Gestion préventive du criquet pèlerin : des crises humanitaires évitées

Résultats & impact 17 mai 2024
Une nouvelle étude, publiée par des scientifiques du Cirad et d’INRAE, dresse un état de l’art du risque d’invasions du criquet pèlerin en Afrique de l'Ouest et du Nord, en analysant 40 ans de données de terrain et de relevés climatiques. L’étude révèle que les mesures de gestion préventive ont réussi à contrer les effets favorables du changement climatique sur les pullulations du ravageur. Cette découverte souligne l’importance cruciale de la gestion préventive pour atténuer les impacts du changement climatique et ses conséquences pour la sécurité alimentaire de la région.
Criquet pèlerin © C. Piou, Cirad
Criquet pèlerin © C. Piou, Cirad

Criquet pèlerin (Schistocerca gregaria) © C. Piou, Cirad

A faible densité, le criquet pèlerin (Schistocerca gregaria) se comporte comme les autres criquets et ne pose pas de problèmes. On parle alors d’une phase « solitaire ». Mais lorsque la densité d’insecte augmente, il devient grégaire et forme alors des essaims très mobiles qui dévorent les cultures et pâturages et créent d’énormes dégâts. Ces essaims peuvent rapidement menacer la sécurité alimentaire des populations du Sénégal à l'Inde, comme en témoignent les dernières crises de 2003-2004 en Afrique de l’Ouest et de 2020-2021 au Moyen-Orient et Afrique de l’Est. 

Le passage de la phase solitaire à grégaire dépend fortement de conditions météorologiques favorables, en particulier de la température, de l'humidité et des précipitations. Or, en Afrique de l’Ouest et du Nord le changement climatique augmente les températures et modifie les régimes de précipitations. Le changement climatique devrait donc augmenter les débuts d’invasions du criquet pèlerin et pourrait modifier leur distribution spatiale. Malgré les préoccupations croissantes concernant l'impact du changement climatique sur les criquets pèlerins, les chercheurs ont constaté que l'intensification des mesures de gestion a réussi à contrer ces effets. Ces mesures, qui consistent à traiter avec des insecticides (chimiques ou biologiques) des zones limitées en tout début du processus de pullulation, sont donc efficaces pour prévenir des invasions et crises à très large échelle.

Cette conclusion est le fruit d'une analyse des tendances sur les 4 dernières décennies de la fréquence des signes de début d’invasion potentielle, menée à trois échelles spatiales différentes : l’échelle de la région de 10 pays, une échelle fine de l’espace découpé en cellule de 50km de côté et une échelle intermédiaire regroupant ces cellules en 6 groupes homogènes dans leurs tendances climatiques. 

Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet "Consolider les bases de la stratégie de lutte préventive et développer la recherche opérationnelle sur le Criquet pèlerin en région occidentale" mené par la CLCPRO (Commission de lutte contre le criquet pèlerin dans la région occidentale) de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) avec un financement de l'AFD (Agence Française pour le Développement).


Référence 

Herbillon, F., C. Piou, and C. N. Meynard. 2024. An increase in management actions has compensated for past climate change effects on desert locust gregarization in western Africa. Heliyon:e29231. https://doi.org/10.1016/j.heliyon.2024.e29231