond A, Huber K, Vourc'h G, René-Martellet M, Desjardins I, Balança G, Grosbois V, Pradier S, Gély M, Appelgren A, Estrada-Peña A. Strong evidence for the presence of the tick Hyalomma marginatum Koch, 1844 in southern continental France. Ticks Tick Borne Dis. 2016 Oct;7(6):1162-1167. doi: 10.1016/j.ttbdis.2016.08.002