Maladie des agrumes : un risque majeur d’épidémie en Méditerranée

Résultats & impact 9 janvier 2023
Le Huanglongbing (HLB) est la maladie la plus grave affectant les cultures d’agrumes dans le monde, mais épargne encore la zone méditerranéenne. Pour la première fois, une équipe coordonnée par le Cirad démontre la capacité d’un insecte, le psylle africain Trioza erytreae, à transmettre efficacement la bactérie à l’origine de la forme grave du HLB. Ce psylle est déjà présent dans la péninsule ibérique, menaçant la région d’une épidémie majeure en cas d’introduction de la bactérie.
Le psylle africain Trioza erytreae est capable de transmettre efficacement la bactérie à l’origine de la forme grave du Huanglongbing (HLB). © A. Franck, Cirad
Le psylle africain Trioza erytreae est capable de transmettre efficacement la bactérie à l’origine de la forme grave du Huanglongbing (HLB). © A. Franck, Cirad

Le psylle africain Trioza erytreae est capable de transmettre efficacement la bactérie à l’origine de la forme grave du Huanglongbing (HLB). © A. Franck, Cirad

Depuis sa propagation rapide dans les années 2000, la maladie Huanglongbing (HLB) décime les agrumes, diminuant fortement les rendements et revenus des pays producteurs (Brésil, Chine, États-Unis). À ce jour, seules deux régions au monde sont épargnées : l’Australie/Nouvelle Zélande et la Méditerranée. D’après un rapport d’expertise de l’Anses en 2019, le risque d’établissement de la maladie en Méditerranée est élevé. En cause : la présence en Espagne et au Portugal du psylle Trioza erytreae, l’insecte vecteur de la bactérie responsable de la forme modérée du HLB en Afrique.

Ce psylle peut-il provoquer une épidémie grave de HLB en Méditerranée ? Oui, si une autre bactérie originaire d’Asie, prénommée « CLas », responsable de la forme grave de la maladie venait à être introduite dans la région. Des résultats inédits – publiés dans Frontiers in Plant Science – viennent en effet de démontrer la capacité de cette espèce de psylle (Trioza erytreae) à transmettre cette bactérie. « L’introduction de plantes infectées par CLas dans la péninsule ibérique pourrait donc être désastreuse pour la région », s’inquiète Leandro Pena, coordinateur du projet H2020 Pre HLB dans lequel s’inscrit cette étude. 

Plusieurs espèces de la bactérie Candidatus Liberibacter spp. provoquent le HLB chez les agrumes. « Celle d’origine asiatique (CLas) est la plus agressive, elle induit des symptômes sévères entraînant une mort rapide de l’arbre, explique Bernard Reynaud, premier auteur de l’étude et directeur de l’UMR PVBMT Cirad/Université de la Réunion. La propagation de la bactérie CLas est à l’origine d’importantes pertes économiques mondiales. » Cette bactérie asiatique est naturellement transmise par une autre espèce de psylle (Diaphorina citri) d’origine asiatique également. Mais le consortium montre pour la première fois que le psylle africain présent en Europe (Trioza erytreae) est lui aussi capable de propager efficacement la bactérie CLas aux agrumes.

« Durant six mois, des tests ont été réalisés à la Réunion, seule région au monde où les deux espèces de psylles cohabitent avec la bactérie CLas », détaille Hélène Delatte, entomologiste au Cirad, co-autrice de l’étude. En pratique, des larves de psylles ont été confinées dans un tube à essai sur des jeunes pousses d’arbres infectées par la bactérie CLas. Par la suite, les insectes adultes ont été transférés dans de nouveaux tubes contenant de jeunes plantules saines. Les résultats montrent que les deux espèces de psylles sont capables de transmettre la bactérie CLas. Trioza erytreae, l’espèce présente en Europe, transporte même des quantités plus importantes de bactéries. « L’originalité de notre étude a été de pouvoir comparer la transmission par les deux espèces de psylles dans les mêmes conditions expérimentales, commente Bernard Reynaud. Cela a été rendu possible grâce à leur présence à La Réunion. » Les conditions reproduites en laboratoire sont similaires à celles rencontrées dans les productions méditerranéennes d’agrumes.

Au-delà des implications sanitaires et économiques majeures, ces résultats sont intéressants d’un point de vue scientifique. « Ces deux espèces de psylles sont très éloignées, nous sommes donc surpris de constater que la bactérie CLas peut se multiplier et être transmise par les deux espèces de psylle, analyse Bernard Reynaud. Nous allons poursuivre les travaux pour mieux caractériser le cycle de transmission et les interactions avec CLas chez le psylle africain. »

Cette étude démontre l’importance de prévenir toute introduction de la bactérie CLas en Europe, au risque de déclencher une épidémie majeure de HLB. 

Ces travaux ont bénéficié du soutien de l’Union Européenne, du Conseil Régional de La Réunion et du Fonds européen agricole pour le développement rural.

Un risque également pour l’Afrique
Le psylle Trioza erytreae est un insecte d’origine africaine, vivant en moyenne altitude. Récemment, la bactérie asiatique CLas a été introduite sur le continent africain, en Éthiopie et au Kenya. Bernard Reynaud alerte : « Maintenant que nous savons que Trioza erytreae est capable de transmettre efficacement la bactérie CLas, il est important également de renforcer la surveillance en Afrique, ce psylle y étant largement répandu, cela augmente les zones à risque notamment sur les hautes terres. »