Science en action 17 septembre 2024
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La filière agrume face à la maladie du dragon jaune
Originaire d’Asie du Sud-Est, le HLB s’est rapidement répandu dans la zone caraïbe et sud-américaine dans les années 2000. Les principaux pays et régions producteurs d’agrumes, à savoir la Chine, la Floride (Etats-Unis) et le Brésil, sont fortement impactés, entraînant à l’échelle mondiale une baisse de la production et une hausse des prix. Première zone de production des petits agrumes, oranges et citrons, le bassin méditerranéen craint lui aussi une introduction de la bactérie car, si la maladie n’a pas encore été détectée dans la région, le psylle – insecte vecteur du HLB – est déjà présent (voir les zones de présence de la maladie et/ou du psylle).
La Guadeloupe à l’avant-garde des solutions variétales
Estimée à environ 6000 tonnes en 2005, la production d’agrumes en Guadeloupe a chuté de 60 % en quelques années à peine, suite à la détection du HLB sur l’île. La propagation rapide de la maladie, son caractère agressif et le manque de moyens de lutte ont obligé plusieurs producteurs d’agrumes à abandonner la filière au profit d’autres espèces fruitières. En conséquence, les importations d’agrumes vers la Guadeloupe entre 2010 et 2020 ont été multipliée par six.
Sur plus de 400 analyses effectuées sur l’île à partir de 2012 dans le cadre du projet Tropicsafe, 60 % des arbres testés étaient infectés par le HLB. Pour Raphaël Morillon, physiologiste moléculaire et responsable du projet pour le Cirad, endiguer la maladie ne suffit plus : « Aujourd’hui, la seule méthode vraiment efficace consiste à arracher les arbres malades et à les remplacer par des plants sains certifiés, puis à traiter avec des insecticides pour empêcher le retour du psylle. C’est ce que fait le Brésil. Seulement c’est une méthode à forte empreinte écologique et très peu durable. En Guadeloupe, le Cirad s’est tourné vers d’autres solutions, en associant des nouvelles variétés plus tolérantes à la maladie à de nouveaux systèmes de cultures en agroécologie ».
Des variétés replantées en agriculture raisonnée ou biologique
Avec ses partenaires, dans le cadre des différents projets*, le Cirad a analysé au champ en Guadeloupe des porte-greffes et de nouvelles variétés de limettiers (citron vert), de mandariniers, de pomélos, et d’orangers pour évaluer leur tolérance à la maladie. « Avec ces variétés, nous testons différents types d’itinéraires techniques, poursuit Raphaël Morillon. L’un en agriculture raisonnée, plus économe en intrants et sans pesticides, et l’autre en agriculture biologique**. Nos résultats montrent que l’association de ce matériel végétal innovant et de pratiques culturales adaptées permet de tenir les arbres en vie et produire des fruits sur une période d’au moins sept ans ».
Actuellement, environ 10 % des surfaces initialement consacrées à l’agrumiculture en Guadeloupe sont en cours de replantation avec du matériel végétal sain certifié. Des essais à plus large échelle sont en cours avec plusieurs agriculteurs***. « Mais un important travail d’accompagnement des agriculteurs sur la culture de ces variétés, notamment sur l’irrigation et la fertilisation, reste à faire pour retrouver un niveau de production satisfaisant ».
Vers de nouvelles variétés résistantes grâce au citron caviar ?
Prochaine étape : mettre au point des variétés résistantes. Un des espoirs des scientifiques réside dans l’utilisation de certaines espèces d’agrumes d’Océanie, comme le citron caviar qui est strictement résistant à la maladie. « Nous cherchons à créer des variétés et porte-greffes complètement résistants au HLB, par hybridation entre ces agrumes résistants et des porte-greffes ou des cultivars traditionnels, comme des orangers, mandariniers, citronniers, pamplemoussiers... Pour identifier ces gènes de résistance chez les parents des futures variétés, nous explorons la grande diversité génétique des agrumes », explique Patrick Ollitrault, généticien et responsable pour le Cirad du projet Horizon 2020 Pre-HLB, dans le cadre duquel sont conduits ces travaux. Pre-HLB vise ainsi à développer sur le long terme ce type de solutions variétales pour gérer la maladie, tout en limitant les risques d’introduction et de dispersion de la maladie dans les vergers d’agrumes européens. La surveillance est accrue.
*Tropicsafe (Horizon 2020), Parade-HLB (FEADER), Life Vida for Citrus et Cavalbio (FEDER)
** dans le cadre du projet INGA (FEADER)
*** dans le cadre du projet VEDET (FEADER)
Les symptômes du HLB expliqués par Raphaël Morillon
Avec l’arrivée quasi simultanée de la maladie en Amérique du Nord et du Sud au milieu des années 2000, les importantes productions d’agrumes de Floride et du Brésil ont été drastiquement impactées. Les baisses des rendements, ainsi que les coûts de réparation des parcelles, ont notamment entraîné une hausse rapide des prix du jus concentré d’orange, qui a doublé malgré une demande en berne. La Floride reste à l’heure actuelle la zone la plus touchée par la maladie. Depuis la détection du HLB en 2005, la région a perdu 150 000 hectares de vergers, et la récolte a connu un effondrement de plus de sept millions de tonnes.
Le scénario du jus d’orange concentré est également à craindre pour le marché des agrumes frais. Par ailleurs, la tendance à la hausse des prix des agrumes pourrait se renforcer à cause de la crise russo-ukrainienne, via l’augmentation du prix des intrants à base de pétrole.