Redécouverte d’une espèce de café au goût subtil et adaptée à un climat plus chaud

Résultats & impact 19 avril 2021
D’une qualité gustative comparable aux meilleurs Arabica, Coffea stenophylla supporte des températures de 6°C supérieures. Cette espèce de caféier sauvage et menacée d’Afrique de l’Ouest vient d’être redécouverte par une équipe de scientifiques. Ils publient leurs résultats le 19 avril dans Nature Plants. Face au réchauffement climatique, cette découverte pourrait s’avérer cruciale pour le marché du café. Celui-ci repose actuellement sur deux espèces seulement : l’Arabica et le Robusta.
Coffea stenophylla a la particularité d'avoir des grains noirs. L'espèce est aujourd’hui quasiment disparue et est inscrite à la liste rouge de l’UICN © CRB Coffea, IRD-CIRAD
Coffea stenophylla a la particularité d'avoir des grains noirs. L'espèce est aujourd’hui quasiment disparue et est inscrite à la liste rouge de l’UICN © CRB Coffea, IRD-CIRAD

Coffea stenophylla a la particularité d'avoir des grains noirs. L'espèce est aujourd’hui quasiment disparue et est inscrite à la liste rouge de l’UICN © CRB Coffea, IRD-CIRAD

« Une saveur comparable à de l’Arabica haut de gamme » : c’est la conclusion d’un jury de professionnels du café à propos de Coffea stenophylla. Cette espèce de caféier se cultive à une température annuelle moyenne de 25°C : soit environ 2°C de plus que le Robusta, et 6°C de plus que l’Arabica ! Une adéquation aux exigences gustatives des consommateurs, doublée d’une agronomie intéressante face au réchauffement climatique : l’espèce pourrait bien rebattre les cartes du marché mondial du café … Ces résultats viennent d’être publiés par le Royal Botanic Gardens, Kew (RBG Kew), le Cirad, l’ONG Welthungerhilfe, le département des forêts du Sierra Leone et l'Université de Greenwich dans Nature Plants.

Les « nez » européens du café jugent C. stenophylla digne d’un Arabica haut-de-gamme

En décembre 2020, un jury composé de professionnels de Jacobs Douwe Egberts, Nespresso, Starbucks, Supremo, Belco, AST Sensory Skills, La Claque Café et l’Arbre à Café ont dégusté à l’aveugle plusieurs échantillons d’Arabica, Robusta et Stenophylla.

Au laboratoire d'analyses sensorielles du Cirad à Montpellier, une dégustation de café inédite s'est déroulée le 10 décembre 2020. La dégustation a été effectuée à l’aveugle et a suivi un protocole strict. © D. Mieulet, Cirad

Une dégustation inédite de cafés s'est déroulée le 10 décembre 2020, au laboratoire d'analyses sensorielles du Cirad à Montpellier © D. Mieulet, Cirad

A la question « est-ce que ce café est un Arabica ? », 81 % des juges ont répondu par l’affirmative pour le Coffea stenophylla. Malgré ce score de « ressemblance avec un Arabica » élevé, 42 % des juges ont identifié l'échantillon de Stenophylla comme une nouveauté, suggérant une niche de marché pour ce café. Organisée par le laboratoire d’analyses sensorielles du Cirad, cette dégustation a révélé la douceur naturelle de Coffea stenophylla, son acidité moyenne, son fruité et une texture en bouche agréable. Parmi les arômes cités, recherchés également dans un Arabica de haute qualité : des notes fruitées et florales de jasmin, fleur de sureau ou rose. « Son originalité repose notamment sur ses notes végétales », précise Delphine Mieulet, scientifique au Cirad, qui a coordonné la dégustation.

« Ces résultats fournissent la première évaluation sensorielle scientifique de C. stenophylla. Les juges lui ont trouvé un profil aromatique complexe, inhabituel et digne d'intérêt pour les consommateurs. Pour moi, cette nouvelle espèce est prometteuse pour le café de qualité », complète Delphine Mieulet.

Un atout face au réchauffement climatique et à la faible diversité génétique des cultivars de café

L’Arabica représente 56 % du marché mondial de café et le Robusta 43 %. L’Arabica, qui se cultive à une température annuelle moyenne d’environ 19°C, s’avère vulnérable à la hausse des températures. Le Robusta, lui, pousse à 23°C, mais présente des qualités gustatives bien inférieures à l’Arabica. Endémique de l’Afrique de l’Ouest, Coffea stenophylla s’adapte quant à elle à une température annuelle moyenne d’environ 25°C. L’espèce pourrait donc être cultivée à des endroits beaucoup plus chauds que l’Arabica.

Pour Aaron Davis, directeur du département de recherche sur le café du Royal Botanic Gardens, Kew (RBG Kew), premier auteur de l’étude, ces résultats sont remarquables : « Il est vital de pérenniser la chaîne d'approvisionnement du café pour faire face au changement climatique - le café est le moteur d'une industrie mondiale de plusieurs milliards de dollars, soutient l'économie de plusieurs pays tropicaux et fournit des moyens de subsistance à plus de 100 millions de producteurs de café. Trouver une espèce de café qui se développe à des températures plus élevées et qui a une excellente saveur est une découverte scientifique unique - cette espèce pourrait être essentielle pour l'avenir d'un café de haute qualité. » *

Cette année de nouvelles plantations de C. stenophylla vont être mises en place en Sierra Leone. Le Cirad prévoit également de tester l’espèce dans différents environnements afin d’évaluer son potentiel agronomique.

Caféiers : une biodiversité menacée dans ses zones d'origine

Le genre Coffea dénombre plus de 124 espèces de caféiers. Pourtant seules deux d’entre elles côtoient quotidiennement nos tasses : l’Arabica et le Robusta. A l’état sauvage, ces espèces non exploitées commercialement sont souvent menacées d’extinction. En témoigne la situation de l’espèce Coffea stenophylla qui, jusqu’en 2018, n’avait pas été aperçu à l’état sauvage depuis 1954. Stenophylla est aujourd’hui quasiment disparue et inscrite à la liste rouge de l’UICN des espèces menacées.

Pour empêcher la disparition de ces espèces végétales et appuyer les programmes d’amélioration variétale du caféier, le CRB Coffea préserve plus de 700 génotypes de caféiers. Ce centre de ressources biologiques dédié aux caféiers sauvages regroupe 35 espèces de caféiers (genre Coffea), principalement originaires d’Afrique. Les espèces sont conservées à travers une cryobanque de semences hébergée par l’IRD à Montpellier et une collection au champ dans le sud de l’île de la Réunion cogérée par l'IRD et le Cirad.

*Citation en anglais d’Aaron Davis :
Future-proofing the coffee supply chain to deal with climate change is vital – coffee drives a multibillion dollar global industry, supports the economy of several tropical countries, and provides livelihoods for more than 100 million coffee farmers. To find a coffee species that flourishes at higher temperatures and has an excellent flavour is a once in a lifetime scientific discovery – this species could be essential for the future of high-quality coffee.

Référence

Aaron P. Davis, Delphine Mieulet, Justin Moat, Daniel Sarmu, and Jeremy Haggar. Arabica-like flavour in a heat tolerant wild coffee species. Nature Plants -19 avril 2021

Des photos de la dégustation sont disponibles sur demande : presse@cirad.fr

 

L'avis de James Hoffmann sur cette nouvelle espèce :