Résultats & impact 30 janvier 2025
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- Réduction des émissions de méthane et sécurité alimentaire
Les objectifs de réduction des émissions de méthane doivent prendre en compte la sécurité alimentaire

© R. Carayol, Cirad
« La réduction du méthane est le levier le plus puissant dont nous disposons pour ralentir le changement climatique au cours des 25 prochaines années, et complète les efforts nécessaires pour réduire le dioxyde de carbone », a déclaré Inger Andersen, le directeur exécutif du PNUE. S’il est reconnu que les mesures pour réduire les émissions de méthane sont urgentes, les avis divergent sur la manière dont les émissions de méthane devraient être prises en compte dans les plans d'action nationaux pour le climat. Une nouvelle étude publiée dans Journal of Environmental Management évalue les impacts des différentes méthodes de réduction des émissions de méthane au niveau national.
Comment définir une cible pour le méthane d’origine biologique ?
« L'objectif de ce travail était de montrer les effets des objectifs de réduction des émissions de méthane sur la production alimentaire, les surfaces disponibles pour la compensation du CO2 et les questions d'équité sur la scène internationale, explique Rémi Prudhomme, économiste au Cirad et auteur principal de l'étude. Nous avons pour cela utilisé un jeu de données objectives pour comparer la situation dans plusieurs pays, de manière transparente et reproductible. » Le but de cette étude est de critiquer la définition d’une cible climatique déconnectée des objectifs de Paris, qui ne prend pas en compte la production alimentaire associée avec les émissions de méthane et le lien avec les autres gaz à effet de serre.
Les auteurs ont ainsi défini des « parts équitables » nationales des émissions mondiales de méthane pour la production d'aliments à forte intensité de méthane (lait, viande, œufs et riz). Les budgets mondiaux de méthane compatibles avec la stabilisation du climat (c'est-à-dire 24 à 47% en dessous des niveaux d'émission de 2010) ont été ramenés à l'échelle de ces quotas nationaux pour quatre pays exemples : Brésil, France, Inde et Irlande.
Les quotas nationaux ont été attribués sur la base de quatre critères d’équité suivants :
• Grand-parentage (pourcentage de réduction égal entre les pays) ;
• Equité (émissions égales par habitant) ;
• Capacité (réductions d'émissions proportionnelles au PIB) ;
• Sécurité en matière de protéines animales (émissions proportionnelles à la production de protéines animales en 2010).
Ces « parts équitables » ont cependant des impacts bien différents sur la sécurité alimentaire des pays examinés. Le Brésil et l'Irlande pourraient ainsi maintenir un certain degré d'exportation de lait et de bœuf tout en atteignant la neutralité climatique au niveau national. En revanche, les scénarios qui respectent la neutralité climatique en Inde ne permettent de subvenir qu’à environ 30 % des besoins nationaux en calories et en protéines grâce au riz et au bétail. Les résultats sont similaires pour la France, pour qui les besoins en protéines ne permettent pas de respecter la neutralité nationale en termes d’émissions.
Utilisation des terres : entre objectif climatique et alimentaire
L'étude met également en évidence les liens entre réduction des émissions de méthane et le foncier. La terre est une ressource limitée, soumise à de nombreuses utilisations concurrentes. La production intensive de produits d'origine animale limite les surfaces disponibles pour la séquestration de carbone et la compensation des émissions de CO2 d'autres secteurs. Les objectifs nationaux de réduction d’émissions de méthane sont donc intrinsèquement liés à des enjeux qui semblent parfois incompatibles : la sécurité alimentaire d’une part, avec sa production polluante, et la capacité à compenser ses émissions d’autre part, avec une utilisation des terres tournée vers le stockage carbone, notamment. Cela soulève des questions de durabilité et d’équité, à la fois entre les différents pays, mais aussi entre les générations au sein d’un même territoire.
David Styles, maître de conférences en ingénierie environnementale à l'université de Limerick, a coordonné l'étude dans le cadre du projet SeQUEsTER : « Ce travail montre que le choix de la méthode de réduction des émissions a un effet profond sur les objectifs nationaux en matière de méthane, et donc sur le secteur agricole et l'utilisation des terres. »
La mise en relation des méthodes de réduction d’émissions de méthane avec la production alimentaire et le piégeage carbone fournit de nouveaux éléments pour alimenter le débat sur la fixation des objectifs nationaux en matière de gaz à effet de serre. Cependant, le choix de la méthode de réduction des émissions revient en définitive aux décideurs nationaux.
« Un dialogue plus approfondi entre les scientifiques et les parties prenantes est nécessaire pour fixer des objectifs nationaux qui intègrent les résultats de nos travaux, notamment en matière de sécurité alimentaire et selon les différentes techniques possibles de réduction du méthane », souligne Rémi Prudhomme. Pour faciliter ce processus, les auteurs de l’étude ont rendu public leurs résultats via un outil en ligne permettant d'explorer les implications de différents objectifs de réduction d’émission de méthane.
Référence
Rémi Prudhomme. Defining national biogenic methane targets: Implications for national food production & climate neutrality objectives. Journal of Environmental Management.